RAPPORT N°10

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Aides, charité & philanthropie

Jaques André Fines Schlumberger
Lié aux ODD

L’Association « Blockchain for Good »  publie des analyses indépendantes et les opinions exprimées dans ce rapport n’engagent que leurs auteurs et aucunement nos partenaires, la Chaire « Blockchain & Platform »  de l’Ecole Polytechnique, créé avec le soutien de Capgemini, NomadicLabs et la Caisse des dépôts et des Consignations, la Banque Publique d’Investissement (Bpifrance), le Groupe Caisse des dépôts et la Credit Agricole Corporate Investment Bank.

La blockchain, ça n’existe pas . Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il y a plusieurs types de blockchains, parmi lesquels, pour largement schématiser, les blockchains publiques et les blockchains privées. Or, lorsque l’on parle de « la »  blockchain, comment savoir de laquelle il s’agit, alors qu’elles sont intrinsèquement différentes ? La première blockchain publique s’appelle Bitcoin et a été conceptualisée entre 2007 et 2008, puis mise en œuvre en janvier 2009 par une personne ou un groupe de personnes répondant au nom de Satoshi Nakamoto, disparu(e.s) depuis décembre 2010. Une autre blockchain publique notable s’appelle Ethereum et a été créée en juillet 2015. Depuis, près de 20 000 blockchains publiques, dont la plupart n’ont probablement aucune utilité, ont été créées et sont référencées sur le site d’information coinmarketcap.com.

Le concept fondamental associé au mot “blockchain” est la décentralisation.

Une blockchain publique ou commune est un grand livre numérique décentralisé et sécurisé auquel quiconque peut participer, pour écrire, effectuer des transactions, les lire, les vérifier ou encore les sécuriser, le tout sans intermédiaire central . Quant aux blockchains privées, il s’agit, pour l’entreprise ou le groupe d’acteurs qui en a le contrôle et la gouvernance, de plus ou moins optimiser des processus, parfois déjà existants, souvent organisés en silos, et dont la principale problématique est d’en assurer le registre, afin de résoudre l’inefficience de la circulation des informations dans de telles organisations pyramidales.

Lorsque l’on parle de la blockchain alors que l’on se réfère à Bitcoin ou Ethereum et leurs dérivés , il s’agit de blockchains publiques ou communes, qui reposent sur la combinaison de plusieurs technologies dont certaines leur sont préexistantes : « les protocoles de réseau pair-à-pair », des « techniques de cryptographie » et, innovation fondamentale apportée par Bitcoin, le « mécanisme de consensus par la preuve de travail » . La savante combinaison de ces trois technologies aboutit à un registre distribué, à une chaîne de blocs de transactions reliées entre elles depuis la première, et que l’on appelle « blockchain »  dans le langage courant. Mais, comme l’explique Alexandre Stachtchenko, président de l’Association pour le Développement des Actifs Numériques (ADAN), « l’innovation majeure de Bitcoin, c’est le consensus sans intermédiaire dans un réseau informatique permettant de gérer et de transférer de la valeur en ligne » .

Ce consensus sans intermédiaire, propre aux blockchains publiques, permet d’opérer un système de monnaie électronique pair-à-pair, ouvert à tous, sans autorisation préalable ni censure. Quiconque est libre d’utiliser ou non le service opéré par la blockchain publique, qui sert, dans le cas de Bitcoin, à recevoir, détenir ou envoyer une monnaie électronique pair-à-pair, des bitcoins, partout dans le monde. Ce qui fait dire à Yorick de Mombynes, conseiller référendaire à la Cour des comptes, que « Bitcoin est un dispositif acéphale, décentralisé, ouvert. Nul n’a de pouvoir sur lui. Il n’a ni leader ni gestionnaire. Il appartient à tous et à personne. Ces caractéristiques forment un ensemble exceptionnellement novateur, aux antipodes des systèmes fondés sur la hiérarchie, (...), le monopole légal et le centralisme [1]  » .

Alors que la diversité des usages n’a de limite que l’imagination de leurs concepteurs, les blockchains servent aujourd’hui quatre grands types d’usage : (1) échanger des actifs numériques en pair-à-pair, (2) s’identifier de manière décentralisée, voire de manière anonyme, (3) tenir un registre infalsifiable de données, ou encore (4) programmer des actifs numériques, chacun pouvant être combinés avec les autres.

Échanger des actifs numériques en pair-à-pair, cela veut dire échanger de l’argent numérique de la main à la main, à l’instar de l’argent liquide. Alors que pour certains, Bitcoin et les crypto-monnaies stables* n’ont pas d’utilité, d’autres y voient au contraire un formidable outil d’émancipation monétaire, notamment pour des dizaines de millions de personnes vivant sous des régimes autoritaires ou des économies instables.

C’est notamment le cas des vingt et un défenseurs des droits de l'homme, originaires d’une vingtaine de pays dans le monde, ayant récemment adressé une lettre au Congrès américain, et pour qui « les utilisateurs du dollar et de l'euro n'ont probablement pas connu la dévaluation extrême de leur monnaie ou l'emprise froide d'une dictature. Pour la plupart des Occidentaux, les horreurs du colonialisme monétaire, la politique financière misogyne, les comptes bancaires gelés, les sociétés de transfert de fonds qui exploitent les migrants et l'incapacité à se connecter à l'économie mondiale sont peut-être des idées lointaines. Pour la plupart d'entre nous et nos communautés - et pour la majorité des gens dans le monde - ce sont des réalités quotidiennes. S'il existait des "solutions bien meilleures déjà utilisées" pour surmonter ces défis, nous le saurions [2]  ».

Envoyer et recevoir de l’argent sans intermédiaire, quasiment sans frais, et sans aucune contrainte géographique. Se protéger de la dévaluation de sa monnaie. Commercer avec l’étranger, sans restriction bancaire. Selon l’indice mondial d'adoption des crypto-monnaies 2021, édité par Chainanalysis, il s’avère que le plus fort taux d’adoption des crypto-monnaies concerne les personnes qui n’ont pas accès aux banques ou dont les banques imposent des restrictions, comme au Nigéria par exemple, qui interdit à ses ressortissants de procéder à des virements vers l’étranger de plus de 500 $. Ainsi, « de nombreux marchés émergents sont confrontés à une importante dévaluation de leur monnaie, ce qui pousse les résidents à acheter des crypto-monnaies sur des plateformes P2P afin de préserver leurs économies [3]  »  poursuit le rapport The 2021 Geography of Cryptocurrency Report [4]  publié par Chainanalysis. Recourir à une crypto-monnaie stable (stable-coin*), un crypto-actif à parité fixe avec une monnaie fiduciaire, par exemple le dollar, permet ainsi à des personnes de convertir leur salaire ou leurs économies dans une monnaie plus stable, et de se prémunir ainsi contre la dévaluation de leur propre monnaie. Une réalité quotidienne pour les habitants de pays comme le Nigeria, la Turquie, le Liban ou encore l'Argentine , dont les monnaies s'effondrent. Certaines crypto-monnaies stables, comme celle proposée par Agrotoken en Argentine, sont même adossées à des actifs réels comme la tonne de soja, de sorte à protéger les agriculteurs contre l’inflation.

S’identifier de manière décentralisée, voire de manière anonyme, c’est pouvoir bénéficier d’un système d’identité respectueux de la vie privée. Et surtout de résoudre la contradiction selon laquelle certains pays, caractérisés par une défaillance des institutions n’arrivent pas fournir à leurs ressortissants un moyen de prouver leur identité et de l’autre, dans les pays développés, les individus bénéficient d’un anonymat très relatif, que ce soit pour des raisons commerciales et financières, ou encore politiques et sécuritaires. Alors que la population mondiale compte 7,9 milliards d'individus, un milliard de personnes [5]  ne peuvent pas prouver leur identité, ce qui est déterminant, pour au moins dix des Objectifs de développement durable selon la Banque Mondiale [6] . L’apport des blockchains dans le domaine de l’identité numérique est de passer d’un modèle centralisé où l’utilisateur crée un identifiant/mot de passe et dissémine ses informations personnelles auprès de chaque service avec lequel il interagit, à un modèle décentralisé, où l’utilisateur reste maître de ses données personnelles.

Tenir un registre infalsifiable de données, c’est l’opportunité de repenser le caractère centralisé de n’importe quel registre officiel, que ce soit le cadastre à l’échelle d’un pays, un registre de propriété foncière, un registre de diplômes, mais aussi le registre d’une chaîne de traçabilité faisant intervenir une multitude d’acteurs et dont les interactions deviennent ainsi plus ou moins transparentes.

Programmer des actifs numériques, cela veut dire mettre en œuvre des contrats informatiques, inarrêtables, incensurables et distribués sur tous les noeuds d’une blockchain publiques appelés « smart contracts* »  ou « contrats autonomes* » . Ils permettent d’effectuer des transactions plus complexes, par exemple, si un produit est livré, alors le paiement est enclenché automatiquement. S’il neige pendant dix jours, un contrat d’assurance paramétrique envoie automatiquement une indemnité aux agriculteurs l’ayant souscrite. Une énergie renouvelable produite localement peut être tracée avec un token* et revendue en pair à pair via un contrat autonome. Le contrat autonome permet d’exécuter des clauses préalablement établies de manière automatique : si le produit n’est pas livré, le paiement n’a pas lieu et dès que le produit est livré, le paiement a lieu automatiquement. Si un agriculteur est assuré contre les tempêtes et que l'événement météorologique se produit, le paiement de son assurance est automatique, tout comme la manière de s’assurer, de manière décentralisée, que l'événement météorologique s’est bien passé. Lorsqu’une personne participe à un dispositif d’auto-consommation collective d’énergie, il revend automatiquement le surplus d’électricité qu’il produit ou achète automatiquement ce dont il a besoin.

 Parce qu’il n’y a pas d’organe central, on dit des blockchains publiques sans permission qu’elles permettent de distribuer la confiance à travers un réseau, ou encore, qu’elles sont une « technologie du consensus [7]  ». Elles permettent à ses utilisateurs d’opérer des transactions plus ou moins complexes et de se faire confiance sans se connaître.  Ces technologies sont au cœur d’un changement de paradigme qui oppose les tenants d’un ancien monde, en pleine mutation, et les tenants d’un nouveau monde, encore en construction, comme l’expliquait David Pucheu, chercheur à l'Université Bordeaux Montaigne, lors de la conférence « Blockchain, imaginaires religieux et théologie » organisée au Collège des Bernardins le 17 mars 2021, « le New Edge, prolongation du New Age des années 1970, oppose à l’ancien monde, centralisé, coercitif et hiérarchisé, un nouveau monde, décentralisé, auto-organisé et horizontal, inscrit dans une dynamique évolutionniste (mais par des moyens techniques et non "occultes") [8]  » .

Mais comme un moyen technique ne dépend que de l’usage qui en est fait, les blockchains peuvent servir au meilleur comme au pire : à l’émergence d’un système monétaire alternatif et universel, tout comme à la mise en oeuvre d’un eYuan (le eCNY) [9] , incroyable instrument de surveillance monétaire développé par Pékin.

En moins de quinze ans, d’innombrables projets dits blockchains ont ainsi été lancés, testés, expérimentés par des organisations de tout type et dans des domaines extrêmement variés. Alors que la technologie ne cesse de s’améliorer, qu’elle attire de plus en plus de développeurs informatiques et d’utilisateurs et parce que les premières innovations deviennent matures, le temps semble venu, pour bon nombre d’observateurs, d’interroger son utilité sociétale et d’identifier les domaines dans lesquelles elles apportent une plus-value pour ceux qui s’en servent, la société et les objectifs communs notamment portés par la communauté internationale.

Blockchain for good

Dès 2013, des projets « blockchains »  estampillés « for good »  sont lancés par des associations à but non lucratif comme BitGive, ou élaborés au sein d’Organisations non gouvernementales et d’Organisations internationales dont les missions sont par nature alignées avec les Objectifs de développement durable.

En 2015, l’UNICEF conduit une première expérience sur la blockchain Bitcoin pour tester un « système d’identité immuable »  et explique ainsi que « si nous pouvions prendre la photo d'une personne, la relier à ses informations personnelles (date de naissance, nom, etc.), coder ces éléments et publier un lien cryptographiquement sécurisé vers les informations codées sur la blockchain, ce lien, parce qu'il se trouverait sur un réseau public et sans autorisation, durerait "pour toujours" et constituerait une identité immuable » . En 2016, l’UNICEF monte un fond de capital-risque pour accompagner de jeunes entreprises technologiques sur des marchés émergents [10] .

En novembre 2018, ce fonds compte 72 investissements dans les domaines des data science et de l’intelligence artificielle, des blockchains et de l’Extended Reality, dont 33 dans des startups basées dans des pays où l’UNICEF est active [11] . Une dizaine d’autres agences des Nations Unies ont initié, à partir de 2017, un certain nombre de projets blockchains menés individuellement ou collectivement, dans des domaines aussi variés que les chaînes d'approvisionnement, le paiement et le transfert d’argent en monnaie numérique, le traçage du bétail, l’identité numérique ou encore l’enregistrement des terres.

Un rapport de la Joint Inspection Unit des Nations Unies qualifie ces initiatives, en 2020, « d’opportunités sans précédent de collaboration inter-agences [13]  »  tout en mesurant l’étendue des travaux à mener pour mettre en œuvre une feuille de route transversale à ces dernières. Pour Thomas Davin, Directeur du Bureau de l’innovation à l’UNICEF, « nous n’avons vu aucune autre évolution technologique avec une croissance aussi forte au cours des dernières années – ou plus de potentiel pour résoudre tous les problèmes imaginables – que celle de Bitcoin, d’Ethereum et d’autres applications de la technologie blockchain [14]  ».

Pourtant, « peu de pays se montrent favorables à l’adoption des blockchains et des crypto -monnaies dans leurs systèmes [15]  » explique Okonjo Iweala, directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), probablement parce que cela rendrait transparent des processus que les bénéficiaires actuels préfèrent garder opaques. Et si des initiatives blockchains pourraient être utilisées pour « réduire la pauvreté, renforcer l'autonomie des femmes et leur permettre d'accéder facilement aux marchés financiers », ajoute Okonjo Iweala, le problème est, qu’à l’heure actuelle, « nous sommes encore loin de concrétiser cette vision [16]  » .

L’objet de ce rapport

Notre interrogation de départ, posée dans le rapport que nous avons publié en juin 2020 [17]  reste pour le moins inchangée : « En quoi des initiatives s’appuyant sur des blockchains, publiques ou privées, participent-elles à la réalisation des Objectifs de développement durable ? Quelles blockchains, quels objectifs de développement durable ? Dans quel but et comment ? Quels projets décentralisés fonctionnent ? Dans quels domaines et selon quelle gouvernance ? ».

Or en quatre ans, le paysage des cryptomonnaies a profondément évolué

Les difficultés à répondre à ces questions tiennent tout autant à l’immaturité de nombreux projets blockchains qu’à la transversalité des Objectifs de développement durable qui sont tous étroitement liés, « le succès de l’un dépendant souvent de la résolution de problématiques généralement associées à un autre objectif [18]  ».  

Comme il est impossible de généraliser un discours sur une classe de technologies aussi vaste que les blockchains, et surtout parce que les blockchains sont tout sauf une fin en soi, nous nous sommes attachés à identifier et analyser un certain nombre de projets et initiatives blockchains dont l’activité s’inscrit dans la poursuite d’un ou plusieurs Objectifs de développement durable.

Ce rapport s’appuie sur un important travail de collecte de données, mené séparément depuis 2018 par l’association Positive Blockchain et l’association Blockchain for Good, puis conjointement depuis le début de l’année 2021. Disponible en open data, cet annuaire de 1273 initiatives blockchains, dont 692 sont actives en juin 2022, constitue le matériau à partir duquel ce rapport est rédigé.

Méthodologie

L’annuaire

Les associations françaises Blockchain for Good  et Positiveblockchain  ont procédé, chacune de leur côté, à une première collecte de données en 2018. Il s’agissait de référencer les projets blockchains se rapportant à la poursuite d’un ou plusieurs Objectifs de développement durable. En 2020, les deux associations se sont associées pour créer « l’open-database of blockchain for good projects »  accessible sur positiveblockchain.io.

Une importante mise à jour a été effectuée de février à juin 2022 par Lucas Zaehringer, Ronald Steyer, Flavio Santalucia et Susanne Köhler et toute l’équipe de PositiveBlockchain, Carlotta Cochis, Pr. Dr. Paula Ungureanu et toute l’équipe de recherche et d’assistants de l’Université de Modène, Taira Ishikura et Serena Tan de l’Ethereum Foundation, Pierre Champsavoir et Jacques-André Fines Schlumberger de Blockchain for Good, Junie Maffock de Blockchain for Africa, Chinedu Onyeaso et Benjamin Onuoha  de l’Africa Blockchain Alliance, Peter Johnson de Ayadee Foundation, Daniel Kimotho de Clabs, Roxana Dumitrescu, Master student, et des contributions extérieures de l’Africa Blockchain Alliance & consortium partners et de l’Unicef Innovation Fund.

Ce travail de collecte d’information, effectué tout au long de l’année par un important réseau de contributeurs, permet, deux fois par an, de mettre à jour les données de l’annuaire. De plus, une fois par an, tous les projets actifs de l’annuaire sont revus un à un afin d’identifier les projets qui ont cessé leur activité et ceux qui perdurent.

 

Cet annuaire n’est pas exhaustif mais aspire à être suffisamment complet pour donner un aperçu des tendances à l'œuvre dans le domaine des projets à impact construits sur des blockchains publiques.

Quels sont les secteurs d’activité ?

Les projets et initiatives blockchains identifiés par le réseau de contributeurs sont classés dans l’annuaire par secteur d’activité, que nous avons préalablement réparti en quatorze catégories clés et 68 sous-catégories, et dont les intitulés et hiérarchies ont été discutées en ligne en  mars 2021  et  mai 2021  sur deux documents collaboratifs, ouverts à la discussion avec PositiveBlockchain.io et blockchainforgood.fr. Tous les projets sont référencés dans les 14 catégories suivantes :

  • Agriculture et alimentation
  • Aide et philanthropie
  • Climat et environnement
  • Contenu numérique et arts
  • Éducation et emploi
  • Énergie
  • Finances et assurances
  • Gouvernement et démocratie
  • Santé
  • Identité et propriété
  • Internet et télécommunications
  • Logistique et traçabilité
  • Produits et consommation
  • Transport et infrastructure

Notre parti-pris a été de rendre l’annuaire en ligne simple d’utilisation, afin qu’il puisse être compris, exploré et se faire facilement réapproprier par un large public.

Pourquoi les crypto-actifs viennent-ils redéfinir les codes de la philanthropie ? Qui sont les crypto-donateurs, quelles sont leurs motivations profondes et comment agissent-ils ? Pour les acteurs de la solidarité, quels impacts, que ce soit d’un point de vue opérationnel ou d’un point de vue stratégique ? Et bien sûr, quels sont les enjeux et l’intérêt pour les bénéficiaires de ces aides ?
Dès lors, comment ces actifs sont-ils concrètement déployés ? Au-delà des mécanismes techniques de don, à quoi correspondent ces nouvelles formes d’aides, dorénavant programmables, vérifiables et mesurables ? Voici quelques-unes des questions soulevées par ce rapport.

Introduction

Ce rapport examine la convergence des secteurs de l'aide au développement, l'aide philanthropique et des donations avec les Technologies de registre distribué (en anglais Distributed Ledger Technologies - DLTs), également connues sous les appellations de blockchains, crypto-actifs, crypto-monnaies ou encore crypto. Ce sujet d'étude est désigné sous le terme de crypto-philanthropie, l'application, sous toutes ses formes, des crypto-actifs à des fins de solidarité dont voici quelques éléments de contexte.

L'Aide publique au développement (APD), destinée à « favoriser le développement économique et l’amélioration du niveau de vie [1] », demeure le principal instrument officiel mobilisé par la communauté internationale pour soutenir les pays du Sud Global, même si elle ne représente qu’une partie des flux financiers globaux. Cette aide planifiée, qui inclut l'aide-projet, l'aide-programme et la coopération technique, est un modèle né après la Seconde Guerre mondiale et structuré dès les années 1960. Pour être qualifiée d'Aide Publique au Développement, une aide doit répondre à quatre critères stricts définis par le Comité d'Aide au Développement (CAD) de l'OCDE. Elle doit émaner d'organismes publics, être destinée à des pays figurant sur une liste précise de bénéficiaires, son objectif doit être de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie et enfin, l'aide doit être concessionnelle, c'est à dire qu'elle doit être fournie sous forme de dons, ou de prêts dont l'élément de « libéralité », l'équivalent-don, est supérieur ou égal à 25 % [2] .

Sur le plan financier, l'Aide Publique au Développement consentie par les membres du Comité d’aide au développement (CAD) a atteint 161,2 milliards de dollars en 2020 et 224 milliards de dollars en 2023, dont 66 provenant des États-Unis, principal donateur [3] . Précisons que l'aide humanitaire d'urgence constitue l'une des modalités spécifiques de l'Aide publique au développement, et que celle-ci s'élevait à 25,9 milliards de dollars en 2023.

Pour être précis, il faut également mentionner l'aide octroyée par les États ne faisant pas partie du Comité d’aide au développement (CAD) et notamment la Chine, l'Inde, le Brésil, la Turquie, les pays du Golf etc. et qui désigne des donateurs de plus en plus importants [4] . Selon les chiffres les plus récents de l'ONU et de l'OCDE, l'aide estimée de la « coopération Sud-Sud » s'élèverait en 2022 à 16,5 milliards de dollars, tout en considérant ce chiffre comme largement sous-estimé, notamment pour la Chine, dont les flux sont souvent classifiés comme des prêts commerciaux ou des investissements plutôt que de l'« aide » [5] .

Le virage isolationniste et budgétaire Etats-Unis et les mesures très récentes prises par l'administration américaine en mars 2025, dont le scénario de « réduction la plus forte » établie par l'OCDE [6] pour 2025 à 2027 rend compte d'une baisse de 82 % des dotations à USAID pour 2025 par rapport à 2024 [7] , ont créé une onde de choc, et les anticipations sont à une diminution drastique de l'Aide Publique au Développement (APD) mondiale.

« Cette baisse de l'aide américaine ne survient pas non plus de manière isolée [8] », explique Guillaume Soto-Mayor, président d'Egregor. Et de poursuivre, « elle s'inscrit dans un contexte plus large de remise en question du modèle de développement néolibéral dominant depuis les années 1980. Les promesses de croissance bénéficiant au plus grand nombre par la libéralisation des échanges et la privatisation des services publics n'ont pas été tenues. Au contraire, les inégalités se sont creusées, la confiance institutionnelle s'est effondrée, et les mécaniques structurelles de la pauvreté ou de la conflictualité se perpétuent [9] ».

L'aide philanthropique privée, distincte de l'Aide Publique au Développement (ADP) et mobilisée par des fondations ou des Organisations de la société civile, s'est élevé, quant à elle, à 43,9 milliards de dollars de la part des fondations, selon les dernières données comparatives de l'OCDE (moyenne 2019-2021) [10] .

Enfin, et même si ce rapport ne les couvre pas, il faut également mentionner les transferts de fonds des migrants vers les pays à revenu faible et intermédiaire, autrement dit, l'argent envoyé par les diasporas à leurs familles, en anglais remittances, dont le montant devrait atteindre, selon les dernières estimations de la Banque mondiale, 685 milliards de dollars en 2024 [11] .

En parallèle de l’Aide publique au développement (APD) et des apports des grandes fondations, les donations individuelles représentent l’un des principaux moteurs du financement des organisations de solidarité, même si elles ne figurent pas dans les statistiques officielles de l’OCDE. Aux États-Unis, ces dons individuels représentaient 319 milliards de dollars en 2023 [12] . En France, les dons des particuliers se sont élevés à 5,4 milliards d'euros en 2023 et 2024 selon France Générosités [13] . Selon le Panorama national des générosités 2024, réalisé par France générosités en collaboration avec l’Observatoire Philanthropie & Société de la Fondation de France, le montant des dons des particuliers et ceux des entreprises au profit des organisations d’intérêt général est estimé à 9,2 milliards d’euros en 2022 [14] . Dans d’autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, les donations individuelles dominent également le paysage philanthropique, respectivement 13,9 milliards GBP au Royaume-Uni, selon le Giving Report [15] publié par la Charities Aid Foundation en 2024, et près de 60 % des dons privés aux Pays-Bas, selon le rapport Giving in the Netherlands [16] publié en 2022 par l'Université d'Amsterdam.

Ces flux, bien que massifs, restent peu visibles à l’échelle internationale, car ils transitent par des millions de canaux : dons directs, plateformes numériques, collectes d’urgence, legs, sans centralisation globale. Ils jouent pourtant un rôle décisif car ils financent la continuité opérationnelle des ONG, permettent des réponses rapides en temps de crise et constituent la base de leur légitimité sociale. Dans un contexte où l’Aide publique au développement (ADP) régresse nettement et où certains des plus grands bailleurs de fonds réduisent leurs engagements, la générosité individuelle apparaît comme une ressource essentielle et complémentaire aux financements publics.

C’est dans ce paysage que la crypto philanthropie s’inscrit. Non pas comme un substitut de l’Aide publique au développement (ADP), mais comme une extension des formes de dons individuels, portée par de nouveaux donateurs et de nouveaux outils techniques. Bien que le montant total des donations soit encore modeste, atteignant un milliard de dollars en 2024, il pourrait fortement progresser et représenter l'équivalent de 90 milliards de dollars en 2035, selon un rapport publié par The Giving Block [17] .

Mais la crypto-philanthropie dépasse largement le seul sujet des donations et désigne un changement de paradigme, pour chacune des parties prenantes, dans la gouvernance, la collecte et la livraison d'une aide, sous toutes ses formes, en exploitant les caractéristiques de ces Technologies de registre distribué. Elle inaugure de nouveaux canaux et sources de financement de la part de nouveaux types de donateurs, une transparence et une traçabilité des flux financiers accrue, invoquant moins d'acteurs, et une meilleure efficacité opérationnelle à l'échelle de la planète. Comme le souligne Guillaume Soto-Mayor « les mécanismes et outils de la crypto-philanthropie peuvent être utilisés pour éviter les pièges du passé : pas de conditionnalités qui affaiblissent la capacité régulatrice des États, pas de programmes qui créent de la dépendance plutôt que de l'autonomie. Les technologies de registre distribué offrent ici des opportunités inédites de transparence et de traçabilité des flux financiers, réduisant les intermédiaires et les risques de détournement. La coopération pourrait être davantage ancrée dans les réalités locales et non imposée depuis l'extérieur. La traçabilité ne doit pas devenir un nouvel outil de contrôle technocratique mais pourrait ici servir une redevabilité mutuelle et renforcer la confiance dans les réseaux de solidarités locaux et internationaux [18] ».

Comme pour le rapport précédent publié par l'association Blockchain for Good en 2022, la question qui anime cette nouvelle édition est la suivante : « Pourquoi et comment les crypto-actifs peuvent-ils impacter les chaînes de solidarité, locales et internationales, du donateur au bénéficiaire ? ».

Pour y répondre sans simplifier à l’excès, il est essentiel de rappeler que l’aide humanitaire et au développement ne se résume pas à un simple transfert financier. Les ONG disposent d’un savoir-faire technique indispensable (analyse de marché, définition des montants, coordination inter-agences, protection des bénéficiaires, suivi et redevabilité) qui structure chaque programme d’assistance. Les technologies Web3 ne remplacent pas ces compétences, mais peuvent les renforcer dans certaines étapes précises : sécurisation des flux, réduction des coûts, traçabilité, ou continuité dans des environnements instables.

Le graphique ci-dessous (voir infra) montre un continuum de désintermédiation financière et l'évolution des mécanismes de don et de transfert de valeur entre un donateur et un bénéficiaire. Il ne s'agit pas de remplacer les ONG mais de percevoir la manière dont ces dernières s'emparent de ces outils décentralisés pour optimiser leur opérations, voire même leur organisation.

Sur ce graphique, le flux A désigne un flux financier classique où le donateur passe par un tiers de paiement pour envoyer des fonds à l'organisme, qui utilise ensuite le même type d'intermédiaire pour transférer l'aide au bénéficiaire. Le flux B illustre le cas de figure, théorique, où le donateur donne en direct à l'organisme, qui à son tour donne en direct au bénéficiaire. Ce flux supprime les tiers de paiement en passant par des transferts de portefeuille à portefeuille et l'ONG reste l'entité centrale de confiance et de gestion.

Enfin, le flux C où l'ONG traditionnelle se transforme en une structure gérée par du code informatique et une communauté, une Organisation autonome décentralisée comme Big green DAO ou Giveth DAO (voir infra), et facilite la connexion directe, la transparence et la gouvernance des opérations ou encore des décisions.

Source image : Association Blockchain for Good

Structure du rapport

Afin de rendre le sujet naissant de la crypto philanthropie le plus accessible possible, nous avons choisi un plan narratif, centré sur toutes les parties prenantes, c'est-à-dire les donateurs, les acteurs de la solidarité et enfin les bénéficiaires de l'aide. Le rapport part de l'impact sur chaque partie prenante, le « pourquoi », pour ensuite détailler les mécanismes et les outils, le « comment », avant de conclure sur les enjeux globaux et les perspectives. Cette organisation permet, en outre, de couvrir en profondeur les aspects techniques et stratégiques des mécanismes du web3 appliqués à la philanthropie.

De plus, nous privilégions une explication par les cas d'usage, et pouvons compter sur l'annuaire des projets à impact construits sur des blockchain publiques [19] sur lequel travaille l'association Blockchain for Good depuis 2018.

Ce rapport fait l'objet d'une publication collaborative en ligne. Si vous souhaitez échanger, annoter, corriger certaines informations, dans le corps du texte, rendez-vous sur ce document . Sélectionnez le mot, la phrase ou le paragraphe à partir duquel vous souhaitez initier une conversation et rédigez votre commentaire.

Comme indiqué en fin de rapport, nous avons utilisé un outil d'intelligence artificielle (IA) pour faciliter certaines tâches propres à sa rédaction. C'est dorénavant un « agent conversationnel - crypto philanthropie », dont les réponses sont basées sur le présent rapport et les 79 sources ayant servi à sa rédaction. Vous pouvez y accéder ici (à partir d'un compte Google) :
https://notebooklm.google.com/notebook/d969e310-71bd-4fc6-aebc-e7816bad2344

Partie 1 : Pourquoi les crypto-actifs redéfinissent la philanthropie ?

Alors que le secteur financier traditionnel ne fait que commencer à appréhender l'impact des Technologies de registre distribué (DLTs) sur la monnaie, l'adoption des crypto-actifs à des fins de solidarité est également susceptible d'initier une importante transformation numérique du secteur. La crypto philanthropie n'est plus une tendance à surveiller, mais une réalité avec laquelle composer, et son adoption croissante par les donateurs, les organisations de tout type et les bénéficiaires ne montre aucun signe de ralentissement.

Pour analyser l'influence des crypto-actifs sur le secteur philanthropique, nous aborderons une question centrale sous trois angles. Premièrement, nous examinerons comment les crypto-actifs redéfinissent la philanthropie du point de vue du donateur. Nous tenterons de dresser son profil, puis explorerons ses nouvelles motivations et les leviers d'action offerts par le Web3, les bénéfices qu'il en retire, et ces nouvelles formes d'engagement, notamment à travers des organisations décentralisées.

Puis nous répondrons à cette question du point de vue des acteurs de la solidarité, en étudiant l'impact des crypto-actifs non seulement sur les opérations externes et transferts de fonds, mais également sur les coûts opérationnels de leur activité. De nouvelles coordinations inter agences et de nouvelles gouvernances entre parties prenantes illustreront ces innovations propres au web3.

Enfin, nous nous intéresserons à la question de savoir pourquoi les crypto-actifs, et plus largement les Technologies de registre distribué, transforment-ils la philanthropie du point de vue du bénéficiaire. Au delà des promesses d’inclusion financière - déjà en partie adressée par des solutions d'argent mobile (mobile money) en monnaie locale - nous mettrons en lumière ce que le Web3 apporte et notamment des transferts monétaires programmables et traçables et sans frontière, utilisables en dehors des systèmes bancaires, des mécanismes d’identité décentralisée facilitant l’accès aux aides, ainsi que des modes de distribution plus directs et interopérables.

Chapitre 1 : Du point de vue du donateur : Nouvelles motivations, nouveaux leviers

L'émergence de la crypto-philanthropie est indissociable du profil du crypto-donateur. Le domaine des technologies de registre distribué (DLTs) a fait naître une nouvelle classe de philanthropes, souvent jeunes et, pour certains, ayant acquis une richesse récemment, et qui se subdiviserait, selon le rapport le plus récent de The Giving block [20] , en « évangélistes de la crypto » — mus par la conviction du potentiel transformateur de la blockchain — et en « investisseurs optimistes » — principalement motivés par l'efficacité fiscale de leurs contributions. Ce chapitre vise à analyser l'attractivité de ce nouveau mode de don. Dans une première section (1.1), nous identifierons les propositions de valeur fondamentales pour le donateur, notamment la transparence et la redevabilité vérifiable permises par ces registres publics, ainsi que les avantages fiscaux qui incitent à donner en crypto-actifs. La seconde section (1.2) s'attachera à décrire la manière dont ces donateurs s'emparent et initient de nouvelles formes d'Organisations autonomes décentralisées (DAO) et de projets natifs du Web3, illustrant une capacité de mobilisation rapide et massive intrinsèque à cette culture.

Un donateur à part : Vitalik Buterin, Ethereum, meme coin et crypto-donations

Vitalik Buterin, le co-fondateur d'Ethereum, est connu pour ses donations philanthropiques généreuses et parfois atypiques. Ces dons se composent non seulement d'Ethers (ETH), la crypto-actif native de la blockchain qu'il a contribué à créer, mais aussi de meme coins ou shitcoin [21] qu'il reçoit en grande quantité. Ce sont des crypto-actifs souvent créés sur la base d'une blague ou d'un phénomène internet et qui n'ont aucune utilité, comme le Trump Coin.

Une pratique courante dans l'univers des crypto-actifs est d'envoyer des tokens à des adresses de portefeuille de crypto de crypto actifs de personnalités influentes, comme celle de Vitalik Buterin. Les créateurs de nouveaux crypto-actifs, et notamment de meme coins, lui transfèrent ainsi des quantités astronomiques de leurs tokens. L'objectif est double : d'une part, cela leur permet de se prévaloir d'un lien, même ténu, avec une figure emblématique du secteur, et d'autre part, cela retire une partie significative des tokens de la circulation, ce qui peut artificiellement gonfler leur valeur. Buterin se retrouve donc détenteur de milliards de dollars en tokens qu'il n'a jamais achetés.

Plutôt que de conserver ces actifs qu'il n'a jamais achetés, Buterin a choisi de les liquider régulièrement au profit d'œuvres caritatives. Il explique cette démarche par sa volonté de ne pas être un « point de pouvoir » qui pourrait influencer le marché de ces tokens et par une éthique personnelle qui le pousse à transformer ces manœuvres spéculatives en actions concrètes et positives.

- Dès 2017, il alloue l'équivalent de 763 970 dollars en Ether au Machine Intelligence Research Institute. En 2018, il poursuit avec un don de 2,4 millions de dollars à la SENS Research Foundation, qui se consacre à la recherche sur la longévité.

- En mai 2021, face à la violente vague de Covid-19 en Inde, il effectue un don historique de 50 000 milliards de tokens Shiba Inu (SHIB), alors valorisés à environ 1,2 milliard de dollars, au fonds India Covid Relief. Ce transfert massif, représentant 5 % de l'offre totale de SHIB, a eu un impact notable sur le cours du token. En 2022, suite à l'invasion de l'Ukraine, il soutient financièrement des organisations comme "Aid for Ukraine" et le "Unchain Fund", déclarant : « Ethereum est neutre, mais pas moi ».

- Risques existentiels et santé : Toujours en mai 2021, il fait don de 665 millions de dollars au Future of Life Institute pour la régulation de l'intelligence artificielle, et de 336 millions de dollars en Dogelon Mars ($ELON) à la Methuselah Foundation, également axée sur l'allongement de la durée de vie. Plus récemment, en 2022, il a versé 9,4 millions de dollars en USDC, un stablecoin indexé sur le dollar, à l'Université du Maryland pour financer la recherche sur la désinfection de l'air et la lutte contre les maladies aéroportées.

- En 2023, il a fait un don de 15 millions de dollars en stablecoin USDC à l'université de San Diego pour créer un institut dédié à l'étude des maladies aéroportées. En juin de la même année, il a poursuivi son engagement dans la lutte contre les pandémies en allouant, en partenariat avec le fonds Crypto Relief, 100 millions de dollars en stablecoin USDC pour la recherche sur le Covid long et l'amélioration de la qualité de l'air.

- À plusieurs reprises entre fin 2024 et début 2025, il a apporté son soutien aux développeurs du mixeur de crypto-actifs Tornado Cash, Roman Storm et Alexey Pertsev, en faisant don de plus de 400 000 dollars en ETH à leur fonds de défense juridique, affirmant ainsi son engagement pour le droit à développer des logiciels open-source.

- En janvier 2025, Buterin a vendu ou échangé plusieurs douzaines de meme coin dont notamment le DOGE, le SHIB et le CULT, ainsi que d'autres moins connus, générant 2,5 millions de dollars, récupérés sous forme de stablecoin USDC et d'ETH, pour les donner au fonds Kanro, créé initialement pour lutter contre la pandémie de COVID-19 ainsi qu'à RiseUp, une organisation dédiée à la protection de la vie privée. [22]

1.1 Les propositions de valeur pour le crypto-donateur

Cette section détaille les incitations clés qui poussent ce public à utiliser les crypto-actifs pour la philanthropie. Nous examinons d'abord comment les registres distribués offrent une forme de confiance par la preuve et une redevabilité vérifiable (1.1.1) et analysons ensuite les avantages fiscaux, en France et aux Etats-Unis, qui constituent une proposition de valeur majeure pour le don stratégique de crypto-actifs (1.1.2).

1.1.1 Transparence et redevabilité vérifiable

Le secteur caritatif repose en très grande partie sur la confiance des donateurs. Parmi ces derniers, certains se demandent si leurs fonds sont utilisés de manière efficace et atteignent réellement les bénéficiaires prévus. L'usage d'un registre public distribué y apporte une réponse structurelle en offrant à quiconque un audit vérifiable, immuable, redéfinissant ainsi les fondements de la confiance dans la philanthropie. Pour Aouatef Khelloqi de la Foundation RadicalxChange [23] , il s'agit même là d'une caractéristique fondamentale du donateur web3 et « le philanthrope traditionnel reçoit un rapport annuel. Il fait confiance à l'institution. Le donateur Web3 vérifie la transaction on-chain. C'est une culture de la preuve permanente, pas de la confiance différée [24] ».

L'attrait des Technologies de registre distribué (DLTs) dans le domaine de la philanthropie réside tout d'abord dans la transparence et la traçabilité inégalées que ces registres sont censés offrir. Les donateurs peuvent désormais suivre précisément l'utilisation de leurs contributions, « de bout en bout », depuis le moment où le don est effectué jusqu'à son application concrète sur le terrain. Cette visibilité accrue renforce la confiance et l'engagement, car les donateurs ont l'assurance que leurs fonds atteignent réellement les bénéficiaires prévus et sont utilisés conformément aux objectifs énoncés. Par exemple, le Crypto Funds d'UNICEF [25] Ventures a reçu 15 donations depuis 2019, 2 780 Ethers (ETH) et 8 bitcoins (BTC) et a réalisé 51 investissements en ETH et 4 investissements en BTC. Chacune de ces donations et chacun de ces investissements sont visibles sur un explorateur de blocs, un logiciel qui permet de lire et vérifier les transactions effectuées via une blockchain publique. Par exemple, la Fondation Ethereum a versé 1 BTC [26] et 100 ETH [27] à UNICEF HQ le 7 octobre 2019.

De plus, la rapidité des transactions et la réduction significative des frais de traitement constituent un autre avantage majeur. En contournant les intermédiaires financiers traditionnels, souvent synonymes de délais et de coûts supplémentaires, ces technologies rendent le processus de don plus efficace et plus direct et permettent aux Organisations d'allouer plus de ressources à leur mission. Les fonds peuvent être transférés presque instantanément, partout dans le monde, ce qui est crucial dans les situations d'urgence ou pour les organisations qui opèrent avec des ressources limitées. Que ce soit pour financer des projets de développement dans des pays lointains ou pour apporter une aide humanitaire rapide, les dons peuvent traverser les frontières avec une agilité inédite.

1.1.2 La structure d'incitation fiscale

Enfin, le levier fiscal peut inciter davantage à la générosité. Dans de nombreux systèmes fiscaux, les dons aux organisations caritatives sont déductibles d'impôt. En optimisant le paiement des taxes et impôts grâce à ces déductions, les donateurs trouvent une motivation supplémentaire à donner. Cet incitatif fiscal, combiné aux autres avantages mentionnés, crée un écosystème propice à une philanthropie plus engagée, transparente et efficace, stimulant ainsi la générosité et maximisant l'impact social des contributions. Voici un aperçu des régimes fiscaux en France et aux Etats-Unis.

Le traitement fiscal des crypto-actifs par l'Internal Revenue Service (IRS) aux États-Unis est la clé pour comprendre leur puissant attrait philanthropique. L'IRS ne classe pas les crypto-actifs comme des devises, mais comme des « biens » (property), au même titre que des actions ou des biens immobiliers. Le mécanisme qui en découle offre ce que l'on peut appeler un « double avantage fiscal ». Lorsqu'un donateur vend un actif apprécié (des bitcoin ou de l'ether par exemple, détenu depuis plus d'un an et dont la valeur a augmenté) contre des dollars, il doit d'abord s'acquitter de l'impôt sur les plus-values à long terme.

Ce taux peut atteindre jusqu'à 23,8 % au niveau fédéral, comprenant le taux maximal de 20% et la surtaxe sur les revenus de placement de 3,8 %. Cependant, si ce même donateur choisit de donner la crypto-actifs directement à une organisation caritative qualifiée (enregistrée sous le statut 501(c)(3)), il est totalement exonéré de cet impôt sur les plus-values. En plus de cette exonération, il peut généralement déduire de ses impôts la pleine valeur marchande (fair market value) de l'actif au moment du don. Prenons un exemple concret. Imaginons un donateur ayant acheté 1 Bitcoin pour 10 000 $. Deux ans plus tard, sa valeur a atteint 50 000 $, générant une plus-value latente de 40 000 $. Soit le donateur vend son Bitcoin pour 50 000 $. Il doit payer un impôt sur la plus-value de 40 000 $. En appliquant un taux de 23,8 %, cela représente une charge fiscale de 9 520 $. Le montant net qu'il peut ensuite donner à l'organisation caritative est de 40 480 $. Soit il transfère directement son bitcoin à l'organisation. Il ne paie aucun impôt sur la plus-value de 40 000 $. L'organisation reçoit la pleine valeur de 50 000 $. De plus, le donateur peut potentiellement déduire ces 50 000 $ de son revenu imposable. Avec la seconde option, le don reçu par l'organisation est près de 24 % plus important, et le donateur évite une charge fiscale de près de 10 000 $. Cette règle fiscale transforme le don caritatif en un puissant outil de gestion de portefeuille et de planification financière. Pour les investisseurs détenant des positions importantes et fortement appréciées en crypto-actifs, le don direct est une méthode efficace fiscalement pour se défaire d'un actif.

Cela crée une forte incitation à donner en priorité les actifs qui ont connu la plus forte appréciation, ce qui, dans un marché haussier, est souvent le cas des crypto-actifs. Ce mécanisme explique en grande partie pourquoi le montant moyen d'un don en crypto est si spectaculairement plus élevé que celui d'un don en espèces. Il ne s'agit pas seulement d'une plus grande générosité, mais d'un comportement financièrement optimal.

Bien que le système fiscal français soit structuré différemment, il offre également un avantage significatif pour les dons en crypto-actifs. Pour un investisseur particulier (non professionnel), les plus-values réalisées lors de la cession de crypto-actifs contre une monnaie fiduciaire (comme l'euro) sont soumises à un prélèvement forfaitaire unique de 30 %, la « flat tax », pour un total de cessions annuelles supérieur à 305 € (art. 150 VH bis du CGI). Le point crucial pour la philanthropie est que le fait de donner des crypto-actifs à un tiers, y compris à une association d'intérêt général, n'est pas considéré comme un fait générateur de l'impôt sur la plus-value. En d'autres termes, le donateur transfère l'actif sans avoir à réaliser sa plus-value, évitant ainsi le déclenchement de l'imposition à hauteur de 30 %. Non seulement la donation ne génère aucun impôt sur le revenu mais en plus elle permet au donateur de réduire partiellement la plus-value globale de son portefeuille, ce dont il bénéficiera lors de ses cessions à titre onéreux ultérieures.

L'opération de don reste en principe soumise aux droits de donation classiques, mais elle en sera totalement exonérée si le donataire est l’une des personnes visées par la liste de l’article 795 du CGI, parmi lesquelles les fondations ou associations reconnues d'utilité publique dont l'activité a un caractère philanthropique, éducatif, social ou culturel. Cela signifie que l’organisme gratifié pourra affecter l’intégralité du don à sa mission. En sus de cette exonération, dans le cas d'un don à un organisme d'intérêt général ou reconnu d'utilité publique, le donateur bénéficie d'une réduction d'impôt sur le revenu, de 66 % du montant du don, dans la limite de 20 % du revenu imposable (art. 200 et 238 bis du CGI).

La loi ne réserve pas le bénéfice de cette réduction aux seuls dons « en espèces », les dons « en nature » (signifiant ici « des biens autres que de l’argent ») y sont également éligibles, et les crypto-actifs, faute d’être spécialement exclus, sont concernés par cette dernière catégorie. Même si le cadre français ne présente pas le « double avantage » aussi explicitement que le système américain, le bénéfice principal semble identique : une exonération fiscale totale des Droits de Mutation à Titre Gratuit (DMTG) pour le bénéficiaire de la donation, d'utilité publique, et l'évitement de l'impôt sur la plus-value pour le donateur. Pour un donateur français détenant une plus-value latente significative, la capacité de transférer cet actif à une œuvre de charité sans déclencher une taxation de 30 % est une incitation majeure, sous réserve de s'être acquitté de ses obligations fiscales en matière de crypto-actifs, comme la déclaration des cessions imposables et la déclaration des comptes à l'étranger.

1.2 Des organisations et des applications décentralisées

L'émergence de la crypto-philanthropie est intrinsèquement liée à la nature collective et idéologique du Web3 qui s'organise autour de communautés capables de mobilisation rapide. Nous explorons comment ces initiatives sont portées par une communauté crypto mondiale, souvent jeune et technologiquement avertie, capable de lever des fonds massifs en situation d'urgence (1.2.1) et les valeurs philanthropiques du Web3 (1.2.2), notamment la décentralisation et l'absence de frais, qui amplifient les idéaux de transparence et d'efficience propres à la solidarité locale et internationale.

Source image : Association Blockchain for Good

1.2.1 Portées par une communauté crypto

La crypto-philanthropie est portée par une communauté mondiale, jeune, technologiquement avertie et souvent détentrice d'une richesse nouvellement créée. Chaque blockchain publique et crypto-actif, bitcoin, Ethereum, Cardano, Stellar, Avalanche, Algorand, Polygon etc. est porté par une communauté d'utilisateurs, de développeurs informatiques et de curieux plus ou moins impliqués dans chacun de ces écosystèmes.

Cette communauté dans son ensemble est également capable de se mobiliser rapidement et à grande échelle, comme par exemple, la mobilisation autour de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, qui s'est organisée à travers l'Organisation autonome décentralisée (DAO), AssangeDAO, début 2022, et qui a réuni quelque 16 600 Ethers (ETH), ce qui équivalait à plus de 50 millions de dollars à l'époque, auprès de milliers de contributeurs à travers le monde, dans le but de financer ses frais de justice. Cette dimension communautaire fait partie des caractéristiques fondamentales du web3 et qui s'explique, selon Aouatef Khelloqi par « la communauté avant l'institution. Le philanthrope classique donne à une organisation. Le donateur Web3 donne avec une communauté via des mécanismes comme le financement quadratique de Gitcoin [28] . La décision devient collective et horizontale [29] ».

Au delà de l'émotion suscitée par des catastrophes ou des crises internationales, une certaine frange de la communauté crypto a investi le secteur de la philanthropie et s'est mobilisé, à l'instar de Giveth [30] fondée en 2016, qui se définit comme une « communauté altruiste » visant à rendre le don transparent et sans frais en utilisant les blockchains ; ou encore Gitcoin [31] lancée en 2017, dont l'objectif initial est de créer des outils pour financer et soutenir le développement de logiciels open source.

Qu'est-ce qu'une DAO ?

Une DAO, ou Decentralized Autonomous Organization (Organisation autonome décentralisée) est une forme d'organisation en réseau, régie par du code informatique plutôt que par une direction humaine. Parfaitement horizontale, cette structure opère sans autorité centrale, en s'appuyant sur des règles inscrites dans des programmes informatiques sous la forme des smart contracts, répliqués sur les nœuds d'une blockchain publique, assurant ainsi son caractère inaltérable et incensurable. Les membres interagissent et prennent des décisions collectivement, par le biais de votes et de mécanismes automatisés. L'ensemble est sécurisé par la cryptographie et vérifiable par tous, les règles et les transactions étant inscrites de manière immuable sur le registre public.

Fondée en 2016 à Barcelone en Espagne par Griff Green, Jordi Baylina et quelques autres membres du White Hat Group [32] , Giveth est une plateforme décentralisée et open source, initialement créée sur la blockchain publique Ethereum, avec pour objet « d’éliminer la bureaucratie et de permettre aux organisations à but non lucratif de créer un haut niveau de transparence et de responsabilité envers les donateurs [33] ». La plateforme est dédiée aux projets caritatifs et sociaux et ne prélève aucune commission sur les dons. Les transactions entre donateurs et bénéficiaires sont vérifiables via un explorateur de blocs, permettant à tout un chacun de suivre où va l'argent en temps réel. Giveth récompense également la générosité des donateurs en leur attribuant son propre crypto-actif, appelé le GIV, qui leur donne un droit de vote pour participer aux décisions de la communauté. Si en mai 2022, la plateforme comptait environ 1 500 « projets d'utilité sociale [34] », elle en fédère plus de 10 000 en octobre 2025.

En supprimant les intermédiaires et en transformant les donateurs en parties prenantes, elle propose une alternative originale aux circuits philanthropiques traditionnels. La plateforme opère comme un « hub de financement participatif », connectant des milliers de projets à impact avec un réseau mondial de contributeurs.

Au-delà de cette simple désintermédiation, une innovation intéressante de Giveth réside dans son modèle économique et de gouvernance, la « GIVeconomy ». En 2021, la communauté a lancé plusieurs services dont l’objectif est de créer « une économie qui appartient et est gouvernée par ceux qui donnent [35] ». Aujourd'hui, cette économie circulaire repose sur le GIV, un token qui aligne les intérêts des participants au projet. Le mécanisme de « GIVbacks » illustre cette approche. Plutôt que se contenter de percevoir des fonds, le système récompense la générosité en redistribuant des tokens GIV aux donateurs, les transformant de facto en acteurs de l'écosystème, en leur conférant un pouvoir de vote. Ce mécanisme permet aux détenteurs du token, ceux ayant effectué une donation, de participer aux décisions stratégiques de l'organisation via une Organisation autonome décentralisée (DAO) qui gère la trésorerie et l'évolution du protocole. Cette structure transforme Giveth en une fondation gérée non plus par un conseil d'administration restreint, mais par sa communauté d'utilisateurs et de bienfaiteurs.

Tech deep dive

En plus de son support historique pour Gnosis Chain (anciennement xDAI) et Ethereum, l'application décentralisée (DApp) Giveth a été repensée en 2021 et opère, depuis octobre 2025, sur un écosystème multi-chaîne incluant Optimism, Polygon, Polygon zkEVM et Solana. Cette architecture multi-chaîne vise à réduire les frais de transaction et à rendre les dons, notamment les micro-dons, accessibles à un public plus large. Un milliard de tokens GIV ont été émis lors du lancement de la GIVeconomy. 100 millions de tokens GIV sont d’ores-et-déjà liquides, et les 900 millions restants seront alloués au GIVstream et libérés progressivement sur une période de 5 ans jusqu'au 23 décembre 2026. L'option de paiement par carte de crédit, autrefois expérimentale, est aujourd'hui une fonctionnalité standard, abaissant la barrière à l'entrée pour les donateurs non initiés au Web3. Le principe fondateur reste inchangé : la totalité des fonds collectés revient au porteur de projet, sans commission de la plateforme, les seuls frais résiduels étant les coûts de transaction très faibles des réseaux supportés.

Un autre projet emblématique de cette communauté crypto s'appelle Gitcoin. Au cœur de l'économie des Technologies de registre distribué (DLTs), une part essentielle de l'infrastructure repose sur des logiciels open source, souvent codés par des développeurs informatiques passionnés et bien souvent non rémunérés. Pour répondre à ce paradoxe, la plateforme Gitcoin introduit un modèle d'allocation de financement original, qui donne plus de poids au nombre de donateurs qu'au montant individuel des dons. Lancée en novembre 2017 par Kevin Owocki, Gitcoin est née du double constat d'un sous-financement chronique des logiciels libres et de celui de l'inefficacité des modes de recrutement traditionnels. La plateforme permet de rémunérer directement des développeurs informatiques pour leurs contributions au développement de logiciels open source. Si Gitcoin a débuté comme un projet personnel, il a rapidement obtenu le soutien de la société ConsenSys [36] , qui a accéléré son développement. La pierre angulaire de Gitcoin est son mécanisme de financement quadratique (Quadratic Funding). Théorisé en 2018 dans le papier de recherche « Liberal Radicalism: A Flexible Design for Philanthropic Matching Funds [37] » rédigé par Vitalik Buterin, le fondateur d'Ethereum, Zoë Hitzig, une doctorante en économie à l'Université Harvard à l'époque et Glen Weyl, un économiste et chercheur chez Microsoft Research, ce modèle change de manière originale les règles d'allocation de fonds.

Plutôt que de privilégier les dons les plus élevés, ce système amplifie la voix du plus grand nombre. « Le financement quadratique maximise l'utilité sociale des fonds alloués car l'objectif est de favoriser les projets qui bénéficient à beaucoup de monde plutôt qu'à quelques privilégiés [38] » explique Aouatef Khelloqi. Concrètement, un projet soutenu par 100 personnes donnant 1 € chacune recevra un financement complémentaire bien plus important qu'un projet n'ayant reçu que 100 € d'un donateur unique. Mathématiquement, le montant de l'abondement est proportionnel au carré de la somme des racines carrées de chaque contribution individuelle. L'objectif est de privilégier le signal envoyé par une large base de soutien, jugé plus pertinent que la volonté d'un seul grand financeur [39] .

À ce jour, Gitcoin a permis, via le Gitcoin Grants [40] , de distribuer plus de 67 millions de dollars à quelque 5 000 projets. La plateforme s'est ainsi imposée comme un pilier du financement de l'écosystème Ethereum, assurant la maintenance et le développement d'infrastructures logicielles et de recherches essentielles mais s'est également ouvert au financement d'autres projet comme celui de l'UNICEF en 2022, l'une des premières grandes organisations internationales à avoir expérimenté le financement quadratique de Gitcoin et dont les fonds levés ont servi à financer des startups développant des logiciels open source pour améliorer la vie des enfants et des jeunes dans les pays émergents [41] .

L'adoption de ce mécanisme dépasse désormais la sphère purement technologique pour s'ancrer dans l'économie réelle et locale. En 2022, The Oakland Fund for Public Innovation [42] a mené une expérimentation pionnière de « financement pluriel » (Plural Funding) pour démocratiser l'allocation de ressources philanthropiques. En mobilisant des résidents locaux via un système de bons numériques, le fonds a alloué 19 000 $ à quatre organisations locales à but non lucratif (dont The People’s Conservatory et Black Cultural Zone), démontrant que le financement quadratique pouvait renforcer le tissu associatif de proximité [43] . Dans une logique similaire de soutien économique local, l'initiative Downtown Stimulus a été déployée à Boulder, dans le Colorado aux Etats-Unis, en réponse à la crise du Covid-19. Conçu par la fondation RadicalxChange, ce programme visait à soutenir les commerces de proximité en difficulté. Les résidents pouvaient acheter des crédits utilisables dans les commerces locaux, et chaque contribution déclenchait un abondement (matching funds) calculé selon la formule quadratique. Ce système a permis de subventionner les commerces proportionnellement à leur soutien populaire réel plutôt qu'à la richesse de quelques clients [44] . La portée de ce modèle s'étend également aux mouvements sociaux d'envergure. En juin 2020, en pleine mobilisation mondiale pour la justice raciale, Gitcoin a organisé une levée de fonds dédiée, le « Support Black Lives ». En appliquant le financement quadratique aux dons destinés à des organisations œuvrant pour l'égalité raciale et les droits civiques, l'initiative a permis de lever 44 000 $ auprès de donateurs individuels, montant qui a été complété par un fonds de contrepartie de 40 000 $, amplifiant ainsi massivement le soutien communautaire aux causes militantes [45] .

Parce que le financement quadratique repose davantage sur le nombre de participants que sur les montants collectés, les outils d’identité numérique afin de s'assurer de l'authenticité des personnes deviennent cruciaux pour garantir l'intégrité du vote.

1.2.2 Les valeurs philanthropiques du Web3

Loin d'opposer les modèles d'organisation centralisés et décentralisés, l'émergence de la cryptophilanthropie offre l'opportunité de relever certains défis structurels de la philanthropie tout en consolidant les valeurs cardinales du secteur. En analysant les principes de transparence, d'efficience et de gouvernance, il apparaît que les technologies du Web3 ne constituent pas une rupture, mais une extension ou une prolongation de certains idéaux philanthropiques, proposant des outils novateurs pour atteindre des objectifs communs et notamment, une transparence renforcée par les Technologies de registre distribué (DLTs), une efficience opérationnelle inédite, et des modèles de gouvernance participative en émergence.

La confiance, pierre angulaire de toute démarche philanthropique, repose, dans le domaine de la crypto philanthropie, sur la capacité d'un donateur à vérifier l'allocation et l'impact de ses fonds. Les DLTs répondent à cette exigence de redevabilité en fournissant un registre de transactions immuable et vérifiable publiquement. Cette traçabilité inhérente permet de soumettre l'action caritative à une observation continue, réduisant ainsi les asymétries d'information et les risques de mauvaise gestion. Des plateformes comme BitGive, via son service GiveTrack, illustrent cette application en permettant aux Organisations à but non lucratif de partager en temps réel des informations financières et les résultats de leurs projets.

Les donateurs, en particulier lors des crises humanitaires, valorisent la faiblesse des coûts de transaction, la rapidité de leur exécution et l'assurance que la majorité de leur don parvient aux bénéficiaires, sans être absorbée par les frais administratifs et les intermédiaires [46] . Le Web3 permet ainsi de contourner les systèmes bancaires traditionnels, souvent lents et coûteux, en particulier pour les transferts transfrontaliers [47] .

BitGive, par exemple, a rapporté que moins de 1 % des dons étaient consacrés aux frais [48] . De son côté, l'application décentralisée Giveth a bâti son modèle sur une promesse de 0 % de commission, assurant que l'intégralité des fonds collectés est reversée aux projets. Cette efficacité quasi sans intermédiaire incarne une optimisation que les donateurs, soucieux de l'impact direct de leur contribution, recherchent activement.

Enfin, le Web3 introduit de nouveaux modèles de gouvernance qui répondent à une critique parfois adressée à la philanthropie traditionnelle, perçue comme un exercice descendant et peu inclusif. Les Organisations autonomes décentralisées (DAO) permettent aux donateurs de participer plus activement à la prise de décision, transformant le don en un acte de vote pour l'orientation stratégique de l'organisation [49] . Ce principe est mis en œuvre tant par des acteurs natifs du Web3 que par des entités préexistantes qui adoptent ces outils. Big Green DAO, une fondation américaine agissant pour la souveraineté alimentaire, utilise ce modèle pour décentraliser ses décisions de financement. De même, Grassroots Economics au Kenya intègre des mécanismes décentralisés pour la gestion de monnaies locales complémentaires. Ces approches offrent une alternative à la prise de décision parfois perçue comme « individualiste et menée à huis clos » [50] et favorisent un engagement plus profond des parties prenantes, une aspiration partagée par les courants les plus modernes de la philanthropie participative. Comme nous le verrons dans ce rapport, la crypto-philanthropie déploie un arsenal technologique qui amplifie les valeurs au cœur de la philanthropie et de l'aide en offrant l'opportunité d'expérimenter des solutions inédites à des défis de longue date.

Chapitre 2 : Du point de vue des acteurs de la solidarité : Un impact stratégique et opérationnel

Pour les Organisations à but non lucratif, l'intégration des crypto-actifs et des Technologies de registre distribué (DLTs) va bien au-delà de la simple diversification des sources de financement. Elle représente une opportunité majeure d'optimisation, à la fois stratégique et opérationnelle. Ce chapitre étudie comment les acteurs de la solidarité exploitent ces technologies pour relever certains défis systémiques de l'aide internationale. La première section (2.1) se concentre sur l'optimisation globale des opérations, en examinant l'efficacité des transferts monétaires vers les populations, comme les expérimentations utilisant les stablecoins pour l'aide directe, et l'impact sur les coûts opérationnels. La seconde section (2.2) explore les innovations propres au Web3, notamment les modèles de coordination inter-agences, illustrés par des systèmes comme Building Blocks du Programme Alimentaire Mondial (PAM), et les structures de gouvernance décentralisée (DAO) comme la Big Green DAO, qui permettent de réduire drastiquement les frais de structure en confiant la prise de décision aux parties prenantes en proie avec le terrain.

2.1 L'optimisation globale des opérations

Pour les Organisations à but non lucratif, les Technologies de registre distribué (DLTs) ne constituent pas seulement un nouveau canal de collecte mais également une infrastructure pour optimiser l'ensemble de la chaîne de l'aide. Cette section se concentre sur les promesses d'une meilleure efficacité opérationnelle. Nous verrons comment les crypto-actifs permettent une aide directe aux populations (2.1.1) à travers des programmes tels que les Bons et assistance en espèces, en anglais Voucher and Cash Assistance (VCA) (que nous appellerons par la suite « assistance en espèces »), en contournant les défaillances du système bancaire traditionnel, notamment liées à la lenteur et aux coûts des transactions. Nous analysons ensuite la manière dont cette désintermédiation permet une optimisation des coûts opérationnels (2.1.2), libérant ainsi des ressources supplémentaires pour l'action sur le terrain.

2.1.1 Aide directe aux populations

L'assistance en espèces (VCA), consiste à fournir une aide directe à des bénéficiaires identifiés. En 2022, ce type d'aide a représenté un montant de 10 milliards de dollars, en augmentation de 30 % par rapport à l'année précédente [51] . Concrètement, on estime que près d'une personne sur cinq recevant de l'aide humanitaire, soit 19 % des bénéficiaires à l'échelle mondiale, a pu bénéficier de cette approche plus flexible et plus responsabilisante.

L'assistance en espèces fournit de l'argent directement aux bénéficiaires, que ce soit sous forme d'espèces physiques, de transferts mobiles ou rarement, de versements bancaires et la sélection du mécanisme de transfert doit s'opérer sur la base d'une évaluation contextuelle rigoureuse et non sur de simples considérations technologiques. « Cette décision résulte d'une analyse incluant l'étude des marchés, l'évaluation des risques de protection, les préférences des bénéficiaires ainsi que les capacités des commerçants et la coordination inter-agences souligne » souligne Inès d'Haultfoeuille, Directrice du développement d'Egregor. À cet égard, si l'adoption de stablecoins reste soumise aux mêmes protocoles de faisabilité et de coordination inter-agences que les modalités traditionnelles de mécanisme de transfert, cette méthode offre une grande flexibilité et préserve la dignité des personnes aidées, leur permettant d'acheter les biens et services qu'elles jugent prioritaires sur les marchés locaux, stimulant ainsi l'économie locale. L'assistance par bons ou coupons, quant à elle, distribue des bons d'échange, au format papier ou électronique, et qui ne peuvent être utilisés que pour acquérir des biens et des services spécifiques, comme de la nourriture, des articles d'hygiène, un abri, auprès de commerçants pré-sélectionnés. Cette approche permet de s'assurer que l'aide est utilisée à des fins précises, tout en offrant un certain choix aux bénéficiaires. La difficulté à garantir que cette aide directe atteigne ceux qui en ont le plus besoin dans les pays en guerre, sous embargo, en proie à une catastrophe naturelle ou toute autre crise est immense. Une infrastructure bancaire inadéquate, inexistante ou parfois détruite, la corruption, la coercition d'un gouvernement autoritaire à l'encontre de certains groupes sont autant d'obstacles au bon acheminement de l’aide en espèces.

Les crypto-actifs, et notamment les stablecoins ont rapidement fait l'objet de nombreux pilotes, afin d'évaluer leur efficacité en tant que Bons et assistance en espèces dans la distribution d'aide financière, menés conjointement par des Organisations caritatives, des Organisations internationales, des ONG, des startups et des acteurs locaux que ce soit en Afghanistan, en Ukraine, en Syrie ou encore au Népal pour ne citer que quelques exemples.

En Syrie, comme dans beaucoup d'autres pays, la distribution de l'aide en espèces via les réseaux informels (IMTAs) pose des problèmes de coûts, de délais, de sécurité et de traçabilité des fonds. Malgré la levée des sanctions américaines en 2025 et les changements politiques, les transferts de fonds restent complexes en raison de l'absence d'infrastructures bancaires, de la dévaluation monétaire et des risques sécuritaires. Une expérimentation a été réalisée pour évaluer l'efficacité d'un stablecoin dans la distribution d'aide financière aux agriculteurs et aux entreprises agricoles. Le projet, mené en Syrie entre août 2024 et avril 2025 par l'ONG Mercy Corps en partenariat avec HesabPay (voir infra), visait à transférer 30 000 dollars américains en stablecoin USDC directement sur le portefeuille de crypto-actifs d'une centaine d'agriculteurs et leur famille, touchant ainsi 400 à 500 personnes dans la région d'Al-Hasakah, au nord-est du pays. Au-delà du simple transfert de fonds, ces agriculteurs ont également pu acheter des intrants agricoles auprès de fournisseurs locaux, présélectionnés par Mercy Corps. Le projet visait à mesurer les gains en termes de coût, de rapidité, de sécurité et de facilité d'utilisation. Les résultats du projet pilote montrent que le coût total de l'opération via stablecoin n'a représenté que 6 % du montant de l'aide, contre 10 % pour les bons électroniques et 15 % pour les transferts d'espèces, soit « une réduction des coûts de 60 % par rapport aux espèces et de 40 % par rapport aux bons [52] [d'assistance] ». Le délai de distribution a également fortement diminué, « les fonds étaient reçus en moins d'une journée, contre une moyenne de 28 jours auparavant, soit une réduction du temps d'attente de 96 % pour les bénéficiaires [53] ». De plus, la nature décentralisée du projet a permis d'éliminer tous les intermédiaires entre Mercy Corps et les bénéficiaires. Chaque dollar transféré est arrivé directement dans le portefeuille numérique de l'agriculteur, avec une traçabilité complète des transactions, ce qui élimine les risques de détournement ou de fraude. Un agriculteur participant a souligné que ce système « protège [ses] droits » de manière sécurisée et prévient « le favoritisme ou la perte de billets ». Au-delà de recevoir des fonds, le portefeuille permettait aux agriculteurs de payer directement les fournisseurs agricoles locaux pour leurs intrants. Pour les fournisseurs, approuvés par Mercy Corps Venture, et les agents de transfert, le wallet permettait en outre de virer et convertir les stablecoins vers un compte bancaire lorsque souhaité.

Malgré un environnement où la confiance est faible et l'argent liquide privilégié, l'adoption semble avoir été un succès. Selon Mercy Corps, « le score de satisfaction moyen des participants a atteint 9,5 sur 10. 72 % des bénéficiaires ont déclaré préférer recevoir l'aide via stablecoins à l'avenir, citant la rapidité, la sécurité et la facilité d'usage. 87 % ont trouvé l'application mobile facile à utiliser et les vendeurs locaux, initialement méfiants, y ont finalement vu une source de revenus additionnels et un gage de confiance ».

Un autre programme pilote a été mené en Afghanistan en 2022 et 2023 par la Norwegian Refugee Council (NRC) et Mercy Corps et Rumsan/Hesabpay. [54] Il a concerné 3 000 familles principalement dirigées par des femmes qui avaient perdu leurs sources de revenus, soit près de 21 000 personnes, et visait à leur fournir une aide financière. Les résultats du programme pilote ont montré que « 98 % de la valeur totale de l'aide transférée a été dépensée numériquement par les bénéficiaires dans les huit premières semaines, et ce, malgré l'absence d'option de retrait d'espèces » avec un « coût de livraison se limitant à 6 cents par dollar transféré, incluant les coûts d'intégration des bénéficiaires [55] ».

Tech deep dive

Mercy Corps a choisi d'utiliser le stablecoin d'USDC de Circle et la plateforme de paiement HesabPay, construite sur la blockchain publique Algorand, choisie pour la rapidité des transactions (les fonds apparaissent en quelques secondes) et ses frais de transaction très bas (de l'ordre de quelques fractions de centimes). Le flux de transfert s'opérait de Mercy Corps vers un « portefeuille maître » HesabPay, qui distribuait ensuite instantanément les stablecoins USDC aux portefeuilles individuels des agriculteurs. Les 100 agriculteurs participants ont utilisé le portefeuille de crypto-actif custodial HesabPay [56] , disponible sur smartphones iOS et Android, sur le web, également accessible via des codes USSD [57] (ou code Whatsapp lorsque les réseaux de télécommunication ne fonctionnent pas [58] ) sur des téléphones mobiles basiques, garantissant une large inclusion. Custodial signifie que l'utilisateur ne détient pas personnellement la clef privée de son portefeuille, ce qui permettra de mettre en œuvre un mécanisme de récupération en cas de perte ou de vol.

HesabPay : le wallet afghan au 400 000 utilisateurs

HesabPay est un portefeuille de crypto-actifs fondé en 2016 par Sanzar Kakar, à Kaboul, en Afghanistan – un pays où l’on estime que 97 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Le portefeuille de crypto-actifs suit un programme rigoureux de conformité fondé sur le risque, avec une vérification d’identité (KYC) à plusieurs niveaux, une intégration avec WorldCheck, qui garantit qu’aucune personne sanctionnée ne peut ouvrir de compte, et une intégration avec Chainalysis [59] , qui assure une surveillance de l’ensemble de l’activité du réseau. HesabPay élimine les doublons, supprime les coûts de distribution et ne nécessite aucune monnaie papier. Signe de son rôle central dans les infrastructures de paiement, la plateforme gérait déjà en 2023 le paiement mensuel de 170 000 factures d'électricité, totalisant 4 millions de dollars en UDST, un stablecoin dollar émis par Tether. Entre son lancement officiel le 1er juillet 2023 et juin 2024, plus de 4,5 millions de transactions ont été effectuées par 400 000 utilisateurs avec 3 000 commerçants répartis dans les 34 provinces d'Afghanistan [60] .

Pour l'utilisateur final, l'application reste un portefeuille numérique simple, affichant principalement des soldes en monnaie locale (Afghani, AFN). En arrière-plan, lorsqu'une ONG internationale distribue de l'aide, elle envoie des USDT à HesabPay qui crédite alors les portefeuilles des bénéficiaires finaux. HesabPay utilise Algorand comme un rail de règlement interopérable pour connecter des entités autrement cloisonnées, les opérateurs de téléphonie mobile, les banques et les fournisseurs de services publics. Au lieu de règlements bancaires traditionnels, dorénavant impossibles, ces entités peuvent se régler mutuellement leurs comptes quasi instantanément en utilisant le stablecoin USDT sur la blockchain publique Algorand.

Grassroots Economics est une fondation à but non lucratif fondée en 2010 au Kenya par l'économiste Will Ruddick, et se consacre à « l'autonomisation des communautés marginalisées pour qu'elles prennent en charge leurs propres moyens de subsistance et leur avenir économique [61] ». Son approche s'attaque au problème fondamental du manque de liquidité dans les économies locales, qui paralyse le commerce même lorsque les biens et services sont disponibles. Grassroots Economics est passé d'un modèle analogique à une infrastructure numérique décentralisée. L'organisation a débuté, entre 2010 et 2017, avec des monnaies d'inclusion communautaire, en anglais Community Inclusion Currency (CIC) sous forme de bons papier, circulant en parallèle du shilling kényan et en 2015, une première transition numérique a eu lieu via la technologie mobile USSD/SMS, gérée par une base de données centralisée.

Tech deep dive

Tech deep dive - En 2018, pour garantir la transparence et la décentralisation du système, Grassroots Economics a migré ses registres vers des blockchains à preuve d'autorité, le stablecoin xDAI de MakerDAO, aujourd'hui Gnosis Chain, ou encore la blockchain Kitabu avant de choisir, en juillet 2023, de de migrer ses services vers la blockchain publique Celo, optimisée pour les transactions mobiles et les environnements à faible bande passante tout en introduisant un modèle de financement durable grâce aux récompenses de validation de nœuds, réduisant la dépendance aux dons.

Au cœur du système se trouvent les bons d'actifs communautaires (CAV), gérés via la plateforme open source Sarafu.Network [62] . Un bon d'actif communautaire est un engagement formalisé qu'un individu ou un groupe prend sur ses futurs biens et services, comme par exemple, une heure de travail ou un panier de légumes. En mettant en commun ces engagements (Commitment Pooling), les communautés créent un moyen d'échange interne qui fonctionne comme un crédit sans intérêt, stimulant le commerce lorsque la monnaie nationale se fait rare. Selon le rapport 2024 [63] Grassroots Economics, il y avait un peu plus de 3 000 utilisateurs actifs par mois, répartis dans 33 communautés différentes (des pools d'engagement), c'est à dire 33 marchés locaux qui fonctionnent comme une petite économie indépendante et où les membres, - un village, une coopérative de femmes, un groupe de fermiers, mettent en commun leurs promesses de biens et de services. Il y avait, en septembre 2024, 239 types de bons d'actifs uniques, des « tickets numériques » qui représentent un produit ou un service spécifique, comme « 1 panier de tomates », « 1 heure de réparation », « 1 leçon de couture » etc., ce qui montre une forte diversité des produits et services de ces micro-économies. Sur ce seul mois de septembre, 144 558 bons ont été échangés, reflétant le dynamisme de ce commerce intracommunautaire.

Concrètement, une personne va générer un portefeuille de crypto-actifs papier à partir d'une adresse web, https://sarafu.network , et l'imprimer, le télécharger ou l'utiliser en ligne, ou encore connecter un portefeuille existant. Chacun peut ensuite créer un voucher pour offrir ses biens et services, l'échanger contre d'autres vouchers. Selon le rapport, « plus de 1 200 acres de terres ont été restaurées, une sécurité alimentaire améliorée pour plus de 14 000 personnes et la construction de plus de 30 maisons et greniers financés par les CAVs ». Grassroots Economics a ainsi évolué d'une initiative locale au Kenya à un écosystème économique décentralisé et technologiquement avancé, démontrant qu'il est possible de créer des réseaux résilients qui conservent la liquidité au sein des économies locales tout en favorisant le développement durable. Une équipe de chercheurs interdisciplinaire a procédé en 2023 à une analyse économique [64] il ressort de ces travaux que la mise en oeuvre d'une monnaie d'inclusion communautaire est « un canal précieux, basé sur le marché, pour réduire la pauvreté, en complément des canaux d'aide humanitaire ou gouvernementale [65] » tout en notant que « les substituts à la monnaie réelle, tels que les CIC, sont perçus comme inférieurs, et que par conséquent les systèmes de CIC ne peuvent être que transitoires [66] ». Il s'avère donc que cette étude académique confirme la nature contre-cyclique de ce modèle : le système est conçu pour faire basculer des communautés sur un système alternatif lors de la survenance de crise de liquidité, puisque les bénéficiaires auront tendance à privilégier la monnaie locale, le shilling kenyan lorsque celui-ci circule à nouveau.

Dernier exemple au Malawi, un pays d'Afrique de l'Est enclavé entre la Tanzanie au nord-est, le Mozambique à l'est et au sud, et la Zambie à l'ouest. L'initiative conjointe portée par l'ONG internationale Save the Children, via son programme SHIFT [67] , Coala Pay [68] , et l'organisation de jeunes malawites Shift Power Organisation (SPO) entre janvier et mai 2025, a consisté à évaluer, dans le cadre d'un projet pilote, l'usage de stablecoins comme mécanisme de financement direct d'initiatives sur le terrain, pour pallier à l'inadéquation entre les exigences opérationnelles et de conformité très strictes des ONG internationales et la nature souvent informelle des mouvements communautaires et locaux. Une étude de faisabilité initiale avait en effet révélé [69] que, pour des financements même modestes, la SPO était soumise aux mêmes procédures complexes d'évaluation et de diligence que pour des subventions allant jusqu'à 80 000 $, des standards totalement inadaptés pour une structure de jeunes comme SPO.

La méthodologie du projet a reposé sur l'allocation d'un financement total de 2 000 dollars, versé en deux tranches de 1 000 dollars chacune. Ces paiements, effectués en stablecoin USDC, étaient régis par un smart contract programmé pour débloquer les fonds sur le portefeuille de crypto-actifs MetaMask [70] de la SPO après validation manuelle de deux jalons clés. La soumission d'un plan de campagne et d'un budget dans un premier temps, puis la présentation des résultats accompagnés de preuves visuelles, comme des photos et des vidéos dans un second temps. Le processus de conversion des fonds en monnaie locale, le kwacha malawite (MWK) a été réalisé via la plateforme Yellow Card [71] .

Les résultats quantitatifs du projet pilote ont été, selon Save the Children, « particulièrement probants [72] ». Les transferts d'argent, opérés en moins de deux minutes ont démontré une rapidité incomparable avec les systèmes bancaires traditionnels. De plus, les coûts de transaction se sont avérés minimes, avec des frais de réseau, gas fees, ne dépassant pas 0,80 USD. De plus, l'utilisation de stablecoins USDC a permis de préserver la valeur des fonds face à la dévaluation de la monnaie locale, offrant à la SPO un gain de pouvoir d'achat estimé à plus de 80 %. Sur le plan de l'impact, ce financement a permis à la SPO de déployer un programme d'éducation environnementale dans les quatre écoles primaires, Chidzingwe, Mgwerambavi, Mvunguti et Kakule. Les activités, axées sur les principes de Réduction, Réutilisation et Recyclage, ont directement formé 160 élèves, qui ont à leur tour partagé leurs connaissances avec plus de 4 000 de leurs pairs.

Selon les porteurs du projet, le retour d'expérience des participants a également été extrêmement positif, louant la facilité d'utilisation de la plateforme tout en affirmant vouloir réutiliser les stablecoins à l'avenir. Un membre de la SPO a résumé le sentiment général en déclarant : « Le processus était vraiment facile ! Et rapide ! Mais il nous a aussi donné une autonomie que nous, les jeunes du Malawi, n'obtenons normalement pas [73] ». Le projet a néanmoins mis en lumière un défi majeur tenant au processus de conversion des crypto-actifs en monnaie fiduciaire, off-ramping. Les limites de retrait journalières imposées par la plateforme Yellow Card pour les comptes sans KYC ont contraint la SPO à fractionner ses retraits sur plusieurs jours, compliquant la gestion de la trésorerie et rajoutant quelque 0,5 % de frais à chaque transaction.

2.1.2 Une optimisation des coûts financiers et opérationnels

Le système financier mondial actuel, sur lequel s'appuient les Organisations à but non lucratif pour leurs opérations internationales, est un héritage de technologies et de processus développés il y a plusieurs décennies. Bien que robuste, ce système présente des inefficacités structurelles qui ont un impact direct sur la mission des organisations humanitaires et de développement. Le pilier de ce système est le réseau de banques correspondantes, qui facilite les virements internationaux via des plateformes comme SWIFT [74] . Ce modèle implique que les fonds transitent par une chaîne de plusieurs institutions financières intermédiaires avant d'atteindre leur destination finale. Chaque intermédiaire ajoute des délais et prélève des frais, ce qui se traduit par des temps de règlement qui s'étendent couramment de un à trois jours ouvrables, voire plus dans certaines juridictions. Cette latence est particulièrement préjudiciable dans des contextes de réponse d'urgence où la rapidité est essentielle. Au-delà des délais, les coûts sont un fardeau significatif. La complexité de l'infrastructure existante et le nombre d'acteurs impliqués obscurcissent souvent le cheminement et le statut des paiements, rendant le suivi difficile et les frais finaux imprévisibles. Pour une Organisation, ces frais ne sont pas une simple dépense opérationnelle et représentent une réduction directe du capital disponible pour les programmes sur le terrain. Chaque dollar dépensé en frais de transaction est un dollar qui n'atteint pas les bénéficiaires.

Toutes les Organisations à but non lucratif qui ont mis en place un pilote ou des expérimentations basées sur l'usage de stablecoins témoignent d'une réduction considérable des coûts opérationnels de 70 à 95 %. « Dans les modèles traditionnels, les coûts opérationnels absorbent généralement 10 à 35 % des fonds donnés. Le modèle de DIVA Donate réduit les dépenses opérationnelles à seulement 2,5 % du total des fonds distribués, ce qui représente une réduction de 75 % [75] » explique par exemple DIVA Donate [76] , une plateforme décentralisée de dons conditionnels (voir infra), travaillant notamment avec Mercy Corps Ventures. Certaines Organisations à but non lucratif utilisent les stablecoins pour payer les salaires de personnels employés à l'étranger, mais également comme moyen de paiement de prestataires de services ou de partenaires locaux [77] .

Par exemple, l'Union des Organisations de Secours et Soins Médicaux (Union of Medical Care and Relief Organization, UOSSM) est une ONG humanitaire et médicale internationale. Fondée par des médecins syriens de la diaspora en tant qu'organisation humanitaire médicale, elle dispose de bureaux dans huit pays [78] . Pendant la guerre en Syrie et jusque récemment, l'ONG a géré ses opérations en Syrie depuis la frontière turque, notamment grâce au soutien de la GIZ, l'agence de coopération internationale allemande (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit) depuis 2018. En réponse à la crise syrienne, l'UOSSM a pour mission de fournir une assistance médicale neutre et impartiale aux populations affectées par le conflit, principalement dans le nord-ouest de la Syrie, dans les régions d'Idlib et du nord d'Alep. Elle gère un réseau dense d'infrastructures de santé, incluant des hôpitaux, des centres de soins de santé primaires, des unités de santé mentale et le plus grand centre de dialyse d'Idlib, ce dernier étant soutenu par la GIZ. Le défi opérationnel était de parvenir à payer les salaires d'une centaine d'employés, - médecins, infirmiers, pharmaciens, techniciens et personnel administratif, de manière sécurisée, rapide et traçable, en contournant l'obligation de transporter et de distribuer de grandes quantités d'argent liquide, une opération logistiquement complexe et à haut risque. La GIZ et l'UOSSM International ont initié un projet pilote de paiement numérique en octobre 2024, via la Stellar Disbursement Platform (SDP) construit sur la blockchain publique Stellar, dont les frais de transactions sont quasi nuls, afin d'assurer une distribution en quelques secondes des salaires au personnel médical [79] . Les résultats de cette expérimentation indiquent la réduction d'au moins 25 % du temps administratif alloué au traitement des paiements et une économie de 400 000 euros par an de frais bancaires et informels. De plus, la centaine d'employés n'a eu aucun mal à convertir les stablecoin dollars en espèces, par l'intermédiaire de Digibank [80] . Le déploiement de cette solution, largement plébiscitée par les bénéficiaires, a été étendu à sept hôpitaux et sert à payer plus de 900 employés en 2025 [81] .

Cette pratique est particulièrement répandue dans les pays où l'accès aux services bancaires est limité, où la monnaie nationale est faible, ou en situation d'hyperinflation. Certaines organisations utilisent également les crypto-actifs comme le bitcoin pour distribuer des subventions et se passer des institutions bancaires. Le guide « Bitcoin pour les ONG » publié par la Human Rights Foundation donne l'exemple d'une Organisation qui a effectué une donation directe en bitcoin à une université et des chercheurs vénézuéliens, « car c'était la méthode la plus efficace pour les transferts de fonds transfrontaliers, nécessitant moins de bureaucratie et moins de frais que les transferts fiduciaires (fiat) [82] ».

Il s'avère ainsi que les flux financiers en crypto-actifs ou en stablecoin ne font l'objet d'aucune restriction géographique, fonctionne 24h/24 tous les jours de la semaine, peuvent être envoyés sans aucun intermédiaire entre celui qui envoie les fonds et celui qui les reçoit, et coûte une fraction de centimes lorsque la transaction passe par le bon protocole.

Au-delà de la simple optimisation des coûts financiers et opérationnels dans les structures traditionnelles et hiérarchiques, certaines organisations explorent de nouvelles formes de gouvernance et cherchent à expérimenter et à modifier les modèles verticaux existants. Une initiative particulièrement intéressante s'appelle Big Green DAO, notamment parce qu'elle est portée depuis cinq ans par une fondation américaine qui elle-même existe depuis une quinzaine d'années.

Fondée par Kimbal Musk, la Big Green DAO est née d'une vision radicale : « démanteler les structures de pouvoir traditionnelles de la philanthropie pour placer les organisations de terrain aux commandes [83] ». Autrement dit, le postulat de départ est que les personnes et les groupes qui travaillent en première ligne au sein de leurs communautés sont les mieux placés pour déterminer où les ressources doivent être allouées [84] . Dédiée à la souveraineté alimentaire [85] , la fondation Big Green a été créée aux Etats-Unis en février 2011. Traditionnellement, une fondation alloue ses fonds via un conseil d'administration restreint. La Big Green DAO a inversé ce paradigme en transférant le pouvoir de décision à sa communauté, c'est-à-dire majoritairement les responsables des organisations de terrain financées par l'Organisation autonome décentralisée (DAO).

Depuis sa création, la Big Green DAO a distribué plus de 4,5 millions de dollars à des centaines d'organisations à travers les États-Unis, au cours de cycles de subventions réguliers appelés Grant Rounds [86] . Par exemple, le cycle GR3 a alloué 720 000 dollars à 37 organisations, et le GR4 a distribué 595 000 dollars à 45 organisations [87] . Avec plus de 171 organisations financées pour un total dépassant les 4 millions de dollars depuis 2021, la Big Green DAO a prouvé la viabilité et l'efficacité de son approche décentralisée [88] . Rien qu'en juin 2025, lors de son huitième cycle de financement, la DAO a approuvé la distribution de près de 500 000 dollars pour 34 nouveaux projets, avec des montants allant de 10 à 20 000 dollars par initiative.

Cette DAO se caractérise non seulement par une gouvernance opérée par la communauté mais s'appuie également sur un système d'attribution des subventions innovant. La gouvernance au sein de la Big Green DAO est entièrement entre les mains de sa communauté. Les membres peuvent proposer et voter sur tous les aspects de l'organisation, depuis la sélection des organisations bénéficiaires des subventions jusqu'aux modifications des règles de gouvernance elles-mêmes [89] . Ce pouvoir est distribué et exercé via un système de token de gouvernance, conçu pour aligner les incitations et prévenir la concentration du pouvoir [90] . La DAO utilise trois types de token distincts [91] :

  • Le token $GARDEN est attribué aux organisations à but non lucratif qui deviennent membres de la DAO, généralement après avoir reçu une subvention. Ce token est non transférable pour éviter toute spéculation financière. Son pouvoir de vote est annulé, brûlé, s'il n'est pas utilisé pendant deux cycles de subventions consécutifs, garantissant que seuls les membres actifs et engagés conservent leur influence.
  • Le token $GARDENDONOR est attribué aux donateurs qui contribuent au-delà d'un certain seuil, par exemple, 1 Ether. Ce token est également non transférable. Son pouvoir de vote a une durée de vie limitée à un an, ce qui encourage un engagement continu plutôt qu'une influence perpétuelle issue d'un don unique.
  • Le token $GARDENEXEC est détenu par les membres du Comité de la DAO et utilisé pour des votes spécifiques à ce comité.

Le Comité de la DAO joue un rôle de pilotage et de facilitation, et non de direction autoritaire. Il est composé de représentants d'organisations membres de la communauté et est renouvelé par un processus d'élection communautaire [92] . Sa mission est de fixer les grandes orientations annuelles et de s'assurer que les décisions sont prises dans le meilleur intérêt de la communauté et de la cause [93] . En reconnaissance de leur engagement, les organisations représentées au comité reçoivent une subvention annuelle [94] .

Quant au processus d'attribution des subventions, c'est le cœur opérationnel de la DAO. Il est conçu pour être aussi simple et efficace que possible pour les candidats, réduisant ainsi le fardeau que représente traditionnellement la recherche de fonds [95] . Le cycle se déroule en trois étapes : candidature, vote et attribution [96] .

La décision finale n'est pas basée sur une simple règle de majorité (50 % + 1), mais sur un mécanisme de « consensus optimisé » conçu pour « refléter la perspective majoritaire de la communauté [97] ». Cette approche sophistiquée est rendue possible par l'utilisation d'un outil de vote avancé, Ethelo [98] qui se targue, en dix ans, d'avoir géré l'allocation budgétaire de 100 millions de dollars à plus de 250 000 parties prenantes [99] . Contrairement aux plateformes de vote binaire, Ethelo est un moteur de consensus qui explore une multitude de scénarios possibles pour identifier l'issue qui se rapproche le plus de la satisfaction globale de tous les participants, et pas seulement celle d'une majorité simple [100] . La philosophie d'Ethelo, inspirée par le théoricien de la justice John Rawls [101] , vise à trouver des résultats équitables qui unissent la communauté plutôt que de la polariser [102] . La Big Green DAO a par ailleurs utilisé Ethelo en conjonction avec le vote quadratique [103] , un modèle d'allocation de financement qui donne plus de poids au nombre de donateurs qu'au montant individuel des dons [104] . Les organisations qui réussissent ce processus reçoivent ainsi une subvention sans restriction, un statut de membre de la communauté et un token de gouvernance $GARDEN. Ce système crée une boucle vertueuse où les bénéficiaires d'aujourd'hui deviennent les décideurs de demain, renforçant continuellement le pouvoir et l'expertise au sein de la communauté de terrain [105] .

Selon Kimbal Musk, ce modèle réduit drastiquement les frais de structure. Là où une fondation traditionnelle consacre jusqu'à 15 % de son budget à ses frais opérationnels et de personnel, la Big Green DAO opère avec moins de 5% de frais généraux. L'impact est direct puisque sur un capital de 100 millions de dollars, 95 millions iraient directement aux projets, contre 65 millions dans le modèle classique. L'objectif, double, est d'améliorer le retour sur investissement social en confiant les décisions aux experts du terrain, et instaurer une gouvernance transparente et quantifiable.

2.2 Des innovations propres au Web 3

Le Web3 propose des innovations structurelles qui redéfinissent la gouvernance et le financement institutionnel. La première partie de cette section se penche sur la coordination inter-agences et la gouvernance décentralisée (2.2.1), illustrée par des systèmes comme Building Blocks du Programme alimentaire mondial et les DAO philanthropiques, qui visent à éliminer les doublons et à décentraliser la prise de décision. La seconde partie (2.2.2) met en lumière l'émergence de fonds crypto philanthropiques portés par des ONG, tels que le CryptoFund de l'UNICEF, qui investissent on-chain dans des start-ups à impact pour générer des biens publics numériques traçables, au plus près des populations aidées.

2.2.1 Entre coordination inter agences et gouvernance décentralisée

L'aide humanitaire moderne est confrontée à des défis structurels majeurs, notamment des coûts de transaction élevés qui amputent des budgets déjà limités, des retards critiques dans l'acheminement des fonds, ainsi qu'un manque cruel de coordination inter-organisationnelle engendrant inefficacités et redondances.

Plusieurs projets d'optimisation et de coordination financières ont été lancés par des Organisations et institutions traditionnelles à l'instar de Building Blocks, déployé par le Programme alimentaire mondial (PAM), TruBudget [106] , initié par la Banque de développement allemande [107] ou encore FundsChain, lancé plus récemment par la Banque mondiale [108] . Tous ont la particularité d'être construits sur des blockchains privées, en justifiant cette approche par la volonté « d'assurer un niveau accru de sécurité et de contrôle [109] ».

La multiplication des intermédiaires et la diversité des acteurs sur le terrain, notamment lors de crises humanitaires graves, accroissent tout à la fois les risques d'erreur, de fraude ou de détournement. Face à cette réalité, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies a initié le projet Building Blocks en 2017 « pour éliminer les duplications afin de soutenir les organisations dans la prévention des chevauchements non intentionnels, l'optimisation des ressources et l'amélioration de l'efficacité ainsi que des résultats équitables de l'aide humanitaire, servant finalement les populations de manière plus sécurisée et efficace [110] ».

Le projet se positionne comme un méta-système de coordination inter-organisationnelle dont le rôle est d'interconnecter les systèmes internes des différentes agences pour coordonner une assistance collective, évitant ainsi les doublons et favorisant une approche holistique de l'aide reçue par les bénéficiaires. Ainsi, Building Blocks ne remplace pas les systèmes internes de planification des ressources (ERP), d'enregistrement des bénéficiaires, de gestion biométrique ou de suivi et évaluation, Measure & Evaluate, des organisations membres, mais s'y intègre.

L'architecture repose sur une blockchain privée de type Ethereum. Cette infrastructure est « permissionnée », c'est-à-dire que seuls les organismes humanitaires agréés peuvent rejoindre le réseau, consulter les données et valider les transactions. Les bénéficiaires sont identifiés via des identifiants pseudonymes sans qu'aucune donnée à caractère personnel comme le nom, la date de naissance, l'adresse, ni aucune donnée biométrique ne soient enregistrées sur la blockchain privée, ces informations restant dans les systèmes centralisés de chaque organisation.

Depuis le premier pilote mené au Pakistan en janvier 2017 par le Programme alimentaire mondial, le projet est désormais déployé au Bangladesh, en Jordanie, au Liban et en Ukraine. A partir de juin 2019, ONU Femmes a utilisé la plateforme Building Blocks dans les camps de réfugiés de Za'atari et Azraq en Jordanie [111] , puis a étendu son utilisation au camp de Kakuma au Kenya en 2020 [112] . En Jordanie, l'aide distribuée par ONU Femmes s'inscrivait dans le cadre de programmes de « travail contre rémunération », cash-for-work, où les participantes recevaient une allocation en échange de leur contribution à des activités au sein des centres « Oasis » pour la résilience et l'autonomisation des femmes [113] . Le projet a débuté par un pilote pour accompagner 200 femmes et s'est progressivement élargi à quelque 100 000 réfugiés dans ces camps.

En Ukraine, entre 2022 et 2024, le système a traité des données pour plus de 4,8 millions de ménages uniques et a identifié et empêché 855 000 cas de doublons. Ces efforts de déduplication auraient permis des économies de plus de 200 millions de dollars [114] .

En 2024, il servait de plateforme de coordination pour 65 organisations, engendrant 67 millions de dollars d'économies. L'usage d'un Technologie de registre distribué (DLT) fournirait un enregistrement immuable des transactions, ce qui est un attrait majeur pour la transparence et la responsabilisation (accountability) de l'aide [115] . Depuis 2023, Building Blocks est un écosystème ouvert à d'autres agences des Nations Unies, avec une adhésion gratuite pour les organisations éligibles. Chaque membre paie 400 USD/mois pour opérer ses propres nœuds de validation sur le cloud, hébergé chez Amazon Web Service mais à ce jour, seule ONU Femmes a rejoint l'écosystème. Depuis son implémentation, quelque 300 millions de dollars d'aide humanitaire ont été distribués via la plateforme à plus d'un million de bénéficiaires, avec des frais réduits de 98%, de quoi allouer plus de ressources au bénéfice des personnes aidées, et également fournir à l'agence des Nations Unies un historique complet et interne de chaque transaction [116] .

Building Blocks fait toutefois l'objet de critiques structurelles importantes, principalement liées à son architecture technique et à son impact sur la vie privée des bénéficiaires. L'un des principaux arguments critiques est que, bien que Building Blocks soit présenté comme une « application de la blockchain », il fonctionne sur une blockchain privée à permission (private-permissioned blockchain) [117] de type Ethereum, développée avec Accenture et Microsoft. Dans les premières phases, notamment pour l'implémentation en Jordanie, le système fonctionnait sur un unique nœud, single node, sur un fork d'Ethereum [118] . Les critiques notent que cette configuration le rendait techniquement équivalent à une base de données centralisée et propriétaire, perdant ainsi les avantages fondamentaux de la décentralisation [119] .

L'architecture de gouvernance pose problème car, historiquement, le Programme alimentaire mondial était le gestionnaire unique de la plateforme, sole platform manager, détenant les enregistrements de transactions. En effet, ce contrôle unilatéral soulève des inquiétudes quant à l'impartialité et à la crédibilité du système, et dissuade les autres partenaires opérationnels de se joindre, par crainte que le Programme alimentaire mondial n'exerce une influence exclusive en faveur de ses propres objectifs. Des débats entourent également le projet, notamment sur le fait que son code ne soit pas open source, justifié par le manque de ressources et la volonté de ne pas décourager les partenaires. La question d'un passage à l'open source sera soumise au vote des membres « une fois une masse critique atteinte », expliquent les porteurs du projet [120] .

Enfin, l'intégration de Building Blocks avec les systèmes d'identité biométrique (PRIMES/scan de l'iris) de l'UNHCR est une source de controverse éthique majeure [121] . Des chercheurs soulignent que cette approche « financiarise [122] » les données des réfugiés, transformant les informations sur les personnes déplacées en empreintes numériques susceptibles d'être utilisées par des institutions financières. L'absence de normes communes de protection des données et l'immunité juridique des agences onusiennes créent des « failles d'externalisation [123] », permettant aux entreprises technologiques privées, comme Accenture, Microsoft ou la Cairo Amman Bank, qui ont perçu des millions de dollars de contrats pour développer ces programmes, de tester de nouvelles technologies sur les populations déplacées sans responsabilité directe.

Ce cyber-humanitarisme, par l'usage de la biométrie sans aucun garde-fou, est au cœur de la critique, à juste titre, du crypto-colonialisme. Les bénéficiaires n'ont en effet aucun contrôle sur les données détenues par les opérateurs. Or le système d'identité biométrique utilisé par le Programme alimentaire mondial est celui mis en place par le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) depuis 2013, qui s’appuie sur une solution de reconnaissance d’iris développée par Irisguard [124] , une entreprise privée britannique fondée en 2001 et dont le premier grand contrat, en 2002, a porté sur le contrôle des frontières avec les Émirats arabes unis (EAU) pour leur permettre de distinguer les citoyens des « expulsés », à savoir les travailleurs étrangers qui tentaient de rentrer aux EAU avec de nouveaux documents. Utilisé par des gouvernements, des ONG et un grand nombre de banques de détail au Moyen-Orient, Irisguard a développé EyePay, un système de reconnaissance de l’iris pour les personnes non bancarisées, déployé dans des contextes variés parmi lesquels le contrôle des frontières, des distributeurs automatiques de billets (DAB) sans carte bancaire, et des points de vente en supermarché. Aujourd'hui, ce système permet de vérifier l'identité d'une personne en moins de trois secondes pour autoriser une transaction ou une distribution d'aide. À ce jour, Irisguard affirme avoir traité plus de 18 milliards de dollars de transactions pour plus de 10 millions de personnes [125] . Or un rapport publié par Oxfam en 2018 [126] conclut d'ailleurs que les risques liés à la détention de grandes quantités de données biométriques immuables (légaux, de sécurité, de réputation) dépassent les avantages potentiels dans la quasi-totalité des cas. Ces données représentent une cible de grande valeur, comme l'a tragiquement illustré la cyberattaque contre le Comité International de la Croix-Rouge en 2022, qui a conduit au vol des données de plus de 515..000 personnes vulnérables [127] . Bien que Building Blocks ne stocke pas les données biométriques des bénéficiaires sur sa blockchain privée, le fait de les conserver dans les systèmes centralisés des agences membres ne fait que déplacer le risque, sans l'éliminer. La création de systèmes informatiques propriétaires et privés, basés sur la collecte de données biométriques sensibles et immuables, tenus par des entreprises commerciales dans un contexte réglementaire quasi inexistant, pose d’innombrables questions tenant à la vie privée des réfugiés et à leur dignité humaine.

La traçabilité des fonds dans le cadre de l'aide au développement est également l'un des défis majeurs de l'aide humanitaire et tient à la complexité de son écosystème, alimenté par la multiplicité des donateurs, qu'il s'agisse d'États, d'organisations internationales, d'ONG ou de fondations privées, chacun ayant ses propres priorités, mécanismes et exigences, ce qui conduit bien souvent à une fragmentation des efforts et, souvent, à un manque de coordination. De plus, les fonds peuvent transiter par des banques, des systèmes de transfert d'argent, des plateformes en ligne ou même des canaux informels, ce qui rend leur traçabilité extrêmement difficile, cette opacité favorisant également la redondance des coûts de transaction, chaque intermédiaire prélevant sa part, réduisant ainsi l'efficacité de l'aide allouée. Un problème particulièrement préoccupant est l'impossibilité, parfois déguisée ou intrinsèque, pour les institutions du pays aidé, de suivre l'emploi précis des fonds. Ce manque de transparence peut être dû à des systèmes de gestion financière inadéquats, à un manque de capacités techniques, ou à une volonté délibérée de masquer certaines dépenses. Cette situation empêche les pays bénéficiaires d'évaluer l'impact réel de l'aide, de planifier efficacement leurs propres budgets et de rendre des comptes à leurs citoyens. Elle ouvre également la porte à la corruption et à un gaspillage des ressources, détournant l'aide de ses objectifs initiaux qui sont de soutenir le développement et d'améliorer les conditions de vie des populations. Selon un rapport de l’OCDE publié en 2021, « parfois, la trésorerie du pays partenaire peut même ne pas connaître l'état d'un décaissement ou l'argent qui entre, ce qui compromet le processus de planification du budget d'investissement national [128] ».

C’est en partant de ce constat que la KfW Entwicklungsbank, la banque de développement allemande développe TruBudget depuis 2018, pour Trusted Budget Expenditure Regime, un logiciel open source dont l'objet est d’« accroître l’efficacité et la traçabilité des fonds en offrant aux États membres et aux donateurs davantage de transparence dans l’allocation des ressources [129] ». TruBudget est une application qui permet à un consortium d'acteurs de créer leur réseau blockchain afin de consigner des processus de financement et de dépenses correspondants au projet suivi.

Un pilote a été financé par le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) en 2018 au Burkina Faso. Le gouvernement burkinabé a ainsi configuré TruBudget, renommé SIGFE pour Système d'Information de Gestion des Fonds Extérieurs, et utilise une blockchain permissionnée partagée entre les différents ministères, les systèmes informatiques locaux, pour automatiser les échanges de données, et des bailleurs de fonds.

Ce sont aujourd'hui quelque 25 projets de développement qui sont gérés via cette plateforme, impliquant plus de dix ministères et de multiples bailleurs de fonds internationaux. En Éthiopie, TruBudget est utilisé pour gérer conjointement des projets financés par la KfW dans le domaine de l'enseignement supérieur. D'autres pilotes sont encore à un stade de préparation : par exemple la Tunisie développe à partir de TruBuget la Caisse des Prêts et de Soutien des Collectivités Locales CPSCL, avec Smart Africa et l'Alliance du vaccin, Gavi, porté par Fondation Bill et Melinda Gates. La banque de développement brésilienne BNDES a également testé en 2018 le dispositif pour gérer une partie du Fonds amazonien, notamment en provenance des particuliers, puis le projet a été suspendu de 2019 à 2022 pour reprendre en 2023.

Tech deep dive

Tech deep dive - TruBudget est un logiciel open source fonctionnant sur une blockchain permissionnée où chaque entité impliquée, comme un ministère ou une administration, opère son propre nœud sur le réseau blockchain. Chaque action, chaque validation de document ou chaque paiement est une transaction enregistrée sur le registre distribué et visible par les personnes autorisées au sein de chacun des autres nœuds. En avril 2019, la KfW a publié le code source de TruBudget, dorénavant accessible en open source sur la plateforme GitHub [130] , ce qui permet à quiconque de l'utiliser, de l'adapter et de le développer. Il a également depuis été certifié comme un « bien public numérique [131] », Digital Public Good par la Digital Public Goods Alliance (DPGA), ce qui facilite son adoption par les pays à revenu faible et intermédiaire sans frais de licence.

2.2.2 Des fonds crypto philanthropiques portés par des ONG

Pour surmonter les obstacles structurels de l'aide humanitaire, tels que l'opacité financière et les inefficacités logistiques, l'UNICEF s'est affirmé comme un acteur majeur de l'innovation. Dès 2014, l'organisation a créé un Venture Fund, un véhicule d'investissement destiné à fournir un capital d'amorçage à des start-ups technologiques développant des solutions pour les enfants dans les marchés émergents. Cinq ans plus tard, en 2019, le fonds a franchi une étape décisive en lançant son CryptoFund, devenant ainsi la première entité des Nations Unies à opérer un fonds capable de recevoir, détenir et décaisser des dons nativement en crypto-actifs comme le Bitcoin (BTC) et l'Ether (ETH). Cette initiative ne fut pas une simple expérimentation mais l'évolution naturelle de sa stratégie, visant à exploiter le potentiel des Technologies de registre distribué (DLTs) pour refondre les mécanismes de la philanthropie.

Le modèle du CryptoFund est une illustration de la venture-philanthropy. Il réalise des investissements sans prise de participation, equity-free, dans des entreprises en phase d'amorçage, à la condition essentielle que leurs technologies soient open source. Cette exigence garantit que les innovations financées deviennent des « biens publics numériques », librement accessibles, adaptables et réutilisables, créant ainsi un impact social démultiplié. La transparence est le pilier de ce système. L'intégralité du parcours d'un don, depuis le portefeuille d'un contributeur — comme la Fondation Ethereum — jusqu'à la start-up bénéficiaire, est inscrite de manière immuable sur une blockchain publique. N'importe quel observateur peut ainsi vérifier la « preuve de transaction » de chaque investissement, offrant un niveau d'auditabilité et de confiance sans précédent. Fin 2024, le portefeuille global du Venture Fund, qui englobe le CryptoFund, comptait 153 investissements dans 87 pays, ayant bénéficié à plus de 174 millions de personnes.

Atix Labs par exemple, une entreprise argentine, a bénéficié d'un des premiers investissements du CryptoFund pour développer sa plateforme open source AGUA [132] . Cette solution s'attaque au défi de l'opacité financière dans le secteur social en utilisant une blockchain pour assurer une traçabilité complète et vérifiable des fonds. Le principe technique est de lier le décaissement des financements à des résultats tangibles et prédéfinis. Concrètement, un projet est décomposé en plusieurs étapes, chacune associée à des objectifs clairs et mesurables. Les fonds ne sont pas versés en une seule fois, mais sont bloqués dans un smart contract sécurisé sur la blockchain bitcoin [133] . Le déblocage des tranches successives n'intervient que lorsque le bénéficiaire du financement apporte la preuve que les objectifs de l'étape précédente ont été atteints. Cette « preuve d'impact » peut prendre diverses formes, comme des rapports validés, des données géolocalisées ou des confirmations par des tiers. Ce mécanisme assure aux donateurs et aux institutions publiques que leurs fonds sont utilisés efficacement, transformant le suivi de projet d'un processus déclaratif à un système basé sur des preuves auditables par tous.

Autre exemple, au Bangladesh, malgré des progrès dans l'extension de la couverture vaccinale depuis les années 1980, des défis systémiques persistent, laissant des centaines de milliers d'enfants sous-vaccinés ou non vaccinés. La problématique est particulièrement aiguë dans les bidonvilles urbains densément peuplés et les zones rurales reculées, où le suivi des enfants est complexe. Les systèmes traditionnels sur papier, sujets aux pertes et aux erreurs, et des systèmes numériques fragmentés entravent la capacité des agents de santé à identifier et à atteindre les enfants. C'est dans ce contexte que l'UNICEF, en collaboration avec le gouvernement du Bangladesh et Gavi, l'Alliance du Vaccin, utilise une plateforme décentralisée créée par StaTwig [134] , startup issue du Venture Fund de l'UNICEF.

VaccineLedger, utilisé au Bangladesh sous le nom de eVLMIS (Electronic Vaccine and Logistics Management Information System) ou VaxIN, est un système numérique qui assure une traçabilité et une transparence de bout en bout [135] des vaccins. Plutôt que de se limiter à un simple registre numérique, la solution de StaTwig, open source [136] , utilise une blockchain publique pour créer un enregistrement immuable et partagé pour chaque enfant et chaque fiole de vaccin.

Concrètement, lorsqu'un enfant est amené pour sa première vaccination, l'agent de santé lui crée un dossier numérique dans l'application VaxIN à partir d'un identifiant, lié à des informations de base (nom, date de naissance, informations sur les parents) recueillies auprès de la famille. En parallèle, chaque lot de vaccins dispose d'un identifiant numérique qui est suivi en temps réel depuis les entrepôts nationaux jusqu'aux centres de santé locaux. Les agents de santé sur le terrain, dont plus de 20 000 ont été formés, utilisent une application mobile, fonctionnant en ligne et hors ligne pour s'adapter aux zones à faible connectivité, pour scanner les vaccins et mettre à jour le dossier de l'enfant au moment de l'administration.

Cette architecture permet de s'assurer que le bon vaccin est administré au bon enfant au bon moment, mais aussi de surveiller la chaîne du froid grâce à des capteurs de température dont les données peuvent être intégrées au registre. L'immuabilité du registre garantit l'intégrité des dossiers de vaccination, les protégeant contre toute altération ou suppression accidentelle ou frauduleuse, un avantage crucial par rapport aux systèmes papier ou aux bases de données centralisées vulnérables. La transparence et l'auditabilité du système permettent aux superviseurs et aux gestionnaires de la santé publique de suivre en temps réel les stocks de vaccins, d'identifier les goulets d'étranglement dans la chaîne d'approvisionnement et de réduire le gaspillage, grâce à des tableaux de bord en temps réel, des analyses prédictives et des alertes automatisées. Le succès du système a été prouvé lors de la campagne nationale contre la typhoïde, où il a géré la distribution de vaccins à des millions d'enfants [137] . Enfin, cette approche favorise l'interopérabilité avec d'autres systèmes nationaux d'information sur la santé. En fournissant une identité numérique sécurisée et portable, le système garantit la continuité des soins pour les familles qui se déplacent, tout en posant les bases d'un écosystème de « biens publics numériques » où les données essentielles peuvent être partagées de manière sécurisée pour améliorer l'accès à d'autres services vitaux.

En opérant entièrement sur des blockchains publiques pour assurer une traçabilité des investissements, l'UNICEF incite ses entreprises en portefeuille à devenir elles-mêmes crypto-natives, ce qui accélère l'adoption et le développement de solutions blockchain pour le bien social. Le donateur ne finance donc pas seulement un projet isolé, mais il catalyse tout un écosystème d'innovation durable et ouvert.

Pour les Organisations à but non lucratif, l'intégration des crypto-actifs et des Technologies de registre distribué (DLTs) va donc bien au-delà de la simple diversification des sources de financement et représente de nouveaux outils, à la fois stratégiques et opérationnels, qui ne remplacent pas toutefois les fondements du travail humanitaire.

Chapitre 3 : Du point de vue du bénéficiaire : une aide directe et inclusive

La promesse des Technologies de registre distribué (DLTs) est d'offrir une aide plus directe, rapide et efficiente aux populations vulnérables, en particulier les « invisibles » qui n'ont pas accès aux systèmes financiers traditionnels et celles et ceux qui ne peuvent justifier d'une preuve d'identité. Cependant, cette convergence soulève des défis éthiques et structurels importants. La première section (3.1) abordera cette dualité en détaillant les mécanismes d'inclusion financière offerts par des projets construits sur des Technologies de registre distribué (DLTs), tout en soulevant le péril du crypto-colonialisme. Cette critique met en lumière le risque que l'implémentation de solutions numériques, souvent privées, reproduise ou amplifie les dynamiques de pouvoir historiques, notamment via la « financiarisation » des données de populations déplacées. La seconde section (3.2) examinera l'émergence d'une Micro-finance décentralisée (Micro-DeFi), qui cherche à utiliser les outils de la finance décentralisée pour dépasser les limites inhérentes à la microfinance traditionnelle.

3.1 Entre meilleure inclusion et risque de crypto colonialisme

En tant que pharmakon, pour reprendre le concept de Stiegler [138] , les Technologies de registre distribué (DLTs) révèlent leur nature ambivalente pour les populations bénéficiaires, à la fois remède (3.1.1) représentant un potentiel transformateur immense et poison (3.1.2) introduisant de nouveaux risques éthiques et sociaux majeurs.

3.1.1 Une inclusion sans précédent

Du point de vue du bénéficiaire, l'avènement des Technologies de registre distribué (DLTs) constitue une profonde rupture avec les mécanismes de l'aide traditionnelle. L'avantage principal réside dans la capacité de ces outils à opérer une désintermédiation radicale, offrant pour la première fois un accès direct aux ressources financières pour les populations les plus marginalisées du système mondial : les non-bancarisés. Le système philanthropique classique se heurte en effet à la barrière systémique de nécessairement s'appuyer sur une infrastructure fiduciaire et bancaire à laquelle des milliards d'individus n'ont pas accès. Cette exclusion contraint l'aide à transiter par de multiples intermédiaires, occasionnant des frais, des délais et des risques de sécurité pour le bénéficiaire final, souvent contraint de récupérer des espèces dans des points de distribution centralisés.

Il est important de préciser que les DLTs ne doit pas être présentée comme une réponse unique au manque d’accès bancaire. De nombreuses régions du monde disposent déjà de systèmes d’inclusion financière performants via mobile money (M-Pesa, MTN Mobile Money, Orange Money, Wave, etc.), souvent plus accessibles et plus robustes que les solutions crypto actuelles. Le Web3 n’apporte pas nécessairement une « première inclusion », mais des fonctionnalités structurellement différentes : programmabilité, transparence, interopérabilité mondiale et résilience dans les contextes où les systèmes financiers conventionnels deviennent défaillants. Ces mécanismes ne remplacent pas les dispositifs existants mais permettent de créer des couches financières nouvelles, capables d’opérer même en cas de blocage bancaire local, comme en Afghanistan, au Myanmar ou encore au Soudan, ce qui constitue un avantage rarement accessible via les systèmes de mobile money traditionnels.

Comment sont payés les employés des hôpitaux de la région du nord-ouest de la Syrie.?

Dans le contexte du conflit syrien, qui a débuté en 2011 et a entraîné l'effondrement des infrastructures étatiques et financières, la région du nord-ouest de la Syrie est particulièrement isolée. En raison de cette situation de guerre et de l'absence quasi totale d'un système bancaire formel, la plupart des employés des hôpitaux étaient payés par le biais d'un processus complexe et à haut risque basé sur des espèces, impliquant de multiples intermédiaires. La GIZ, l'agence de coopération internationale allemande (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit) envoyait d'abord les fonds sur les comptes de l'ONG internationale UOSSM en Turquie, l'Union des Organisations de Secours et Soins Médicaux (Union of Medical Care and Relief Organization, UOSSM). Depuis ce pays frontalier, devenu la principale base arrière de l'aide humanitaire, l'UOSSM transférait les fonds salariaux mensuels vers la Syrie en utilisant la Direction Nationale Turque de la Poste et du Télégraphe, un service national qui propose des services financiers et logistiques tels que les transferts de fonds. Un membre autorisé du personnel de l'UOSSM devait alors retirer les fonds, en espèces, dans une agence de la Poste turque située dans le nord-ouest de la Syrie. Il les remettait ensuite à un un agent de change local, un représentant agréé opérant comme point de liquidité. Le représentant de ce point de liquidité devait à son tour transporter les fonds — une opération logistiquement lourde et périlleuse en zone de conflit — jusqu'aux établissements de santé, où les salaires étaient finalement distribués au personnel au moyen de cartes physiques, qui servaient également d'attestation de paiement. Pour assurer la supervision de cette chaîne de paiement manuelle, les distributions étaient effectuées en présence du comptable de l'établissement et d'un représentant d'Innovation Consulting & Solutions, une organisation tierce qui aide à faciliter l'équité dans les efforts humanitaires et de développement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord [139] .

Les crypto-actifs, que ce soit les stablecoins ou les cryptomonnaies, fournissent une infrastructure financière alternative, résiliente et universelle. Pour le bénéficiaire, la seule condition requise pour accéder à ces fonds est l'accès à un portefeuille de crypto-actifs, le plus souvent via un simple téléphone mobile. Cette simplicité technologique permet de contourner la nécessité d'une identité civile formelle – un obstacle majeur pour les réfugiés, les déplacés internes ou les populations sans état civil.

Pour le bénéficiaire de cette aide d'un nouveau genre, les avantages sont nombreux. L'aide peut être transférée quasi instantanément du donateur à l'individu, éliminant les délais inhérents aux virements bancaires internationaux et aux processus de décaissement complexes, qui plus est dans les situations d'urgence. Les frais de transaction sont considérablement réduits par rapport aux services de transfert de fonds traditionnels, ce qui signifie qu'une plus grande proportion des dons atteint directement le bénéficiaire. Bien que la confidentialité des transactions soit un aspect clé, l'immutabilité et la transparence des registres distribués permettent, sous certaines conditions, de tracer l'origine et la destination des fonds, renforçant la confiance des donateurs et réduisant les risques de détournement. En recevant les fonds directement dans un portefeuille de crypto-actifs, les bénéficiaires ont la liberté et la capacité de décider comment et quand dépenser leur argent, sans être contraints par des programmes d'aide en nature ou des listes de fournisseurs imposées, cette autonomie renforçant leur dignité et leur pouvoir d'agir sur leur propre situation. Le stockage des fonds dans un portefeuille de crypto-actifs élimine le besoin de transporter de grandes sommes d'argent liquide, réduisant ainsi les risques de vol ou d'extorsion, fréquents dans les zones de conflit ou de grande pauvreté.

Enfin, pour des milliards de personnes qui étaient exclues du système financier formel, les crypto-actifs offrent une passerelle vers l'inclusion financière.

Au-delà de l'inclusion financière directe, les Technologies de registre distribué (DLTs) offrent une solution novatrice à un problème fondamental de l'exclusion sociale des personnes sans identité légale, que l'écosystème des agences des Nations Unies appelle les « invisibles » comme le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) qui travaille directement avec des populations apatrides et des réfugiés, sont souvent dépourvus de documents d'identité et donc « juridiquement invisibles [140] » ou encore l'UNICEF, qui se concentre sur l'identité dès la naissance, au motif qu'un « enfant qui n'est pas enregistré à la naissance est invisible pour le gouvernement. Sans preuve d'identité, les enfants sont souvent exclus des soins de santé, de l'éducation et d'autres services vitaux, et sont plus vulnérables à l'exploitation et aux abus [141] ». Cette invisibilité touche au moins 850 millions de personnes [142] à travers le monde – réfugiés, apatrides, populations déplacées – qui, privées d'une preuve d'identité reconnue par un État, les empêche non seulement d'accéder aux services bancaires, mais aussi aux services de santé essentiels, à l'éducation, et même à l'enregistrement de faits d'état civil, perpétuant ainsi un cycle de vulnérabilité et de marginalisation.

C'est dans ce contexte que le potentiel des identifiants décentralisés (Decentralised IDentifiers) et des attestations vérifiables (Verifiable Credentials) devient véritablement transformateur [143] . Ces technologies permettent l'instauration d'une identité numérique auto-souveraine. Les identifiants sont créés et gérés par l’utilisateur, qui en détient le contrôle total. Différents fournisseurs de propriétés d’identité peuvent ensuite fournir des attestations vérifiables dont la preuve de la source et de l’intégrité sont ancrés sur une blockchain. Contrairement aux systèmes d'identification traditionnels qui dépendent d'une autorité centrale unique, cette identité décentralisée peut être construite à partir de multiples attestations vérifiables qui contribuent à forger une identité numérique robuste, sans qu'aucune entité unique n'ait le monopole de sa validation ou de sa révocation. Les données des attestations ne sont pas directement stockées et exposées sur une blockchain (qui ne contient que les traces permettant leur vérification) mais idéalement enregistrées localement et directement par l’utilisateur lui-même sur son wallet d’identité décentralisée, limitant ainsi les fuites massives de données centralisées.

En détenant la propriété et le contrôle de sa propre identité numérique, le bénéficiaire sort de l'invisibilité et acquiert la capacité de prouver qui il est, de manière portable et sécurisée, sans être assujetti aux contraintes d'un système centralisé unique, souvent inaccessible ou défaillant dans les zones de crise ou pour les populations vulnérables. Cette autonomie identitaire ouvre l'accès à l'inclusion financière mais peut également déverrouiller l'accès aux soins de santé, en permettant un historique médical sécurisé et partageable ; à l'éducation, en authentifiant les diplômes et les parcours scolaires ; et même à des formes de participation civique et économique, en permettant la preuve de citoyenneté numérique ou de compétences professionnelles.

3.1.2 Le péril du crypto-colonialisme

Le développement rapide des technologies de registre distribué (DLTs) et des crypto-actifs dans le secteur de l'aide et de la philanthropie, s'il promet une meilleure inclusion financière, soulève également de sérieuses préoccupations quant à la reproduction des dynamiques de pouvoir historiques, un phénomène désigné par la critique comme le crypto-colonialisme [144] .

La critique du colonialisme numérique cible un système social où un nombre restreint d'acteurs influents, souvent des entreprises technologiques, opèrent à l'échelle mondiale et exercent une concentration inégale du pouvoir [145] . Ce système se caractérise par l'extraction de profits, de données, de travail et de ressources naturelles, tout en imposant des normes culturelles et en assurant une dépendance aux produits, le tout justifié par un discours de progrès et de bienveillance [146] .

Le terme « crypto-colonialisme » décrit spécifiquement les processus néo-coloniaux où la technologie blockchain facilite de nouvelles formes d'appropriation des ressources des pays du Sud global pour catalyser la croissance économique ailleurs. Le Sud global se réfère aux régions qui subissent toujours les effets de l’expansion coloniale passée [147] .

Bien que présentées comme des solutions pour l'aide et l'amélioration des conditions de vie, les technologies numériques, y compris l'usage de crypto-actifs, risquent d'amplifier les formes historiques de colonisation et de maintenir les inégalités de pouvoir [148] .

L'une des illustrations les plus souvent citées du crypto-colonialisme est celle de Porto Rico, étudiée [149] à la suite de l'ouragan Maria ayant frappé l'île en septembre 2017, notamment par Naomie Klein. La promesse de décentralisation de la blockchain a été instrumentalisée par de riches investisseurs pour y tester la technologie à l'échelle d'un État, selon des objectifs qu'ils avaient eux-mêmes définis. Ce phénomène est motivé par l'optimisation fiscale et la promesse de transformer la région, ce qui tend à relativiser l'objectif philanthropique affiché. Les discours tenus par les investisseurs construisent la population locale comme un « autre [150] » colonial et sous-développé, par nature dans le besoin, dont l'économie doit être assistée par des « grands esprits [151] » extérieurs pour passer d'une économie agraire à une économie de l'information. Cette dynamique maintient et reproduit la relation de domination coloniale existante.

L'utilisation de blockchains privées dans l'aide humanitaire s'inscrit dans un schéma qui n'est pas sans rappeler les écueils de l'aide traditionnelle. Des chercheurs [152] soulignent que l'absence de normes communes de protection des données et l'immunité juridique des institutions de l'ONU créent des « failles d’externalisation [153] », outsourcing loopholes. Ces failles permettent aux entreprises technologiques de tester de nouvelles solutions, comme la biométrie ou encore les Technologies de registre distribué (DLTs), souvent privés, sur les populations déplacées sans encourir de responsabilité directe.

Dans certains programmes humanitaires utilisant la blockchain, tels que ceux impliquant le Haut Commissariat aux Réfugiés et le Programme alimentaire mondial avec des entreprises privées, il y a un risque de « financiarisation [154] » des informations sur les personnes déplacées, leurs données étant converties en empreintes numériques utilisées pour la vérification et les transactions.

Le projet de crypto-actifs biométriques Worldcoin est un autre exemple représentatif de cette problématique [155] . L'entreprise cible les populations fragiles et les territoires non réglementés du Sud global par des stratégies promotionnelles agressives, offrant de l'argent soit en monnaie locale, soit en crypto-actifs en échange de la collecte de données biométriques qui consiste en un scan de l'iris, mais également du visage [156] . Ce processus vise à capter des marchés et à extraire des données précieuses en se présentant comme une forme d’« aide sociale..».

Worldcoin : des données biométriques contre une poignée de crypto

Worldcoin, le projet cofondé par Sam Altman en 2019, le PDG d'OpenAI, ambitionne de créer une identité numérique mondiale basée sur la reconnaissance de l'iris. Worldcoin a déployé des « Orbs », une technologie propriétaire utilisée pour scanner l'iris et d'autres données biométriques dans de nombreux pays, rencontrant un engouement particulier en Amérique Latine, notamment en Argentine. La collecte massive de données biométriques a toutefois suscité d'importantes préoccupations en matière de protection de la vie privée, entraînant des enquêtes, suspensions ou interdictions de ses activités par plusieurs autorités nationales, notamment en Espagne, via son Agence de protection des données (AEPD), qui a ordonné en mars 2024 la cessation temporaire de la collecte et du traitement des données sur son territoire. La notion de consentement éclairé autour des possibles stockages et transmissions des données de biométrie (pourtant inutiles par défaut) a été sévèrement mise en cause puisque l’utilisateur était incité à donner ces autorisations par les opérateurs des Orbs. Le Portugal a également pris des mesures similaires pour limiter la collecte de données, tandis que le bureau du commissaire à la protection de la vie privée de Hong Kong a lancé une enquête. Le Kenya avait déjà suspendu le projet dès l'été 2023 pour des raisons de sécurité et de protection des données, et en mai 2025, le ministère de la Communication indonésien a gelé l'activité de Worldcoin, invoquant l'absence de licence pour la collecte de données biométriques. Des enquêtes et des interrogations ont également été soulevées en Allemagne, qui supervise le projet au niveau européen.

Le nombre d'individus ayant scanné leur iris en échange d'une "World ID" et de crypto-actifs WLD a connu une croissance significative, bien que les chiffres les plus récents varient selon les sources et l'avancement du déploiement. Selon la réponse de Worldcoin à une question adressée au Parlement Européen en mars 2024 [157] , plus de 4,5 millions de personnes dans 120 pays avaient déjà fourni leurs données biométriques. En Argentine, le succès a été particulièrement marquant avec des pics d'inscription, comme en août 2023 où 9 500 personnes ont fait scanner leur iris en une seule journée dans la capitale, Buenos Aires. Au Chili, en septembre 2023, le projet avait attiré 200 000 personnes, représentant 1% de la population du pays.

En septembre 2025, l'application World App, qui fait office de portefeuille pour le World ID et les tokens WLD, comptait environ 33 millions d'utilisateurs. Sur ce total, sept millions auraient un « World ID » vérifié, un chiffre difficile à confirmer.

Le péril du crypto-colonialisme réside dans le fait que, sans une approche réfléchie et ancrée localement, les solutions technologiques d'aide peuvent non seulement échouer à corriger les inégalités, mais aussi reproduire le modèle d'un développement imposé de haut en bas, maintenant les bénéficiaires dans un état d'« assistanat permanent » et de dépendance, plutôt que de favoriser l'autonomisation et la souveraineté des populations locales mais également, de par l'utilisation de données biométriques quasiment sans garde-fous, de mettre en péril à tout jamais les données personnelles de millions de personnes dans le monde, parmi celles et ceux qui pourront encore se défendre.

Le paradigme de l'identité décentralisée et des attestations vérifiables fait également l'objet de critiques de la part d'universitaires, comme Margie Cheesman de l'Université d'Oxford, qui voit ces systèmes d'identité auto souveraine comme « simultanément le catalyseur potentiel de nouveaux modes d'autonomisation, d'autonomie et de sécurité des données pour les réfugiés, et un moyen de maintenir et d'étendre le pouvoir bureaucratique et commercial [158] » et pour qui, « si l'identité auto-souveraine continue d'être régulièrement dépolitisée dans le secteur de l'aide, les manières particulières dont les identités sont configurées, les biais sociaux qu'elles instillent, et les conséquences néfastes de ce tri social seront négligés [159] ».

3.2 Vers l'émergence d'une Micro-finance décentralisée (Micro- DeFi) ?

La microfinance a été conçue pour inclure les exclus du système bancaire traditionnel, mais elle fait face à des limites structurelles importantes. Ce chapitre examine les limites inhérentes à la micro-finance traditionnelle (3.2.1), telles que les coûts de transaction élevés et le manque de liquidité avant de présenter les opportunités offertes par l'émergence d'une Micro-DeFi (3.2.2), qui cherche à dépasser ces obstacles en utilisant les outils de la finance décentralisée, notamment l'historique de crédit on-chain et l'accès à une liquidité globale pour un financement plus transparent.

3.2.1 Les limites inhérentes à la micro-finance

S'il existe une finance dite inclusive, c'est bien que la finance traditionnelle exclut, peut-être, parce que le risque ne vaut pas le coût. C'est à partir de cette observation que la micro-finance, un concept né en 1976 dans la finance traditionnelle et nobélisé en 2006, a vu le jour.

L'histoire moderne de la microfinance est indissociable de celle de Muhammad Yunus, un économiste bangladais. Dans les années 1970, alors que le Bangladesh est frappé par la famine, Yunus est professeur d'économie à l'université de Chittagong. Frappé par le décalage entre les grandes théories économiques qu'il enseigne et la misère qu'il observe, il se rend compte que des artisanes pauvres ne peuvent acheter leurs matières premières faute de quelques dollars et sont exploitées par des prêteurs sur gages. En 1976, il décide de prêter personnellement l'équivalent de 27 dollars à un groupe de 42 femmes. Toutes le remboursent. Cette expérience le conduit à créer en 1983 la Grameen Bank, la banque du village dont le modèle repose sur la confiance et la solidarité. Les prêts sont accordés sans garantie matérielle, souvent à des groupes de femmes qui se portent caution les unes pour les autres, sous la forme d'une caution solidaire. Cette approche permet non seulement d'assurer des taux de remboursement très élevés, souvent supérieurs à 95%, mais également de renforcer le lien social et l'autonomisation des femmes, qui constituent la grande majorité des emprunteurs. Pour cette innovation, Muhammad Yunus et la Grameen Bank ont reçu le prix Nobel de la paix en 2006, consacrant la microfinance comme un outil majeur de lutte contre la pauvreté.

La micro-finance désigne ainsi l'ensemble des services financiers, micro-crédit, micro-épargne, micro-assurance, destinés aux personnes à faibles revenus, généralement dans les pays du Sud Global, qui n'ont pas accès aux banques traditionnelles. L'idée fondamentale est que même de très petites sommes peuvent permettre à des individus de démarrer ou de développer une activité génératrice de revenus, et ainsi d'améliorer leurs conditions de vie. Depuis sa création, la microfinance a connu une croissance exponentielle et a largement essaimé au-delà de la Grameen Bank, à travers des ONG mais également des banques commerciales, des coopératives, des institutions de microfinance (IMF) et des plateformes de financement participatif, à but lucratif.

L'impact de la microfinance peut être mesuré à plusieurs niveaux. En 2019, on estimait à plus de 140 millions le nombre de clients de la microfinance dans le monde, pour un portefeuille de prêts global de près de 124 milliards de dollars. Pour de nombreux « micro-entrepreneurs », l'accès à un crédit, même modeste, est le point de départ d'une activité comme l'achat de bétail, d'une machine à coudre, de marchandises pour un petit commerce, de semence pour un agriculteur. Ce micro-capital leur permet de générer des revenus, de lisser leur consommation et de faire face aux imprévus. Au-delà de l'aspect purement économique, la microfinance a également des impacts sociaux profonds. Elle contribue à l'autonomisation des personnes et notamment des femmes, qui, en gérant leur propre activité, gagnent en indépendance, en confiance et en statut au sein de leur famille et de leur communauté. Les revenus supplémentaires sont souvent investis dans l'éducation des enfants et l'amélioration de la santé et de la nutrition du foyer. La microfinance a joué un rôle pionnier dans l'inclusion financière et démontré qu'il était possible et rentable de fournir des services financiers aux plus pauvres, ouvrant la voie à d'autres innovations comme le « mobile banking » qui connaît un succès fulgurant en Afrique et en Asie.

Mais cette vision optimiste ne doit pas occulter un certain nombre de limites et d'écueils observés sur le terrain et largement documentés. L'un des principaux reproches faits à la microfinance est aujourd'hui le niveau souvent très élevé des taux d'intérêt. Si les institutions de microfinance justifient ces taux par des coûts opérationnels importants, comme la gestion de nombreux petits prêts ou le suivi des clients en zones rurales, ils peuvent atteindre des niveaux de 30 %, 50 %, voire plus de 77 % [160] par an dans certains cas. De tels taux transforment un outil d'émancipation en un piège et de nombreux emprunteurs, peinant à générer des profits suffisants pour rembourser leur prêt, se retrouvent contraints de contracter un nouveau crédit pour rembourser le précédent, entrant ainsi dans une spirale de surendettement. Ce phénomène [161] a été particulièrement visible lors de la crise de l'Andhra Pradesh en Inde en 2010, où des pratiques de prêt agressives et des taux usuraires ont conduit à une vague de suicides de fermiers surendettés, jetant un discrédit durable sur le secteur.

« À cela s’ajoutent des formes de pression sociale, parfois excessive, dans les mécanismes de caution solidaire comme des visites quotidiennes, des stigmates communautaires en cas de retard, l'exclusion de groupes de femmes, ou encore des pratiques de recouvrement coercitives. Ces dynamiques, documentées par la Banque mondiale [162] et le Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL) [163] , montrent que la microfinance peut renforcer certaines vulnérabilités au lieu de les atténuer [164] » explique Inès d'Haultfoeuille.

De plus, la microfinance peine à atteindre les plus pauvres des pauvres. Les institutions de microfinance, soucieuses de leur viabilité financière, ont tendance à prêter à celles et ceux qui ont déjà une petite activité et une certaine capacité de remboursement. Les populations les plus démunies, les plus marginalisées et les plus vulnérables, comme les sans-abris, les malades, sont exclues de ces programmes, car elles jugées trop risquées [165] . De plus, de nombreuses études d'impact [166] ont montré que si le microcrédit aide à lisser la consommation et à faire face aux chocs, il a un effet bien plus modeste sur la sortie durable de la pauvreté [167] .

La plupart des activités financées restent des activités de subsistance à très faible valeur ajoutée, qui ne permettent pas une réelle accumulation de capital ni la création d'emplois [168] . Le microcrédit aide à gérer la pauvreté, mais il ne suffit pas toujours à en sortir.

À l’échelle macroéconomique, plusieurs analyses, notamment du CGAP [169] , un partenariat mondial hébergé au sein de la Banque mondiale et de l'Overseas Development Institute (ODI) [170] , soulignent que les effets positifs de la microfinance sont largement neutralisés dès que les contextes deviennent instables : inflation, dépréciation des monnaies locales, risques climatiques, crises politiques. Ce décalage entre impacts micro-économiques ponctuels et absence d’effets structurants durables en constitue une limite majeure.

L'entrée d'acteurs commerciaux et d'investisseurs dans une perspective lucrative dans le secteur de la microfinance a entraîné ce que l'on appelle la « dérive de la mission » (mission drift). Attirées par la rentabilité potentielle du « marché de la pauvreté », certaines institutions ont appliqué à la micro-finance les mêmes principes qu'en finance spéculative, en privilégiant une rentabilité maximum et l'optimisation du profit au détriment de l'impact social. Cette dérive se traduit par une concentration des prêts sur les clients « les moins pauvres et les plus rentables », des pratiques de recouvrement parfois brutales et un abandon des services non financiers dont notamment des programmes de formation, d'alphabétisation et de sensibilisation à la santé, qui étaient pourtant au cœur du modèle initial de la Grameen Bank. Une partie de la microfinance est dorénavant une simple activité bancaire, à destination des pauvres, et non plus un outil de développement social.

Ceci dit, la micro-finance ne peut pas tout résoudre à elle seule. Elle ne pourra jamais, en tant qu'outil financier, résoudre les problèmes structurels qui enferment certains dans la pauvreté, comme le manque d'infrastructures, les routes, l'électricité, l'accès à l'eau, les carences des systèmes de santé et d'éducation, l'instabilité politique ou la corruption ou encore les inégalités profondes, que ce soit de genre, de caste ou d'ethnie. Sans un environnement favorable et des politiques publiques fortes dans ces domaines, l'impact de la micro-finance restera intrinsèquement limité. Un micro-entrepreneur peut avoir accès à un crédit, mais si aucune route ne lui permet d'acheminer ses produits au marché, son activité ne pourra jamais prospérer. La micro-finance est un outil puissant qui a changé la vie de millions de personnes en leur donnant accès à des services financiers et en favorisant leur autonomie. L'héritage de Muhammad Yunus est immense. Mais près de cinquante ans après ses premières expérimentations, la microfinance se heurte à ses propres frontières : saturation des marchés, montée des risques climatiques affectant la capacité de remboursement, dépendance accrue à des capitaux coûteux, et incapacité à atteindre les ménages les plus précaires.

La question qui se pose en 2025 est la suivante. Les outils de la Finance Décentralisée (DeFi) pourraient-ils simplement optimiser la rentabilité d'une finance traditionnelle qui a désormais intégré la microfinance comme un centre de profit, ou permettrait-elle de renouer avec la genèse des valeurs portées par la Grameen Bank.? Plus largement, peuvent-ils corriger certaines défaillances systémiques du secteur : manque de transparence, gestion opaque du risque, coûts de transaction élevés, dépendance aux institutions locales, ou risquent-ils, au contraire, de reproduire les mêmes biais sous une autre forme ?

En dépassant le mythe de la solution miracle, quel est l'impact des crypto-actifs sur la micro-finance, et en quoi apportent-ils une réponse à des problématiques précises, - notamment de surendettement et de dérive commerciale. Assiste-t-on à l'émergence d'une Micro Finance Décentralisée et si oui, quelle est-elle ?

3.2.2 L'émergence d'une Micro DeFi ?

La Micro-DeFi utilise les outils de la Finance Décentralisée (DeFi) pour tenter de surmonter certains obstacles de la microfinance traditionnelle. Elle propose non seulement une nouvelle infrastructure financière, mais aussi un modèle expérimental, encore immature, dont les promesses doivent être analysées avec prudence au regard des risques techniques, de gouvernance et réglementaires.

Ces avantages peuvent être de réduire les coûts de transaction, avoir accès à une meilleure liquidité, mondiale, consigner, pour le micro emprunteur, un historique de crédit on-chain, assurer une transparence totale des fonds liées aux portefeuilles numériques et adresses publiques de crypto-actifs, c'est à dire tant qu'ils restent sous la forme de tokens. Les smart contracts automatisent la gestion des prêts, notamment le déboursement, le calcul des intérêts et le suivi des remboursements, ce qui rend économiquement viable des prêts de très petits montants, qui seraient trop coûteux à gérer pour une banque classique. Des pools de liquidité, alimentés par des investisseurs du monde entier peuvent financer des micro-entrepreneurs locaux, sans frontières. Un agriculteur se constitue, transaction après transaction, une réputation financière vérifiable sur une blockchain publique. Cet historique de crédit on-chain lui servira à prouver sa fiabilité pour obtenir un autre micro-prêt, même sans compte bancaire traditionnel. Les prêteurs, qu'ils soient des individus ou des organisations, peuvent voir exactement où va leur argent et suivre les taux de remboursement en temps réel, renforçant ainsi la confiance. Toutefois, la qualité de ces informations dépend de la manière dont des données externes interagissent avec les données consignées dans un registre distribué. Sans mécanismes de vérification fiables, cette transparence on-chain ne garantit pas nécessairement la réalité, ce qui peut créer de nouveaux risques d’asymétrie d’information.

Pour des centaines de millions de personnes vivant de l'économie informelle dans le monde, l'accès au microcrédit est impossible car les taux d'intérêt sont souvent prohibitifs. La Micro-DeFi ne supprime pas ce risque mais peut contribuer à le réduire en abaissant le coût du capital, à condition que des réserves de liquidité restent suffisamment fournies et que la volatilité des actifs mobilisés soit maîtrisée, deux conditions loin d’être garanties dans les environnements actuels de la Finance décentralisée (DeFi).

Mercy Corps Ventures a piloté un projet visant à rendre les prêts plus accessibles, en collaboration avec Quipu, un acteur colombien qui relie les liquidités de la DeFi aux institutions de microfinance traditionnelles, et Anzi Finance, une plateforme blockchain gérant les fonds de garantie et le risque de crédit [171] . Le capital, fourni sous forme de stablecoins USDC par des prêteurs de la DeFi, a été acheminé via le protocole Nudo jusqu'à une institution de microfinance locale, Bancuadra [172] dépendante de l'administration colombienne. Celle-ci était alors chargée de distribuer les prêts en monnaie locale aux entrepreneurs. La véritable innovation réside dans la gestion du risque. Pour encourager les prêteurs traditionnels à participer, Mercy Corps Ventures a fourni un capital dit « de première perte ». Concrètement, cette tranche de capital, placée dans un smart contract, agit comme un bouclier qui absorbe les premiers défauts de paiement. Ce filet de sécurité a permis de réduire considérablement le risque pour les autres investisseurs, rendant le prêt aux micro-entrepreneurs beaucoup plus attractif. Grâce à cette structure, le projet a pu abaisser le coût du capital pour l'institution de microfinance partenaire, qui a pu à son tour offrir des prêts à des taux d'intérêt bien plus bas que ceux du marché. Ainsi, plus de 80 % des entrepreneurs ayant bénéficié d'un prêt ont déclaré qu'il leur aurait été impossible d'obtenir un financement similaire auprès d'autres sources. Cette injection de capital a eu un impact direct, 75 % d'entre eux rapportant une augmentation de leurs revenus. Ce modèle illustre en réalité l'impact de la Finance Décentralisée sur les organismes de micro-crédit, et le rôle de l'aide financière indirecte apportée par Mercy Corps Ventures. En créant un système où le capital est à la fois productif pour l'emprunteur et sécurisé pour le prêteur, cette approche ouvre de nouvelles perspectives d'expérimentations dont l'objet serait une inclusion financière plus large que celle actuelle. Ce type d’architecture financière repose toutefois sur des protocoles de la Finance Décentralisée (DeFi) dont la sécurité est tout à la fois critique et d'un enjeu majeur : un bug dans un smart contract, une perte d'ancrage d’un stablecoin avec une monnaie fiat, ou encore une attaque sur le protocole informatique pourraient mettre en péril la liquidité du système, rappelant que ces innovations restent dépendantes d’infrastructures techniques encore jeunes et parfois immatures.

Tech deep dive

Anzi Finance est construit sur une sidechain EVM de la blockchain XRP Ledger. Quipu est un protocole de crédit pour les actifs du monde réel (Real-World Assets - RWA). plateforme décentralisée qui connecte, via un protocole appelé Nudo, les pools de liquidité de la DeFi à des institutions de microfinance du monde réel et sert de pont pour que le capital libellé en stablecoins puisse être utilisé pour octroyer des prêts en monnaie locale à des micro-entrepreneurs.

Il existe plusieurs entreprises et expérimentations que l'on pourrait qualifier de micro-DeFi, comme Ethichub [173] , une entreprise espagnole qui a distribué plus de 600 prêts totalisant 5 millions de dollars à plus de 10 000 petits agriculteurs dans six pays, surtout au Mexique ou encore Hiveonline [174] , une plateforme opérant dans plusieurs pays d'Afrique, comme le Mozambique et la Zambie, et utilise la blockchain publique Stellar pour créer des identités financières vérifiables et des historiques de crédit pour des milliers de petits agriculteurs, principalement des femmes, de groupes d'épargne et de crédit communautaires.

Ces projets restent néanmoins à une échelle encore limitée et soulèvent une question centrale : la Micro-DeFi peut-elle se déployer massivement sans reproduire les dérives commerciales ou spéculatives qui ont fragilisé la microfinance traditionnelle, notamment lorsque des investisseurs recherchent des rendements élevés plutôt que l’impact social ?

Ainsi, la Micro-DeFi ne se positionne pas comme une alternative simpliste au microcrédit classique ni au mobile money, mais comme une infrastructure complémentaire pouvant réduire certains biais systémiques : coût du capital, manque de données fiables, dépendance aux banques locales, opacité du risque, ou encore dérive commerciale. Elle ouvre des opportunités réelles mais introduit également de nouveaux risques, à la fois technologiques, financiers et sociaux, qui doivent être évalués avec rigueur pour éviter de substituer un système fragile à un autre.

Partie 2 : Comment les crypto-actifs sont-ils déployés à des fins philanthropiques ?

Après avoir exploré les raisons pour lesquelles les Technologies de registre distribué (DLTs) redéfinissent la philanthropie, ce chapitre s'attache à examiner les mécanismes concrets par lesquels les crypto-actifs sont employés au service de la philanthropie et de la charité. Nous aborderons les transformations pratiques qu'induisent ces nouveaux outils sur les modalités du don en distinguant deux approches fondamentales. La première, que nous qualifierons de philanthropie directe, concerne les transferts de valeur transactionnels, qu'ils s'effectuent de pair-à-pair ou par le biais de plateformes intermédiées. La seconde, qualifiée de philanthropie indirecte, repose sur des modèles plus innovants, où ce n'est plus le capital qui est donné, mais le rendement qu'il génère. L'analyse de ces différentes modalités permettra de mettre en lumière la manière dont les Technologies de registre distribué (DLTs) reconfigurent les canaux traditionnels du don et ouvrent la voie à de nouvelles formes de solidarité.

Chapitre 4 : Les mécanismes de dons en crypto-actifs

En distinguant les transferts directs et les mécanismes de financement indirects, comment les crypto-actifs sont-ils déployés à des fins philanthropiques ? La première section (4.1) est consacrée à la philanthropie directe ou transactionnelle. Nous y décrirons le fonctionnement du don de crypto-actifs, soulignant pourquoi la majorité des Organisations à but non lucratif privilégient les dons intermédiés via des plateformes spécialisées. La seconde section (4.2) analysera la philanthropie indirecte, qui utilise des mécanismes financiers propres au Web3 pour générer des fonds sans nécessiter la cession du capital par le donateur ou selon d'autres modalités innovantes.

4.1 Philanthropie directe : Dons transactionnels et micro-dons

Le don direct de crypto-actifs est la méthode la plus courante dans le domaine de la crypto philanthropie et représente la majorité des montants collectés. Mais puisque le propre d'un crypto-actif est d'être détenu en propre, par l'intermédiaire d'un portefeuille de crypto-actifs, un Organisme à but non lucratif devra choisir accepter les dons en direct et gérer lui-même ce portefeuille, ou passer par celui d'un intermédiaire. Cette section clarifie ces deux principaux modèles transactionnels, la voie custodial, c'est-à-dire un canal de dons intermédiés, pris en charge par un tiers (4.1.1). Et la voie non custodial, c'est-à-dire sans intermédiaire, de pair-à-pair (4.1.2), et qui réaliserait l'idéal de l'aide directe et de la souveraineté financière entre donateur et bénéficiaire.

4.1.1 Dons intermédiés, la voie custodial

En 2013, la première campagne de dons en crypto-actif menée par Save the Children a fonctionné vers une adresse de portefeuille gérée par un processeur de paiement crypto, qui s'occupait de convertir immédiatement les dons en crypto en dollars américains et de les transférer ensuite sur les comptes bancaires de Save the Children, tout en prélevant au passage une commission. Aujourd'hui en 2026, Save the Children a formalisé ce processus et travaille avec des plateformes comme The Giving Block et la plateforme d'échange centralisée (CEX) Gemini, pour gérer la donation d'une centaine de crypto différentes, mais le principe de passer par un tiers pour simplifier le processus, éviter la volatilité et se conformer à la réglementation sur les flux financiers reste le même qu'en 2013.

Aujourd'hui, la grande majorité des grandes Organisations à but non lucratif, qu'elles soient basées en France, comme UNICEF France, CCFD-Terre Solidaire ou encore Association Sœur Emmanuelle, ou américaines, comme American Cancer Society, CARE, WWF, Save The Children, Earthjustice, UNICEF ou encore The Water Project privilégient l'externalisation de la gestion des dons à des processeurs de paiement spécialisés comme, aux Etats-Unis, The Giving Block, JustGiving ou encore Endaoment (voir infra), ou en France Lyzi / Vadato ou encore Cryptodephi.

Cette approche de conversion automatique par un tiers qualifié, offre une simplicité technique, un simple bouton sur un site web, une application mobile ou un lien dans un message ou un mail suffit sans avoir à se soucier de la complexité technique liée à la sécurisation des clés privées ou à la gestion des portefeuilles. En général, le prestataire convertit instantanément chaque don en monnaie fiduciaire, garantissant ainsi un montant stable et prévisible dans le cadre d'une planification budgétaire. Un autre avantage pour l'organisation réside dans la simplification de la conformité comptable, fiscale et réglementaire, prise en charge par le prestataire, garantissant que toutes les opérations respectent les normes en vigueur, y compris de traçabilité des fonds, ce qui allège considérablement la charge administrative de l'entreprise. Dans certains cas de figure, comme pour la solution portée par Lyzi / Vadato, un rescrit fiscal du régulateur valide le schéma de flux et accorde un « instant de raison » au don crypto [175] , permettant de considérer que le bénéficiaire n’a pas reçu de crypto-actifs (voir supra). Ce processus résout la question de la conservation des crypto-actifs, des calculs des plus ou moins value liées à leur conversion et de la comptabilité crypto pour les Organisations à but non lucratif.

Initialement conçues comme de simples processeurs de paiement pour les dons en crypto-actifs, ces plateformes ont progressivement évolué et offrent dorénavant une gamme de services intégrés incluant la conversion automatique en monnaie fiduciaire, la gestion de la conformité réglementaire (KYC/AML), l'émission de reçus fiscaux, et même des outils marketing pour atteindre la communauté des donateurs crypto. L'acquisition en mars 2022 de The Giving Block, leader du secteur, par Shift4 [176] , un géant des solutions de paiement traitant plus de 200 milliards de dollars par an, marque un tournant dans la professionnalisation et la consolidation du marché de la gestion intermédiée des dons en crypto, et s'intègre dorénavant à l'infrastructure financière traditionnelle, centralisée.

4.1.2 Donation sans intermédiaire, de pair-à-pair, la voie non custodial

Cette approche permet à une Organisation de détenir ses propres clés privées et d'utiliser ses propres portefeuilles, souvent via des solutions comme les hardware wallets comme Ledger ou Trezor, ou encore des logiciels auto-hébergés comme BTCPay Server.

Cette approche permet à une ONG de détenir ses propres clés privées et d'utiliser ses propres portefeuilles, souvent via des solutions comme les hardware wallets ou des logiciels open source et auto-hébergés comme BTCPay Server. Cela offre plusieurs avantages majeurs : un alignement idéologique et une résistance à la censure, particulièrement cruciaux pour les organisations de défense des droits humains ou de la liberté d'expression, car l'absence d'intermédiaire financier garantit l'impossibilité de geler ou saisir les dons. L’organisation peut théoriquement recevoir des dons provenant du monde entier.

De plus, cette méthode peut diminuer les frais de transaction, si ceux requis pour un transfert sur la blockchain sélectionnée sont inférieurs à ceux d’un prestataire de paiement, maximisant l'impact de chaque don. Une gestion directe favorise également une transparence accrue ; l'ONG peut choisir de publier ses adresses de portefeuille, permettant aux donateurs de suivre publiquement les flux financiers sur la blockchain utilisée. Enfin, cette méthode assure une autonomie opérationnelle, offrant une agilité et une rapidité d'action inégalées pour transférer des fonds directement sur le terrain dans des contextes de crise où les systèmes bancaires traditionnels sont défaillants.

Quelques acteurs, comme la Human Rights Foundation (HRF) ou encore l'UNICEF, ont choisi de gérer ces crypto-actifs sans intermédiaire. Figure de proue de ce mouvement, la Human Rights Foundation ne se contente pas d'accepter le Bitcoin puisqu'elle en est une fervente promotrice comme outil de liberté financière pour les dissidents et les activistes. L'organisation utilise sa propre instance BTCPay Server [177] , un processeur de paiement open source et auto-hébergé. Cette approche lui permet de recevoir des dons directement dans ses portefeuille de crypto-actifs, sans intermédiaire, sans frais et en protégeant la vie privée des donateurs. Pour la Human Rights Foundation, recourir à un service tiers centralisé irait à l'encontre de sa mission et les l'auto déterminisme et la souveraineté financière sont des principes qu'elle défend et applique, allant jusqu'à gérer un fonds de développement, le Bitcoin Development Fund [178] , qui finance des projets open source.

Cette approche directe s'inscrit dans l'héritage d'autres organisations motivées par l'esprit des cypherpunks [179] et le droit fondamental à la vie privée. WikiLeaks fut l'un des premiers et des plus célèbres exemples, ayant adopté Bitcoin par nécessité dès 2011 suite à un blocus financier orchestré par les institutions bancaires traditionnelles et les opérateurs de cartes de crédit. Dès 2011, cette adoption précoce a mis en lumière le potentiel de Bitcoin comme outil de contournement des restrictions financières et a renforcé sa légitimité en tant qu'alternative aux systèmes de paiement conventionnels.

L'expérience de WikiLeaks a démontré la résilience et la capacité des crypto-actifs à soutenir des causes controversées, jetant ainsi les bases de son utilisation future dans des contextes de philanthropie et d'aide internationale, même si, par la suite, Bitcoin a longtemps pâti d'une image sulfureuse.

La Human Rights Foundation et les dons en bitcoin

Afin de garantir une souveraineté totale sur ses flux financiers et une confidentialité maximale pour ses donateurs, la Human Rights Foundation utilise BTCPay Server, un processeur de paiement en crypto-actifs open-source et auto-hébergé. Cette solution, reconnue pour sa sécurité, son absence de frais et sa résistance à toute forme de censure, permet de recevoir des dons en Bitcoin directement, y compris via le réseau Lightning pour des transactions instantanées et à coût réduit. Le Lightning Network est un protocole de paiement pair-à-pair, une application de deuxième couche construite sur la blockchain Bitcoin. Décrit en 2015 par Joseph Poon et Thaddeus Dryja, il permet des échanges directs de bitcoins hors chaîne, sans confirmation de transactions. Ces transactions sont rapides, quasi-gratuites, et gèrent de très petites sommes. Les utilisateurs peuvent effectuer de nombreuses transactions et, en fermant le canal, le solde final est enregistré sur la blockchain Bitcoin.

L'organisation propose également de donner via PayJoin [180] , un protocole qui fusionne les transactions du donateur et du destinataire, rendant ainsi le montant exact du paiement et l'origine des fonds beaucoup plus difficiles à tracer sur la blockchain, offrant un niveau de discrétion supérieur.

4.2 Philanthropie indirecte : Don de rendement ou don de capital

La crypto philanthropie indirecte s'appuie sur des mécanismes financiers Web3 sophistiqués qui transforment l'acte même de donner et dont la philosophie s'articule entre le don de rendement (4.2.1) et le don de capital différé (4.2.2). Dans le premier cas, les donateurs génèrent des revenus pour la philanthropie tout en conservant leurs crypto-actifs avec à la fois le staking liquide à impact, en anglais Impact Liquid Staking, le Financement Automatique des Biens Publics, Automatic Public Goods Funding (AutoPGF) et le Fonds de partage en crypto-actifs. Dans le second cas, un véhicule financier reçoit le capital en crypto-actif pour le gérer, le faire fructifier, et le distribuer plus tard. Il s'agit du Fonds conseillé par le donateur Donor-Advised Funds (DAF).

4.2.1 Le don de rendement, un soutien financier sans entamer le capital

Le Staking Liquide à Impact (Impact Liquid Staking), le Financement Automatique des Biens Publics (AutoPGF) et le Fonds de Partage à sous-jacent crypto-actifs sont trois mécanismes qui permettent à des détenteurs de crypto-actifs de diriger des revenus ou des intérêts vers des acteurs de la solidarité.

Au cœur de l’économie numérique décentralisée émerge un mécanisme financier d’un genre nouveau, le « Staking Liquide à Impact ». Cette innovation, propre au Web3, inaugure un nouveau type de donation philanthropique, en permettant de générer un soutien financier continu pour des causes d’intérêt général, sans entamer le capital du donateur. Pour saisir la portée de ce modèle, il convient d’en décomposer les trois composantes : le staking, sa version liquide, et enfin son application à l’impact social.

Le staking est la pierre angulaire de la sécurité de certaines blockchains publiques dont notamment Ethereum. Dans ces registres numériques décentralisés, dépourvus d’autorité centrale pour valider les transactions, la confiance doit être établie collectivement. C'est le rôle du mécanisme de consensus. Le plus répandu, la « preuve d’enjeu » ou Proof-of-Stake, invite les utilisateurs à devenir des gardiens du réseau. Pour ce faire, un participant doit « staker », c’est-à-dire immobiliser ou plus précisément « mettre en jeu » bloquée dans un smart contract. Ce capital immobilisé agit comme une caution puisqu'en échange de son travail honnête de validation des transactions, l’utilisateur est rémunéré par des récompenses, payées dans le crypto-actif natif du réseau. Mais s’il agissait de manière malveillante, il perdrait ses fonds mis en jeu. Ce système garantit l’intégrité du réseau, mais présente la contrainte de geler le capital de l'utilisateur, qui ne peut plus être utilisé ailleurs. C’est pour répondre à cette immobilisation qu’a été conçu le « staking liquide ». Des protocoles spécialisés, tels que Lido [181] ou encore Rocket Pool [182] , agissent comme des coopératives de staking. Ils permettent aux utilisateurs de déposer n’importe quel montant de crypto-actif, mutualisant les fonds pour atteindre les seuils requis. En contrepartie, l’utilisateur reçoit un token de staking liquide, en anglais Liquid Staking Token ou LST, tel que le stETH. Ce nouveau token est une sorte de reçu numérique qui représente la créance sur l'actif initialement mis en staking. Il continue d’accumuler les récompenses de staking, mais surtout, il reste « liquide » c'est à dire qu'il peut être vendu, échangé ou utilisé comme garantie dans d'autres applications de la finance décentralisée (DeFi), libérant ainsi la valeur du capital bloqué.

Le « Staking liquide à Impact », enfin, constitue la dernière étape de cette architecture. Le principe est d’une élégante simplicité. Il s’agit de rediriger automatiquement les récompenses générées par le staking liquide vers le portefeuille de crypto-actifs d’une organisation à but non lucratif. Le capital du donateur reste intact et disponible, tandis que le flux continu des intérêts devient un don pérenne. L'application la plus emblématique du Staking Liquide à impact est l'initiative « Stake2Care [183] » lancée par la branche suisse de Médecins Sans Frontières (MSF) pour diversifier ses sources de financement et toucher une nouvelle génération de donateurs. Grâce à une interface dédiée [184] , les soutiens, donateurs indirects, peuvent mettre en staking leurs ETH et orienter les rendements vers les actions humanitaires de MSF, assurant à l'ONG une source de revenus régulière et prévisible tout en renforçant son indépendance financière. Comme l'explique Mario Stephan, Responsable Diversification et Impact au sein de l'unité philanthropie de Médecins Sans Frontières Suisse, « Stake2Care marque un départ de la philanthropie traditionnelle ou en lieu de donations, Médecins Sans Frontières propose une co-création de richesse à ses nouveaux supporters : un changement de paradigme pour l'organisation, consciente de nouvelles réalités générationnelles ».

Ce modèle a rapidement été adopté par d’autres organisations majeures, dont Giga [185] , une initiative de l’UNICEF, GiveDirectly [186] , Mercy Corps Ventures [187] ou encore le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés [188] (UNHCR). Elles bénéficient des intérêts générés par les 10 à 80 ETH mis en jeu à ce jour sur leurs portefeuille de crypto-actifs respectifs [189] . En transformant la sécurisation d’un réseau informatique en un moteur de financement pour le bien commun, le Staking Liquide à Impact inaugure une forme de « philanthropie régénérative ». Il permet à tout détenteur d'actifs numériques de devenir un acteur de cette philanthropie régénérative, transformant un acte technique – la sécurisation d'un réseau – en une source de financement durable pour des causes d'intérêt général.

Autre mécanisme innovant de don indirect, l'AutoPGF. Le financement automatique des biens publics, en anglais Automatic Public Goods Funding (AutoPGF) est une autre forme de don indirecte dont Glo Dollar [190] est à l'origine.

Le Glo Dollar est un stablecoin, c'est-à-dire un crypto-actif dont la valeur est conçue pour être stable et suivre le cours du dollar américain. Comme d'autres stablecoins populaires, tels que l'USDT de Tether ou l'USDC de Circle, chaque USDGLO (Glo Dollar) en circulation est garanti par une réserve équivalente en dollars américains et/ou en bons du Trésor américain. Cela signifie que pour chaque Glo Dollar émis, il y a au moins un dollar de réserve, et les détenteurs peuvent toujours l'échanger à parité. La particularité du Glo Dollar, qui revendique « donner plus de 3 000 dollars par mois à des organisations qui favorisent un changement réel [191] » est sa « mission philanthropique intégrée ». Alors que les entreprises qui émettent des stablecoins traditionnels génèrent des milliards de dollars de revenus, issus des intérêts perçus sur leurs réserves, le Glo Dollar reverse l'intégralité des profits générés par ses bons du Trésor américain à des œuvres de bienfaisance et au financement d'organisations caritatives qui appartiennent pour beaucoup à l'écosystème du Web3.

En d'autres termes, simplement en détenant ou en utilisant des Glo Dollars, les utilisateurs contribuent passivement à financer des causes d'intérêt général, sans avoir à faire de don direct. C'est ce que le projet appelle le « Financement automatique des biens publics » (AutoPGF). Concrètement, un utilisateur convertit des dollars en Glo Dollars (USDGLO), augmentant les réserves investies par Brale, l'entreprise émettrice du Glo Dollar, dans des bons du Trésor américain. Les intérêts générés, après déduction des frais [192] , sont reversés à la Glo Foundation. Les détenteurs de Glo Dollars votent (1 USDGLO = 1 vote) pour attribuer ces fonds à des organisations comme Celo Public Goods [193] qui redistribue à son tour à GoodDollar [194] (Revenu de base universel) Ubeswap [195] (Exchange décentralisé) GainForest [196] (Conservation des forêts via l'IA) Regen Coordination [197] & ReFi Medellin [198] ) ou encore GiveDirectly [199] , une ONG spécialisée dans les transferts d'argent sans intermédiaires aux personnes vivant dans la pauvreté.

Enfin, l'émergence des Fonds de Partage à sous-jacent crypto-actif inaugure un nouveau type de financement philanthropique qui s'inspire d'un modèle qui existe, en France, depuis quatre décennies. En 1983, le Crédit Coopératif lançait le Fonds de partage « Faim et Développement » qui reposait sur une cession volontaire d'une part des bénéfices générés au profit d'une ONG partenaire, comme le CCFD-Terre Solidaire, sans que l'investisseur n'ait à entamer son capital initial. Devenu l'un des piliers de la finance solidaire et encadré dès 1997 par le label Finansol [200] , ce dispositif historique trouve aujourd'hui, à travers les fonds de partage à sous-jacent crypto-actif, une nouvelle déclinaison adaptée aux actifs numériques.

Dans cette configuration, l'investisseur, mu par une stratégie d'impact, alloue des capitaux à un Fonds de partage — tel que le Fonds Empreinte, structuré par Tilvest [201] et co-géré par BoGe Partners [202] et Vadato [203] . Comme pour son équivalent dans la finance traditionnelle, ce mécanisme repose sur une clause de cession de revenus qui indique que, dès la souscription, l'investisseur consent contractuellement à redistribuer une fraction de la performance générée au profit d'une cause d'intérêt général. À titre d'illustration, le fonds Empreinte applique une clé de répartition où 30 % des gains sont rétrocédés au fonds de dotation éponyme, œuvrant notamment pour la biodiversité et l'éveil citoyen, tandis que les 70 % restants assurent la rémunération de l'investisseur et seront intégrés à l'assiette imposable de ses revenus.

La viabilité économique et l'impact de ce modèle reposent intrinsèquement sur la performance de la gestion des crypto-actifs sous-jacents, qui permettra, en cas de gain, de générer des flux philanthropiques, parfois récurrents, assimilables à la structure de rendement d'un fonds perpétuel (evergreen fund), tout en préservant l'attractivité financière pour les souscripteurs.

4.2.2 Le don de capital pour un impact différé et amplifié

Le Donor-Advised Fund (DAF) Crypto on-chain, quant à lui, est un véhicule financier qui permet à des détenteurs de crypto-actifs de donner du capital afin de bénéficier d'avantages fiscaux immédiats et de planifier la distribution de l'impact à long terme.

Aux Etats-Unis, un Fond orienté par le donateur Donor-Advised Funds (DAF) est un compte d'épargne philanthropique personnel hébergé par une grande organisation caritative. Un donateur y verse des fonds de manière irrévocable pour obtenir un avantage fiscal immédiat, puis ces fonds sont investis pour croître. Par la suite, le donateur recommande des dons à partir de ce compte vers les associations qualifiées de son choix, au moment qui lui convient. Le concept le plus proche en France jusqu’en 2025 était celui de la Fondation abritée, également appelé Fonds sous égide, au sein d'une Fondation abritante. Par exemple, un particulier, une famille ou une entreprise fait un don important, souvent à partir de quelques dizaines de milliers d'euros, à une grande fondation abritante, comme la Fondation de France. Ce don est irrévocable et donne droit à une réduction fiscale immédiate. Ce don permet la création d'une fondation abritée qui porte le nom choisi par le donateur. La fondation abritante prend en charge l'intégralité de la gestion administrative, comptable, juridique et financière, et fait fructifier le capital. Le donateur (ou sa famille) est membre du comité exécutif de sa fondation abritée. Ce comité est l'instance décisionnelle pour le choix des projets à soutenir et des associations à financer, en accord avec l'objet philanthropique défini lors de sa constitution. Le rôle du donateur est donc celui d'un véritable décideur, bien au-delà d'un simple avis.

La proposition de valeur d'Endaoment, créé aux Etats-Unis en 2019 par Robbie Heeger est de proposer ce même service pour les détenteurs de crypto-actifs, afin de dissocier le moment de la fiscalité du don et celui où il sera versé à une association. Endaoment, une organisation américaine à but non lucratif de type 501(c)(3), agit comme une sorte de fondation personnelle simplifiée qui le rattache au domaine de la philanthropie indirecte. Le mécanisme est le suivant : un donateur crée son fonds personnel sur la plateforme en y déposant des crypto-actifs, comme du bitcoin ou de l'Ether. Cette transaction, enregistrée sur une blockchain publique, est considérée comme un don irrévocable à Endaoment, ce qui permet au donateur de bénéficier immédiatement d'avantages fiscaux sur la pleine valeur de l'actif, sans avoir à subir l'impôt sur les plus-values. La plateforme se charge ensuite de la conversion de ces actifs en dollars. Le donateur peut alors, depuis son solde en dollars, recommander des subventions à l'une des 1,8 million d'organisations caritatives enregistrées aux États-Unis. Les dons en crypto-actifs sont immédiatement convertis en stablecoins USDC pour préserver leur valeur au moment de l'émission du reçu fiscal, et le capital de don est alors sécurisé dans un « compte d'épargne caritatif », séparé des finances personnelles du donateur, mais pas encore attribué à une cause finale.

Les chiffres témoignent de l'adéquation de ce modèle avec les besoins du marché. En octobre 2025, Endaoment a facilité plus de 250 millions de dollars de dons depuis son lancement. Cette somme a été canalisée via plus de 3 000 fonds personnalisés, créés par des particuliers ou des entreprises de l'écosystème Web3. Au total, plus de 4 000 organisations caritatives distinctes ont reçu des financements, allant de grandes ONG internationales à de petites associations locales, qui n'auraient jamais eu les moyens techniques d'accepter directement des dons en crypto-actifs.

En plus de ces Fonds orientés par le donateur, Endaoment a lancé en juin 2023, en partenariat, avec Gitcoin une autre innovation notable, l'Universal Impact Pool (UIP) [204] . Il s'agit d'un « pot commun », ou fonds de contrepartie, destiné à soutenir l'ensemble des Organismes à but non lucratif de la plateforme. Son originalité ne réside pas dans la collecte de ce fonds, mais dans sa méthode de distribution, qui repose sur le financement quadratique [205] qui utilise les dons directs de la communauté, quelle que soit leur taille, comme un signal pour déterminer comment allouer le pot commun. Concrètement, la formule mathématique employée donne plus de poids au nombre de donateurs uniques qu'au montant total qu'ils ont versé. Ainsi, un projet bénéficiant d'un large soutien populaire, par exemple, 100 donateurs donnant 1€ chacun, recevra une part bien plus importante du fonds de contrepartie qu'un projet ayant collecté la même somme, 100 €, auprès d'un seul donateur. Cette approche vise à démocratiser l'allocation des ressources en faisant primer l'ampleur du consensus communautaire sur le poids financier de quelques individus.

Au-delà de son rôle d'intermédiaire financier, Endaoment fonctionne elle-même comme une DAO. La gouvernance de la plateforme n'est pas assurée par un conseil d'administration traditionnel, mais par une communauté de détenteurs de tokens qui votent sur les orientations stratégiques, la structure des frais, minimes et de l'ordre de 0,5 %, et les nouvelles fonctionnalités. Cette gouvernance décentralisée a pour objectif de garantir que l'organisation reste alignée avec les intérêts de sa communauté d'utilisateurs. Aux Etats-Unis, la plateforme est devenue un outil de transmission de patrimoine essentiel entre l'économie numérique et le secteur non lucratif, démontrant l'intégration des crypto-actifs dans le domaine de la philanthropie.

Si Endaoment a été le précurseur aux Etats-Unis des Donor-Advised Fund en crypto et tout particulièrement construit sur une blockchain publique, on-chain, d'autres organisations lui ont emboîté le pas, comme The Giving Block, qui est toutefois un fournisseur de services technologiques pour les associations, leur permettant notamment d'accepter des dons en crypto-actifs, et parfois en y intégrant des fonctionnalités de Donor-Advised Fund. Every.org [206] , une association américaine 501(c)(3) est également une sorte d'intermédiaire dont la plateforme se charge de convertir en dollars les dons et de les envoyer à l'association choisie par le donateur. Des Donor-Advised Fund traditionnels, comme Fidelity Charitable [207] ou Schwab Charitable [208] commencent à intégrer des solutions pour accepter les crypto-actifs, souvent en partenariat avec des entreprises spécialisées. Il s'avère toutefois que Endaoment se distingue par son approche crypto-first et décentralisée, où tout le cycle de vie du don peut rester sur une blockchain publique.

La crypto philanthropie indirecte s'appuie ainsi sur des mécanismes financiers inhérents au Web3 et transforment en profondeur l'acte même de donner et celui de recevoir.

Tableau comparatif de Impact Liquid Staking / AutoPGF / Donor-Advised Funds crypto / Fonds de Partage

Impact Liquid Staking
(ex: MSF)

AutoPGF
(Glo Dollar)

Fonds de Partage
(ex: Empreinte)

Donor-Advised Fund
(ex: Endaoment)

Actif Délégué

Crypto-actifs PoS
(ex: ETH)

Réserves en monnaie fiat (USD)

Part du rendement de gestion sur crypto actifs

Argent, actions, Cryptomonnaie etc. (crypto et actifs traditionnels)

Finalité

Philanthropique

Philanthropique

Investissement + Philanthropique

Philanthropique

Mécanisme de Rendement

Récompenses de Staking (sécurisation d'une blockchain)

Intérêts
sur des bons du Trésor

Rendements d’investissements partagés

Rendements d'investissements
(DeFi)

Bénéficiaire du Rendement

Une organisation caritative (MSF) ou une cause choisie

Des biens publics et œuvres caritatives (votés par la communauté)

Fonds de dotation ou autres Organismes à but non lucratif

Des œuvres caritatives (choisies par le donateur)

Conservation du Capital

L'utilisateur conserve
son capital initial (le rendement est donné)

L'utilisateur conserve son capital (valeur stable du stablecoin)

L'utilisateur conserve son capital et donne une fraction du rendement

Le capital est donné de manière irrévocable

Exemple Concret

Staker des ETH via "Stake2Care" ; les récompenses sont envoyées à MSF.

Détenir des
USDGLO.
Les profits des réserves financent des causes.

En cours.

Verser 1 BTC à un DAF crypto, le convertir, le faire fructifier, puis le distribuer à des ONG.

Chapitre 5 : Vers une aide programmable, vérifiable et mesurable ?

Ce chapitre explore comment la nature programmable et vérifiable des crypto-actifs dont le registre des transactions est ancré dans une blockchain publique transforme non seulement le financement, mais aussi la structure et la distribution de l'aide humanitaire et de l'aide au développement. La première section (5.1) s'intéresse aux aides programmables et vérifiables qui utilise des smart contracts et des données externes, des Oracles pour déclencher automatiquement des paiements. Nous analyserons également l'importance des attestations vérifiables Verifiable Credentials et des identifiants décentralisés, Decentralized IDentifiers comme outils pour l'identification sécurisée et le déploiement rapide de l'aide aux populations. La seconde section (5.2) se concentre sur la mesure de l'impact et décrit les modèles de financement rétrospectif (ex-post), et la tokenisation de l'impact, Impact Tokens, qui vise à créer une nouvelle classe d'actifs numériques échangeables représentant des impacts ou « résultats » sociaux vérifiés.

5.1 Des aides programmables et vérifiables

L'une des caractéristiques les plus transformatrices des Technologies de registre distribué (DLTs) est leur capacité à rendre l'aide programmable via des smart contracts, en permettant une distribution automatisée et conditionnelle. Nous illustrons ce concept avec les aides anticipées et conditionnelles (5.1.1), qui déclenchent des fonds automatiquement en fonction de seuils externes vérifiés, comme des chocs climatiques, réduisant drastiquement le délai de paiement. Nous analysons ensuite le rôle des attestations vérifiables et des identifiants décentralisés (5.1.2) comme outils d'identification sécurisée.

5.1.1 Aides anticipées et conditionnelles

Le secteur humanitaire s'intéresse de près à de nouveaux modèles d'intervention, connus sous le nom d'Action Anticipatoire (Anticipatory Action, AA), notamment face à l'intensification des crises climatiques et la diminution des financements. La proposition de valeur du modèle d'Action Anticipatoire est de fournir une assistance et une aide avant qu'une catastrophe ne se produise, afin de renforcer la résilience des communautés et de réduire les coûts globaux de l'intervention et des pilotes ont dores et déjà eu lieu au Népal ou encore au Kenya. Pour Sandra Uwantege Hart, Humanitarian Lab Lead chez Mercy Corps Ventures, « l'innovation est quelque chose pour lequel le secteur humanitaire a été notoirement mauvais, il est très lent à s'adapter, comme toute grande bureaucratie [209] », or le fonctionnement même de l'Action Anticipatoire repose sur trois composantes interdépendantes : un fonds financier, des données dynamiques et un algorithme de déclenchement, dont l'orchestration doit se faire le plus possible en amont d'une crise.

Au Népal, l'un des pays les plus exposés aux catastrophes naturelles, la startup Rumsan a développé une solution innovante, Rahat, construite pour l'instant sur un réseau privé dérivé d’Ethereum. Soutenu financièrement par le Fonds d'Innovation de la GSM Association [210] , ce projet consiste à déployer un système d'alerte précoce et de distribution d'aide financière automatisée dans la région du Teraï, une zone particulièrement vulnérable aux inondations. Il s'avère que, lors de crises soudaines, les mécanismes d'aide traditionnels sont souvent lents et complexes et peinent à atteindre les populations à temps. La plateforme Rahat a été conçue pour répondre à cette problématique, en liant des données de prévision d'inondations à des smart contracts. Lorsque les capteurs et les analyses de données signalent un risque élevé, le système se déclenche automatiquement, envoie alors des messages d'alerte par SMS et messagerie vocale aux foyers menacés, tout en distribuant simultanément des crypto-actifs pré-alloués qui représentent une aide financière directe.

Cette approche change radicalement la donne. Lors d'une activation en septembre 2024, le système a permis de distribuer 85 000 dollars à 774 ménages et d'envoyer 4 500 messages d'alerte en quelques heures seulement, juste avant l'arrivée des crues. En passant d'un modèle réactif à une action anticipée, Rumsan vise à offrir aux communautés les moyens de se préparer, de mettre leurs biens à l'abri et de subvenir à leurs besoins immédiats, réduisant ainsi considérablement l'impact humain et matériel de la catastrophe. La réussite de cette initiative ne repose pas uniquement sur la technologie. Dès le départ, le projet a adopté une conception centrée sur l'utilisateur, impliquant directement les communautés locales, les municipalités et des partenaires humanitaires comme la Croix-Rouge danoise et népalaise. Des ateliers collaboratifs ont permis d'affiner la solution pour qu'elle réponde précisément aux défis du terrain. Conscient des risques liés au numérique, Rumsan a également mené un vaste programme de formation à la littératie financière pour plus de 800 personnes, renforçant la confiance et l'autonomie des bénéficiaires face à des outils innovants.

Tech deep dive

Tech deep dive - Rahat opère sur une blockchain privée permissionnée, un réseau Ethereum privé, compatible EVM. L'infrastructure a récemment évolué vers une architecture de microservices avec un backend en monorepo pour améliorer la scalabilité et la maintenance. Pour les utilisateurs, Rahat fournit un wallet accessible via des téléphones mobiles basiques grâce à des codes QR ou des Mots de passe à usage unique (One-Time Password - OTP), garantissant l'inclusivité. Lorsqu'un bénéficiaire veut accéder à son portefeuille ou valider un paiement, le système Rahat lui envoie un OTP par SMS, par exemple 482159 sur son téléphone, qu'il communique l'agent humanitaire ou au commerçant pour prouver son identité et autoriser la transaction. Pour améliorer la sécurité et la gestion des fonds pour les agences humanitaires, une récente mise à jour financée par l'UNICEF intègre des portefeuilles multi-signatures de type SAFE.

Autre exemple d'Action anticipatoire (Anticipatory Action - AA) dans la la Corne de l'Afrique, au Kenya, en Somalie, Ethiopie où les communautés d'éleveurs subissent de plein fouet les effets du changement climatique et connaissent des phénomènes météorologiques extrêmes, alternant entre des sécheresses prolongées, parfois sur plus de trois ans, et des pluies erratiques provoquant des inondations [211] . Cette instabilité environnementale a des conséquences dévastatrices. La dégradation des pâturages entraîne une perte massive de bétail, principale source de revenus et de subsistance pour ces communautés, et déclenche un effet domino, impactant la sécurité alimentaire, la santé et les moyens de subsistance, ce qui ne manque pas d'exacerber les tensions et peut mener à des conflits entre les différentes communautés, telles que les Maasai, les Samburu et les Turkana expliquent [212] Benson (Njuguna) Mbuthia, Chief Product Manager de Fortune Credit, Kennedy Ng’an’ga, CEO et fondateur de Shamba Network et Wladimir Weinbender, co-fondateur de DIVA Protocol et membre fondateur de l'initiative DIVA Donate.

Ils sont tous les trois à l'origine d'un projet pilote, mené en collaboration avec Mercy Corps Ventures, pour évaluer un programme intitulé « Transferts Monétaires d'Anticipation face aux Chocs Climatiques », Anticipatory Cash Transfers for Climate Shocks. Ce programme était destiné à des communautés vulnérables d'éleveurs de bétail au Kenya, et a consisté à leur verser, de manière programmatique, des aides financières et transformer ainsi le modèle traditionnel d'aide humanitaire en passant d'une approche réactive à une approche proactive, ou « anticipative ». Pour Wladimir Weinbender l'aide anticipative est une forme d'aide qui « utilise l'analyse prédictive pour réduire les impacts négatifs des chocs humanitaires [213] ». Contrairement au modèle traditionnel qui intervient après la catastrophe, lorsque les pertes sont déjà subies, ce projet visait à fournir une aide financière avant que le désastre ne se produise, l'objectif étant de donner aux éleveurs de bétail les moyens d'agir préventivement, par exemple en achetant du fourrage pour leur bétail, afin de survivre à la période de crise. Concrètement, des fonds, sous la forme du stablecoin dollar RLUSD [214] sont déposés dans un smart contract, agissant comme un séquestre programmable, au début de la saison des pluies. Si un risque de sécheresse imminent est détecté, à partir des données fournies par un Oracle, le smart contract déclenche automatiquement un transfert d'argent vers les bénéficiaires, choisis parce qu'ayant peu d'animaux et n'ayant pas les moyens de souscrire à une assurance traditionnelle, et gérés sur le terrain par une organisation locale de micro-finance appelée Fortune Credit [215] et des leaders communautaires.

Shamba Network, un Oracle dédié aux données écologiques et climatiques

Un Oracle de blockchain est un mécanisme qui permet aux smart contracts d'accéder à des données extérieures à une blockchain, provenant du monde réel. Ces données peuvent provenir de capteurs physiques, utilisés, par exemple, le long d’une chaîne logistique, on parle alors d’Oracle matériel. Ou provenir de programmes logiciels tiers comme le statut des vols des compagnies aériennes, des données météorologiques, ou encore les résultats d’une élection, on parle d’Oracle logiciel.

Ils sont nécessaires en ce qu’ils traduisent les événements du monde réel (des données non déterministes) en valeurs numériques reconnues par les smarts contrats (données déterministes). On comprend ici mieux l’intérêt des Oracles décentralisés et de leurs données, qui ont parfois un immense pouvoir sur le fonctionnement de smart contracts. Si un Oracle centralisé est piraté et indique qu’il a gelé, tous les contrats d’indemnisation d'une assurance paramétriques contre le gel seront déclenchés automatiquement. Si un taux de change est piraté, des ordres de bourse seront exécutés automatiquement. D’où le développement d’Oracles dits décentralisés qui s’alignent avec la nature décentralisée des blockchains et des smart contracts. Ce type d'application décentralisée agrège et vérifie des données provenant de différents fournisseurs afin de réduire les risques de manipulation et assurer la fiabilité des informations.

L'oracle de Shamba Network est spécialisé dans les données écologiques et climatiques. Il collecte des données auprès d'agences spatiales dont notamment la NASA aux Etats-Unis et l'Agence Spatiale Européenne (ESA), les traite à l'aide d'algorithmes géospatiaux et de machine learning, puis inscrit ces informations clés sur une blockchain, afin qu'elles puissent être appelées par un smart contract.

Pour ce projet au Kenya, le paramètre clé était le NDVI (Normalized Difference Vegetative Index), un indicateur de la santé et de la densité de la végétation. L'Oracle surveille le NDVI dans les zones cibles, après une phase de calibration menée en amont. En analysant des données historiques du NDVI et en les corrélant avec des rapports de sécheresse gouvernementaux, l'équipe a pu définir des seuils précis de NDVI qui, une fois atteints, sont associés à des conditions de sécheresse et doivent déclencher un paiement.

Source image : DIVA Donate https://docs.divadonate.xyz

Depuis sa création, DIVA Donate a lancé six campagnes, dont cinq sont terminées (en octobre 2025) et obtenu 8 3 219 $ de contributions de Mercy Corps Ventures, Arbitrum, Ripple et des membres de la communauté du protocole DIVA. Diva a déjà reversé 11 744 $ (14 %) sous forme d’aides financières à des éleveurs de bétail pour lutter contre la sécheresse. Ripple Lance son Stablecoin RLUSD, Adossé au Dollar Américain.

Même si le projet ne s'est pas du tout déroulé comme prévu [216] , le programme a pu démontrer « une réduction drastique des coûts, réduits à 2,5 % des fonds décaissés soit une baisse de 75 % par rapport aux systèmes traditionnels, et une accélération significative des paiements, les fonds ayant été libérés en 14 heures, ce qui représente une réduction de 90 % du délai de paiement, avec un potentiel d'optimisation pour atteindre quelques minutes [217] » a expliqué Wladimir Weinbender à l'issue du programme.

5.1.2 Les attestations vérifiables et les identifiants décentralisés

L'identification des bénéficiaires se situe au carrefour critique de l'efficacité opérationnelle, de la redevabilité envers les donateurs et, avant tout, du respect de la dignité des populations affectées par les crises. Comment s'assurer que l'aide arrive entre les mains de la bonne personne ? Comment assurer un suivi de l'identification de ces personnes, notamment celles que les Nations Unies appellent les « invisibles [218] » parce que ne disposant pas d'une preuve d'identité [219] ? La capacité à prouver son identité n'est pas une simple formalité administrative mais la condition préalable à l'accès aux services essentiels, à la protection juridique et à l'exercice des droits fondamentaux. Cette réalité est d'ailleurs consacrée par les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, notamment la cible 16.9 qui vise à « garantir à tous une identité juridique, y compris l'enregistrement des naissances, d'ici à 2030 [220] ».

Historiquement, les organisations humanitaires se sont appuyées sur des systèmes papier, puis ont progressivement adopté des solutions numériques centralisées, de plus en plus basées sur la biométrie. Si cette transition a permis des gains d'efficacité, elle a également engendré de nouveaux défis en matière de sécurité des données, de fragmentation des systèmes et d’autonomie des individus sur leurs propres informations.

Face à cette exclusion systémique, l'identité numérique décentralisée, ou auto-souveraine (SSI), émerge comme un paradigme alternatif visant à restaurer la dignité et l'autonomie individuelle. Fondée sur des standards ouverts développés par des entités comme le W3C et la Decentralized Identity Foundation [221] (DIF), le paradigme de l'identité numérique décentralisée permet à un individu de contrôler ses propres données. Le modèle repose sur trois acteurs : (1) un émetteur, par exemple, une ONG ou une agence de l'ONU, qui atteste d'un fait, un détenteur, (2) un individu ou une organisation, qui stocke cette attestation dans un portefeuille d'identité, et (3) un vérificateur, par exemple, un prestataire de soins de santé ou un employeur qui peut en vérifier l'authenticité sans avoir à contacter l'émetteur. Ce système utilise des Identifiants Décentralisés (DID) pour identifier localement et ponctuellement les individus mais surtout identifier publiquement les émetteurs et la validité des Attestations Vérifiables (Verifiable Credentials - VC) que les utilisateurs peuvent présenter comme preuves numériques portables et sécurisées.

L'identité décentralisée et les attestations vérifiables

La véritable innovation de ce modèle ne réside pas seulement dans la « décentralisation » en tant que concept abstrait, mais dans un découplage architectural fondamental. Il sépare trois éléments qui sont traditionnellement fusionnés dans les systèmes centralisés : (1) l'identifiant d'une personne (l'IDentifiant Décentralisé, Decentralized IDentifier), (2) les attributs ou attestations concernant cette personne (les Attestations vérifiables, Verifiable Credential), tous deux stockés dans un portefeuille d'identité, et (3) l'autorité ou le registre qui permet de faire fonctionner l'ensemble en garantissant l’authenticité de la source et optionnellement sa traçabilité dans le temps (horodatage).

Dans un système étatique ou dans un système centralisé géré par une ONG, le numéro d'identité, les données d'état civil et la base de données elle-même sont contrôlés par une seule entité. Le modèle DID/VC brise cette fusion. L'identifiant décentralisé est contrôlé par l'utilisateur. Les Attestations vérifiables sont des informations personnelles distinctes, émises par une multitude d'acteurs et détenus par l'utilisateur. Le registre sous-jacent, qui peut-être centralisé ou distribué, où le Document DID est ancré, n'est qu'un service public pour la découverte de clés cryptographiques, et non un registre au sein duquel des données personnelles sont consignées. C'est ce découplage qui permet à l'utilisateur de collecter des justificatifs de sources multiples et de les présenter dans n'importe quel contexte sans que soit impliqué celui qui a émis une attestation vérifiable, rendant ainsi possibles une portabilité et un contrôle réels. Cette rupture architecturale est la source même du potentiel transformateur du paradigme de l'identité décentralisée, aussi appelée identité souveraine.

Des organisations humanitaires ont initié des projets pilotes pour explorer le potentiel de cette technologie. Le consortium Dignified Identites in Cash Assistance Consortium [222] (DIGID), mené par la Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) et incluant la Croix-Rouge Norvégienne, le Conseil Norvégien pour les Réfugiés et Save the Children, a testé l'émission « d'attestations vérifiables humanitaires », lors d'un projet pilote au Kenya en 2021 et un second en Uganda en 2022, au cours duquel 300 ménages sans papiers officiels ont reçu ces certificats numériques pour attester de leur éligibilité à une aide financière [223] .

Comment partager les données personnelles de bénéficiaires d'aides

L'interopérabilité est la capacité de différentes organisations et systèmes à collaborer sur le terrain, en partageant et en analysant des données et des ressources pour faciliter les processus opérationnels et répondre aux besoins des populations affectées. Elle implique des aspects juridiques, organisationnels, sémantiques et techniques interdépendants qui nécessitent un alignement et une coordination entre les parties prenantes.

Il s'avère que le secteur humanitaire présente un paysage technique extrêmement diversifié. Un projet de recherche mené par le consortium Dignified Identities in Cash Assistance (DIGID) et financé par des fonds européens provenant de European Civil Protection and Humanitarian Aid Operations (ECHO) s'est précisément intéressé à ce sujet, « Investigating safe data sharing and systems interoperability in humanitarian cash assistance [224] » et ses conclusions sont les suivantes.

D'un côté, la méthode la plus simple et la plus courante pour partager des données entre organisations reste l'envoi de données personnelles par courriel. Cette approche, bien que peu coûteuse et universelle, est intrinsèquement peu sécurisée. De l'autre côté, les organisations humanitaires les plus importantes, telles que les agences des Nations Unies ou les grandes ONG internationales, disposent de systèmes logiciels sophistiqués utilisant des bases de données mondiales, des API robustes, et parfois des technologies de registre distribué (DLTs/blockchain) ou même de biométrie. L'enjeu de l'interopérabilité consiste à concilier ces systèmes disparates pour améliorer la coordination, l'efficacité et la sécurité des données, particulièrement pour la déduplication des bénéficiaires et les références individuelles.

La déduplication est la comparaison de listes de personnes cibles pour éliminer les doublons involontaires. L'approche la plus courante est un registre unique géré par une organisation « hôte », qui collecte et concilie les données de toutes les organisations participantes. Cependant, cette approche peut poser des problèmes de sécurité, de protection, de qualité et de gouvernance des données. Le projet a également exploré des approches alternatives telles qu'un registre géré conjointement ou un modèle de gestion des données où un tiers neutre facilite le processus de partage des données. Les références individuelles sont utilisées lorsqu'une organisation ne peut pas fournir les services dont un individu ou un ménage a besoin et le dirige vers une autre organisation qui le peut. La méthode la plus simple et la plus courante pour partager des données pour les références consiste à envoyer une feuille de calcul par e-mail. Cette approche est simple et peu coûteuse, mais aussi peu sûre et inefficace. Le projet a également exploré d'autres approches, telles que l'utilisation d'API pour permettre un échange de données automatisé et sécurisé, ou l'utilisation de systèmes de gestion de cas pour permettre une prestation de services plus transparente et coordonnée.

L'obstacle le plus important à l'amélioration de l'interopérabilité réside dans les problèmes non-techniques et la structure de l'aide humanitaire. Le rapport pointe notamment les asymétries de pouvoir et de ressources entre les grandes agences de l'ONU ou les ONG internationales et les petites organisations. Les capacités techniques supérieures des grandes entités agissent comme un différenciateur concurrentiel pour l'obtention de fonds, ce qui crée des incitations à ne pas partager les systèmes ni les données, allant à l'encontre de l'interopérabilité. De plus, les bailleurs de fonds ont tendance à ne pas soutenir les initiatives techniques qui n'ont pas d'impact direct sur les populations ciblées, et imposent souvent des conditions strictes sur le type de données à collecter, ce qui limite la flexibilité et favorise le vendor lock-in (dépendance à un fournisseur unique). Enfin, il y a une absence de normes de données largement acceptées pour l'échange d'informations sur les bénéficiaires, obligeant chaque contexte national à définir ses propres standards ad hoc.

Le rapport conclut que, plutôt que de chercher une solution miracle au niveau de l'application technologique, le succès à long terme réside dans la standardisation des données au niveau sémantique.

Tadamon [225] est une plateforme communautaire qui soutient quelque 5 200 Organisations de la Société Civile (OSC) réparties dans 57 pays membres de l'Organisation de la Coopération Islamique [226] (OCI). En partenariat avec des institutions clés dont notamment la Banque Islamique de Développement [227] (BID) et le Programme des Nations Unies pour le Développement [228] (PNUD), Tadamon pilote des programmes d'accélération, tel que l'« Accélérateur pour la Sécurité Alimentaire [229] », qui offre formation, mentorat et subventions.

Le succès de la plateforme Tadamon a toutefois révélé que son processus de validation des Organisations de la société civile, parce qu'entièrement manuel, était lent et complexe. Si le programme peut attirer jusqu'à 1 200 postulants, chaque candidature exigeait des vérifications successives par Tadamon, le Programme des Nations Unies pour le Développement, la Banque islamique de développement et les gouvernements nationaux, un processus pouvant s'étendre sur de longs mois. Tadamon a initié une collaboration avec la Fondation Cardano afin d'implémenter une solution basée sur un portefeuille d'identité (voir le graphique L'identité décentralisée et les attestations vérifiables) avec pour objectif de remplacer les vérifications manuelles par un système décentralisé d'attestations infalsifiables parce que signées cryptographiquement et rapides à vérifier. Un appel à projet a été lancé en juin 2025 au terme duquel 50 Organisations ont été sélectionnées pour rejoindre l'Accélérateur pour la Sécurité Alimentaire.

L'adoption d'un système d'identité numérique décentralisée [230] est désormais requise pour les Organisations de la société civile souhaitant interagir au sein de l'écosystème Tadamon. Ce processus repose sur l'utilisation du portefeuille d'identité appelé Tadamon ID, une application logicielle dérivée de la technologie open source Veridian [231] , développée par la Fondation Cardano [232] , et accessible à l'ensemble des parties prenantes. Dans un premier temps, l'organisation crée un identifiant décentralisé dans le portefeuille d'identité et soumet les informations et les justificatifs requis. Cet identifiant agit comme une adresse numérique unique et pérenne, dont l'organisation conservera la propriété et le contrôle. Une fois les vérifications initiales effectuées, Tadamon (l'émetteur) signe cryptographiquement et envoie une Attestation vérifiable, conservée par l'organisation (le détenteur) qui pourra la présenter aux différentes entités partenaires (les Vérificateurs) avec lesquelles elle interagit et qui pourront facilement vérifier l'authenticité de l'attestation.

Ce mécanisme élimine la nécessité d'échanger et de vérifier de multiples fois les mêmes informations, optimisant ainsi l'efficacité des interactions. L'ensemble du cycle de vie du certificat – de son émission à son utilisation pour l'approbation ou la distribution de subventions – est enregistré sur la blockchain Cardano, ce qui garantit une traçabilité des opérations, simplifiant la validation des candidatures, les audits, le suivi des projets et la distribution de fonds.

Dans une perspective de normalisation plus globale, le vLEI [233] , pour verifiable Legal Entity Identifier s'impose progressivement comme le standard international de référence pour l'identification numérique des organisations. Piloté par la Global Legal Entity Identifier Foundation (GLEIF), ce système constitue la transposition cryptographique du code LEI (norme ISO 17442), l'identifiant unique mondial pour les personnes morales. En encapsulant l'identité juridique d'une organisation et les rôles officiels de ses représentants au sein d'attestations vérifiables, le vLEI établit une chaîne de confiance automatisable et interopérable. Il permet ainsi de vérifier instantanément, et sans intervention manuelle, l'authenticité d'une entité juridique (ONG, bailleur, fournisseur) et la validité des actions engagées par ses signataires autorisés, répondant directement aux défis de fragmentation et de sécurité inhérents aux écosystèmes humanitaires.

5.2 Quelle mesure ? De quel impact ?

La volonté de lier le financement à des résultats concrets n'est pas nouvelle et des structures institutionnelles explorent activement cette voie, à l'instar de l'OCDE qui a formalisé le concept de « Financement Basé sur les Résultats » (OBF - Outcomes-based financing [234] ). L'OCDE définit largement celui-ci comme des approches où les paiements sont conditionnés à l'atteinte de résultats spécifiques et vérifiables, une méthode qui implique déjà des acteurs établis comme des entreprises ou des investisseurs à impact.

Si ce concept de paiement à la performance existe hors de l'écosystème crypto, la philanthropie et l'investissement à impact sont tous deux confrontés à une problématique fondamentale : comment capturer, mesurer, et de manière plus transformative, monétiser l'impact social de façon standardisée et incitative [235] .

Le secteur de l'aide et de l'investissement à impact fait face à un défi persistant : la mesure standardisée et la redevabilité des résultats sociaux. Cette section s'intéresse à l'utilisation des Technologies de registre distribué (DLTs) ainsi que les processus de suivi, de reporting et de vérification, MRV pour monétiser l'impact. Nous différencions le financement à preuve d'impact, ex-post et ex-ante (5.2.1), en détaillant le modèle rétrospectif (ex-post) d'Hypercerts qui récompense l'impact réel et déjà produit. Nous examinons également la transition du NFT preuve d'impact au NFT preuve de don (5.2.2), où les tokens représentent un service accompli ou un engagement philanthropique, comme dans l'expérimentation Amply.

5.2.1 Le financement à preuve d'impact, ex-post et ex-ante

Le financement de l'impact social est structuré autour d'une dichotomie temporelle : faut-il financer les intentions, c'est-à-dire un financement prospectif, ou ex-ante, ou alors récompenser les résultats, c'est-à-dire un financement rétrospectif, ou ex-post ? Aujourd'hui, les modèles philanthropiques traditionnels, basés sur l'octroi de subventions, sont majoritairement ex-ante, et financent des promesses de projets sur la base de propositions écrites. Les Technologies de registre distribué (DLTs) permettent désormais non seulement de formaliser et de mettre à l'échelle des modèles ex-post, mais aussi de sophistiquer les approches ex-ante en les rendant plus dynamiques et réactives.

Le modèle du financement rétrospectif - ex-post, consiste à récompenser l'impact avéré et déplace fondamentalement le paradigme de l'incitation. Il ne s'agit plus de récompenser la capacité à rédiger des propositions de subvention convaincantes, mais plutôt la capacité à générer un impact réel, observable et vérifiable.

Le protocole Hypercerts [236] représente l'une des implémentations les plus abouties de ce modèle. Son cycle de vie se décompose en trois étapes distinctes. (1) Un projet porté par une organisation ou un individu réalise une action ou un travail et génère un impact et crée un « hypercert » pour représenter numériquement cet impact. Ce certificat numérique documente de manière transparente les contributeurs, le périmètre du travail accompli et la période de réalisation. (2) Des évaluateurs crédibles et indépendants, comme des experts des organisations tierces examinent le travail et ajoutent leurs évaluations à l'hypercert. Ces attestations confirment la portée, la qualité et la véracité de l'impact revendiqué. (3) Des financeurs, donateurs, fondations, investisseurs à impact achètent des fractions de cet hypercert. En faisant cela, ils acquièrent le droit de « revendiquer » une partie de l'impact généré pour leurs propres objectifs de compensation, de reporting ou de communication. Le produit de cette vente constitue la récompense financière rétrospective pour le projet qui a initialement créé l'impact.

Tech deep dive

Sur le plan technique, un hypercert est un token semi-fongible, conforme à la norme ERC-1155 sur la blockchain Ethereum. Les métadonnées associées — qui contiennent les détails du travail, les évaluations et les revendications — sont stockées sur un système de fichiers décentralisé comme l'IPFS (InterPlanetary File System), garantissant leur persistance et leur immuabilité. L'ensemble fonctionne comme une base de données ouverte, interopérable et décentralisée, conçue pour suivre le travail à impact et ses évaluations, facilitant ainsi l'expérimentation de divers mécanismes de financement au-delà du seul modèle rétrospectif.

Ce mécanisme transforme l'interaction entre innovation et financement. Le modèle de subvention traditionnel (ex-ante) favorise les projets « sûrs » et établis, au détriment de l'innovation radicale. Les Hypercerts brisent ce lien, permettant aux innovateurs d'agir sans autorisation préalable. En cas de succès, un marché les récompense. Le financement philanthropique passe d'un système « push » à un système « pull », où le capital est attiré par les résultats avérés des projets. Il en résulte la bascule d'un système directement corrélé à l'impact démontré plutôt qu'à la promesse d'impact.

Quant au modèle de financement traditionnel, opéré ex-ante, il est crucial de noter que, même si ce modèle peut être transposé ou adapté à une nouvelle infrastructure décentralisée, il ne se contente pas de répliquer simplement les subventions traditionnelles sur un nouveau support. Cette migration vers une infrastructure décentralisée peut, par exemple, permettre une plus grande transparence dans l'allocation des fonds et le suivi des engagements.

Le protocole IXO, qui développe un « Internet de l'Impact [237] », est représentatif de cette approche. Cette infrastructure a pour ambition de financer, mettre en œuvre et vérifier l'impact à l'échelle mondiale. L'un de ses instruments phares est l' « Alpha Bond [238] ». Il s'agit d'un instrument de financement programmable basé sur des courbes de liaison (token bonding curves), un mécanisme où le prix d'un token est déterminé algorithmiquement par son offre en circulation. Dans le cas des Alpha Bonds, le capital est libéré progressivement, et le coût de ce capital (le prix du bond) évolue en fonction d'un "Signal de Risque Alpha". Ce signal peut être généré par un marché de prédiction interne où les parties prenantes (experts, communauté, investisseurs) parient sur la probabilité que le projet atteigne ses objectifs. Si la confiance dans le projet augmente, le signal de risque diminue, rendant le capital moins cher et plus accessible, et inversement. Ce mécanisme s'intègre parfaitement dans des cadres de financement basés sur les résultats (Outcomes-based Financing), où les paiements sont automatiquement déclenchés par des contrats intelligents lorsque des jalons prédéfinis et vérifiés de manière indépendante sont atteints.

Cette approche transforme radicalement la nature du contrat de financement. Un financement ex-ante traditionnel est un événement statique et ponctuel : une somme est allouée au début du projet, et le suivi s'effectue via des rapports périodiques souvent déconnectés du mécanisme de financement initial. Le modèle d'IXO, en revanche, intègre une boucle de rétroaction continue. Les données sur la performance du projet, ou les prédictions sur sa performance future, influencent directement et en temps réel les conditions de son financement. Le capital devient ainsi « intelligent » : il est alloué et s'ajuste. Cela permet une allocation des ressources beaucoup plus efficace, réduisant les pertes sur les projets qui montrent des signes d'échec et renforçant ceux qui démontrent leur succès, et ce, pendant leur cycle de vie et non simplement après.

Dernier exemple, le protocole Karma [239] , qui fonctionne comme une plateforme de réputation on-chain pour les porteurs de projets. Il leur permet de créer un profil unifié qui agrège leurs contributions, leurs progrès, via le « Karma's GAP protocol » et leurs métriques d'impact, souvent en lien avec des dépôts GitHub ou des smart contracts. Cette réputation vérifiable est ensuite utilisée par les écosystèmes et les fonds, tels que Gitcoin ou Arbitrum, pour allouer des financements de manière transparente, notamment sous forme de financement rétrospectif, retrofunding, en se basant sur les résultats et l'impact avérés du projet.

Si ces modèles de financement d'impact comme Hypercerts, IXO ou encore Karma visent une efficacité et une transparence accrues, ils présentent toutefois des limites structurelles et soulèvent des questions. Le principal écueil réside dans la définition, la mesure et la vérification de l'« impact » lui-même. Le système ne supprime pas le besoin de confiance, il le déplace vers de nouveaux intermédiaires : les « évaluateurs crédibles » ou les Oracles de données, ce qui pose la question de leur indépendance, de leur financement et de leur objectivité, et du risque d'induire un « biais de mesure » selon la Loi de Goodhart qui stipule que lorsqu'une mesure devient une cible ou un objectif, elle cesse d'être une bonne mesure. En effet, les projets pourraient être incités à optimiser des métriques facilement quantifiables et « tokenisables », comme des mise à jour de code informatique sur GitHub, qui sont tracés par Karma, au détriment d'objectifs sociaux plus complexes et à long terme.

De plus, le modèle de financement rétrospectif, ex-post, comme Hypercerts, bien qu'innovant, élude le besoin de capital d'amorçage. En récompensant l'impact après sa création, il favorise les projets déjà financés ou disposant de capital-risque, capables d'« agir sans autorisation préalable », tout en excluant potentiellement les organisations de terrain ou du Sud global qui n'ont justement pas les liquidités pour avancer les coûts. Enfin, la complexité technique de certains protocoles comme les courbes de liaison ou les marchés de prédiction sur IXO, pourraient créer une nouvelle barrière à l'entrée, en renforçant le pouvoir d'experts techniques au détriment des acteurs de terrain. Enfin, l'introduction de mécanismes de marché, comme les « signaux de risque » spéculatifs d'IXO, fait peser le risque d'une financiarisation excessive de l'action sociale, où la mission d'intérêt général serait soumise à des incitations et une volatilité propres aux marchés financiers.

5.2.2 Du NFT preuve d'impact au NFT preuve de don

Au-delà des mécanismes de financement, la technologie blockchain permet de représenter l'impact lui-même sous forme d'actifs numériques uniques et vérifiables. Cette « tokenisation de l'impact social » vise à créer une nouvelle classe d'actifs, les Impact Tokens [240] , qui encapsulent une preuve d'impact vérifiée et la rendent liquide, programmable et échangeable.

Un Impact Token est une représentation numérique d'une unité d'impact social ou environnemental qui a été quantifiée, mesurée et vérifiée, souvent en alignement avec des cadres reconnus comme les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies. Chaque token est enregistré sur une blockchain publique, ce qui offre une preuve immuable et auditable qu'un impact positif a été réalisé et peut être attribué de manière univoque à une activité ou un investissement spécifique.

Sur la plateforme IXO, un Impact Token, appelés « Crédits d'Impact » peuvent représenter « n'importe quel état de (any verified) résultat social, environnemental, économique ou climatique vérifié, auquel les gens et les organisations tiennent, pour lesquels ils sont prêts à payer, à investir ou à œuvrer [241] ». Une action dans le monde réel génère des données qui sont soumises sur une blockchain publique sous la forme d'une revendication vérifiable (verifiable claim) qu'un vérificateur valide, une attestation vérifiable est générée et un NFT à impact est créé, sur la base de cette attestation vérifiable.

Par exemple le projet Amply, a été initié en Afrique du Sud en partenariat avec l'UNICEF Innovation Fund et Innovation Edge avec pour objectif de résoudre la gestion inefficace et sur papier d'un programme de subventions gouvernementales pour l'éducation de la petite enfance. En Afrique du Sud, le gouvernement offre une subvention (d'environ 15 rands par jour et par enfant) pour encourager la fréquentation des centres de développement de la petite enfance [242] (équivalents des écoles maternelles). Pour recevoir ces fonds, les enseignants devaient enregistrer manuellement les présences sur des formulaires papier, un processus long, coûteux et sujet aux erreurs. Le projet Amply a fourni aux enseignants une application mobile simple. Chaque jour, au lieu de remplir des registres papier, ils utilisaient l'application pour enregistrer la présence de chaque enfant. Chaque enregistrement de présence était transformé en une « déclaration vérifiable » (verifiable claim) et inscrit de manière sécurisée et immuable sur la blockchain Ethereum. Cela créait un registre numérique transparent et infalsifiable des services éducatifs réellement fournis. Ce processus a permis de numériser des dizaines de milliers de registres de présence, économisant plus de 4 000 heures de travail administratif par mois [243] . Une fois les données de présence vérifiées, à la fin du mois, le système regroupe ces enregistrements pour créer un Impact token, un certificat numérique qui représente une quantité vérifiée de services rendus, par exemple, « 20 jours de présence pour l'enfant X au mois de mai ». L'objectif final était de numériser entièrement le processus de subvention. L'école ou l'enseignant transfère ce token d'impact au gouvernement comme preuve numérique irréfutable du service accompli et en retour, le gouvernement transfère les fonds de la subvention correspondante à l'école.

Les NFT peuvent également servir de preuve de don. Par exemple, une Organisation à but non lucratif émet un NFT à un donateur pour certifier son don [244] . Pour le donateur, ce NFT sert de reconnaissance publique, un « badge » socialement valorisant qu'il peut afficher sur les réseaux sociaux. Il peut faire partie d'une collection et s'inscrire dans une logique de « gamification » de la philanthropie, avec des paliers, des récompenses pour les dons récurrents ou des badges spéciaux. Pour une Organisation à but non lucratif, les avantages sont multiples : une augmentation de l'engagement des donateurs, un renforcement de la confiance grâce à un reçu transparent et immuable, et un puissant outil de marketing viral.

L'évolution du NFT philanthropique révèle une transformation profonde de la relation entre le donateur, l'acte de donner et l'impact qui en résulte. Un NFT de type « Preuve de Don » est un objet de collection qui atteste d'une transaction passée, un certificat sur l'input (le don). Sa valeur est principalement sociale et mémorielle. En revanche, un NFT de type « Preuve d'Impact », comme celui d'Amply, est un certificat sur l'output (le résultat). Il est un conteneur numérique pour un actif environnemental réel. La possession du NFT devient synonyme de la revendication de cet impact.

Cette fusion de l'actif numérique et de l'impact tangible crée une connexion psychologique et économique beaucoup plus forte. L'actif numérique n'est plus un simple souvenir de l'acte de donner ; il est le résultat de cet acte. Le donateur n'est plus seulement un contributeur financier, il devient le gardien ou le propriétaire symbolique de l'impact généré. Cela instaure une incitation plus profonde à l'engagement et crée une nouvelle forme de valeur qui est à la fois financière (le NFT peut être échangé sur un marché secondaire) et éthique (il représente un bien tangible pour la planète ou la société). Le NFT passe du statut de reçu à celui d'incarnation de l'impact.

Chapitre 6 : La crypto philanthropie par l'engagement

Les technologies numériques issues du Web3, notamment les NFT, les jeux vidéo, le trading caritatif, et les métavers, bien qu'encore majoritairement expérimentales pour le secteur philanthropique, offrent des perspectives inédites en matière de collecte et d'engagement des donateurs. En plus d'être (6.1) des outils de collecte de fonds par la vente d'actifs numérique uniques, les NFT, de par leur caractère programmable, permettent également de générer des revenus continus à chaque revente mais également de servir de preuves d'engagement ou de gouvernance, transformant le donateur en membre actif de la communauté. La philanthropie par l'interaction (6.2), que ce soit au sein de jeu vidéo, appelé Play-to-Give, « jouer pour donner » ou lors d'événement caritatif organisé autour du trading, que l'on pourrait appeler Trade-to-give, « trader pour donner » témoigne du potentiel de la gamification et des mondes virtuels pour la sensibilisation et l'engagement d'une nouvelle génération à l'action humanitaire.

6.1 Les NFT comme outils d'engagement communautaire…

Les NFT sont des outils polyvalents pour la philanthropie, allant au-delà de la spéculation, que ce soit pour mobiliser des communautés et financer des projets, notamment via la collecte de fonds événementielle et la vente d'actifs numériques (6.1.1), ou encore pour servir d'outils de gouvernance et de preuve de don, offrant des royalties automatiques aux organisations et transformant les donateurs en membres actifs des DAO (6.1.2).

Qu'est-ce qu'un NFT et qu'est-ce que la hype des NFT de 2021

Un Jeton Non Fongible, en anglais Non Fungible Token (NFT), peut être défini comme un certificat d'authenticité et de propriété numérique unique, enregistré de manière infalsifiable sur une blockchain. Pour exister, à l’instar d’une monnaie nationale frappée par un État, un NFT est d’abord « frappé » dans une blockchain publique, en anglais minted, puis, par la suite, éventuellement « brûlé », en anglais burnt, c’est-à-dire détruit. Minting an NFT, « frapper un NFT », consiste, à partir d’un portefeuille de crypto-actifs et d’un smart contract, à enregistrer le token et ses données d’identification dans une blockchain publique afin qu’il devienne immuable, échangeable mais aussi consultable et vérifiable par quiconque [245] .

Ce certificat d'authenticité et de propriété numérique, matérialisé par le NFT représente une avancée majeure dans la manière de concevoir la propriété et la traçabilité des biens numériques. Le NFT est associé à n'importe quel type d'actif numérique, qu'il s'agisse d'une image haute résolution, d'une vidéo, d'un tweet marquant ou même d'un morceau de musique. Contrairement aux idées reçues, cette association ne nécessite pas que l'actif numérique lui-même soit stocké directement sur une blockchain. En effet, il convient de distinguer l'actif numérique unique, qui peut être hébergé sur des serveurs classiques, sur des plateformes de stockage décentralisées ou tout autre support numérique, tandis que le NFT en lui-même, frappé sur une blockchain sécurisée et transparente (comme Ethereum, Solana ou Tezos), agit comme un pointeur unique et infalsifiable vers cet actif. Ce lien indissociable entre le NFT et l'œuvre numérique sous-jacente confère au propriétaire du NFT des droits et la preuve irréfutable de son authenticité et de sa propriété.

Il permet de lutter efficacement contre la contrefaçon numérique, de garantir la provenance d'une œuvre et d'établir un historique clair de ses transactions. Pour les créateurs, cela ouvre de nouvelles avenues de monétisation et de protection de leurs œuvres, tandis que pour les collectionneurs et les acheteurs, cela offre une confiance et une sécurité sans précédent dans le marché de l'art numérique et des actifs virtuels. Le NFT devient ainsi le garant numérique de l'originalité et de la valeur de l'œuvre à laquelle il est rattaché.

La hype autour des NFT culmine le 11 mars 2021, lorsque Michael Joseph Winkelmann, connu sous le pseudonyme de Beeple, vend un NFT alors qu'il n'avait jamais vendu d'œuvre aux enchères auparavant. Il rejoint alors David Hockney et Jeff Koons, figurant ainsi parmi les trois artistes vivants ayant atteint un prix de vente record. La mosaïque multimédia de Beeple, intitulée Everydays: the First 5 000 Days, a été adjugée pour 69,3 millions de dollars lors d'une vente organisée par Christie's [246] . Ce patchwork numérique est composé de 5 000 images et animations, chacune représentant une journée de la vie de celui que l'on nomme désormais le « crypto-artiste », entre le 1er mai 2007 et le 7 janvier 2021. Cette vente sans précédent illustre l'engouement du monde de l'art pour les NFT émis sur une blockchain publique.

Selon le rapport de la société d'analyse NonFungible [247] , le marché global des NFT a explosé, et le segment de l'art à lui seul a atteint un volume de transactions de près de 2,9 milliards de dollars en 2021. Toutefois, entre le pic de 2021 et la fin de l'année 2024, le volume des ventes d'art NFT s'est contracté de plus de 95 %. Le prix de vente moyen d'un NFT artistique, qui pouvait atteindre des milliers de dollars, a chuté à quelques dizaines de dollars. Les spéculateurs ont laissé la place à une communauté plus restreinte de collectionneurs passionnés et d'institutions qui explorent la technologie pour son utilité intrinsèque : la certification de l'authenticité, la traçabilité de la provenance et de nouvelles formes de narration numérique et des musées de premier plan, comme le Centre Pompidou à Paris ou le MoMA à New York, ont fait l'acquisition de NFTs, non pas pour leur valeur spéculative, mais pour leur pertinence historique et artistique [248] .

6.1.1 … de collecte de fonds

Le caractère unique d'un NFT et sa traçabilité en font un mécanisme de collecte de fonds particulièrement novateur, capable d'attirer une nouvelle génération de philanthropes. En mars 2021, la vente du premier tweet de Jack Dorsey, le fondateur du réseau social Twitter, sous la forme d'un NFT, lui a permis de lever 2,9 millions de dollars au profit de l'organisation Give Directly's Africa Response [249] . Plus tard la même année, un donateur anonyme a versé l'équivalent de 3,5 millions de dollars en ETH à Médecins Sans Frontières, une somme issue de la vente d'une collection d'œuvres NFT [250] . En mars 2022, la marque Stella Artois, en collaboration avec VaynerNFT [251] et la plateforme artistique Art Blocks, a lancé un projet de 1 024 NFT sur le thème de l'eau appelé « The Drop Artois [252] », à l'occasion de la Journée mondiale de l'eau [253] . L'intégralité des 200 000 dollars de recettes de la vente des NFT [254] , écoulés en 2h00, a été reversée à l'association Water.org [255] , une organisation qui œuvre pour l'accès à l'eau potable dans les pays du Sud Global. L'événement caritatif « Punks vs. Apes [256] », qui a opposé deux collections célèbres de NFT — Bored Ape Yacht Club (Apes) et CryptoPunks (Punks) — a collecté plus de 55 000 dollars en dons pour l'hôpital pour enfants Riley à Indianapolis. Organisé en septembre 2022 à la galerie <imnot/Art> [257] à Chicago via la plateforme The Giving Block, cet événement de deux jours a montré la capacité de ces communautés Web3 à se mobiliser pour une cause caritative.

La singularité et la traçabilité des NFT en font un outil innovant de collecte de fonds, comme en témoignent ces quelques initiatives caritatives qui ont permis de lever des millions de dollars pour diverses causes.

L'initiative « Leap of Faith » : d'une histoire personnelle à donate.gg

L'opération « Leap of Faith » au profit du St. Jude Children’s Research Hospital, à Memphis aux Etats-Unis est un cas d'école [258] de cette philanthropie nouvelle génération, née de l'initiative d'une personnalité de la communauté Web3, connue sous le pseudonyme « @Leap ». Alliant motivation personnelle, mobilisation communautaire et structuration professionnelle, ce projet illustre le potentiel communautaire du Web3 à générer un impact social.

À l'origine du projet se trouve l'histoire personnelle de @Leap, dont le père est atteint d'un cancer en phase terminale. Mû par l'émotion et le désir d'agir, il publie sur les réseaux sociaux une adresse de portefeuille de crypto-actifs pour collecter des dons pour financer la lutte contre le cancer à destination du St. Jude Children’s Research Hospital. La réponse de la communauté Web3 est immédiate et massive, et plus de 100 000 dollars sont récoltés en seulement 24 heures. Ce succès spontané attire l'attention de l'hôpital, qui prend contact avec @Leap. Pour transformer cet élan en une campagne légitime et ambitieuse, ce dernier investit de ses propres fonds pour monter une équipe et professionnaliser la démarche. Le projet culmine en octobre 2024 lors de la prestigieuse foire d'art Art Basel à Miami à travers une vente aux enchères en direct, baptisée « Leap of Faith Auction », et qui met en vente des œuvres d'art sous forme de NFT, créées par plus de 30 artistes de l'écosystème. L'opération vise à rétrocéder 100 % des bénéfices à l'hôpital St. Jude, et accepter les dons directs en crypto-actifs. Sur le moment, la vente aux enchères permet de lever 115 000 dollars auxquels s'ajoutent les dons reçus après l'événement, atteignant le montant total de 350 000 dollars, versé pour la recherche contre le cancer.

Interrogé sur sa vision, @Leap ne définit pas le Web3 comme une simple technologie, mais comme une véritable culture. Selon lui, « c'est une manière de penser, un mode de vie [259] ». L'impact le plus significatif du Web3 ne viendra pas d'une nouvelle application, mais des individus issus de cette culture, qui « sont prêts à briser les barrières établies par le système traditionnel et à prendre des risques financiers massifs pour y parvenir [260] ». Fort de ce succès, @Leap a fait évoluer son initiative en une solution durable et évolutive et fonde la plateforme donate.gg. Conçue initialement pour St. Jude, elle s'est depuis ouverte à d'autres organisations caritatives internationales comme l'UNICEF ou le WWF. La plateforme se distingue par des caractéristiques optimisées pour les dons en crypto-actifs reversés intégralement aux organisations. La plateforme convertit automatiquement les crypto-actifs dans la devise de préférence de l'organisation et émet des reçus fiscaux pour les donateurs. En octobre 2025, elle a collecté plus de 1 millions de dollars de dons [261] .

L'utilisation des NFT en philanthropie présente deux avantages financiers qui répondent à des enjeux clés du secteur. Une transparence totale, puisque chaque transaction liée à un NFT est enregistrée de manière immuable et publique sur une blockchain publique. Cela permet aux donateurs de suivre le parcours de leurs contributions avec une précision inédite, renforçant la confiance, même si cette transparence radicale peut parfois soulever des questions complexes en matière de confidentialité des donateurs et de conformité au RGPD [262] , car les transactions pseudonymes sur une blockchain publique peuvent parfois être retracées jusqu'à des identités réelles, un enjeu que les organisations doivent maîtriser. De plus, il est possible de programmer des redevances automatiques dans le smart contract du NFT et générer des revenus pérennes grâce aux royalties. Ce mécanisme garantit qu'un certain pourcentage de chaque vente future du token sur le marché secondaire sera automatiquement reversé à l'organisation inscrite dans le smart contract.

Par exemple, Boss Beauties est une collection de 10 000 NFTs [263] PFP (Profile Picture) conçue par des femmes pour célébrer la diversité féminine. Dès sa création, le projet a intégré une mission philanthropique au cœur de son modèle économique. Lors de la vente initiale en septembre 2021, les millions de dollars générés ont partiellement été reversés à la Boss Beauties Foundation [264] . Cette fondation a pour objectif de financer des bourses d'études et des programmes de mentorat destinés aux femmes et aux jeunes filles à travers le monde. De plus, le smart contract de chaque NFT Boss Beauties prévoit une redevance de 5% sur chaque revente. Une partie de ces 5 % est systématiquement allouée à la fondation, assurant un financement continu de ses opérations. Grâce à ce mécanisme de revenus pérenne, la fondation a pu octroyer des bourses d'études à des milliers de femmes. Elle a également établi un partenariat historique de cinq ans avec l'ONU [265] pour promouvoir l'égalité des genres via des initiatives éducatives mondiales, et a lancé des programmes de mentorat en collaboration avec des marques et institutions majeures. Ce modèle économique garantit que la collection d'art numérique, tant qu'elle est activement échangée, fonctionne comme un moteur de financement durable pour la cause qu'elle soutient.

L'utilité des NFT ne se limite toutefois pas à la simple collecte de fonds et se révèlent être également des outils de gouvernance et de preuves d'engagement, renforçant la nature même de la participation et la relation des donateurs avec les Organisations.

6.1.2 … de gouvernance et de preuve de don

Au-delà de leur fonction financière, les NFT ont le potentiel de devenir de véritables outils pour encourager une participation active des donateurs. Un NFT peut fonctionner comme un badge numérique, conférant à son détenteur des droits spécifiques et un statut reconnu au sein d'une communauté. Cette approche transforme le donateur, traditionnellement passif, en un membre engagé et influent.

Le concept de NFT comme preuve de don ou de participation gagne en popularité, avec comme application notable le POAP, Proof of Attendance Protocol. Techniquement, « le POAP est un NFT qui est généralement attribué gratuitement [...] et qui n’a aucune valeur intrinsèque, si ce n’est le fait de démontrer que l’adresse qui le détient est contrôlée par une personne qui a assisté à l’évènement objet du POAP [266] ». Attribué aux participants d'un événement, physique ou virtuel, il sert de « souvenir numérique » attestant de leur présence et de leur soutien. Par exemple, les donateurs qui contribuent aux campagnes de Diva Donate en soutien à des communautés d'éleveurs de bétail au Kenya victimes de sécheresse « reçoivent un certificat numérique POAP pour commémorer leur don [267] ». Le POAP renforce ainsi le sentiment d'appartenance à une communauté et permet à une organisation de valoriser l'engagement de ses membres de manière tangible et vérifiable.

Les NFT jouent également un rôle central dans les modèles de gouvernance décentralisée, notamment au sein des Organisations Autonomes Décentralisées (DAO). Le cas de NounsDAO [268] est particulièrement emblématique. Son fonctionnement est le suivant : chaque jour, un nouveau NFT unique, un « Noun », est créé et vendu aux enchères. Les profits alimentent une trésorerie collective [269] , de 3 660 ETH en octobre 2025, soit l'équivalent de 13 800 000 dollars, et la possession d'un « Noun » octroie un droit de vote sur les propositions de dépenses. Pour soumettre une proposition, il est requis un minimum de trois Nouns et toute idée peut être financée s'il y a suffisamment de votes de la communauté. Ce modèle « un NFT, une voix » instaure une forme de gouvernance directe où les contributeurs décident de l'allocation des fonds. Ainsi, la proposition 42 [270] a été votée pour envoyer 100 ETH destinés à l'aide humanitaire d'urgence en Ukraine, en partenariat avec l'UNICEF.

Source image [271]

Tech deep dive

Tech deep dive - D'un point de vue technique, la DAO Nouns utilise un fork de la gouvernance de Compound [272] , et constitue le principal organe directeur de l'écosystème Nouns. La trésorerie de la DAO Nouns reçoit 100 % des revenus en ETH provenant des enchères quotidiennes de Nouns. Chaque Noun est un membre irrévocable de la DAO Nouns et donne droit à une voix pour toutes les questions de gouvernance. Les droits de vote des Nouns ne sont pas transférables (si vous vendez votre Noun, le droit de vote est cédé avec lui) mais ils sont délégables, ce qui signifie que vous pouvez assigner votre droit de vote à quelqu'un d'autre tant que vous possédez votre Noun. Les Nouns sont stockés directement sur Ethereum et n'utilisent pas de pointeurs vers d'autres réseaux tels qu'IPFS, car les composantes des Nouns sont compressées et stockées on-chain (sur la chaîne) à l'aide d'un encodage personnalisé par longueur de plage (RLE), qui est une forme de compression sans perte.

Ce modèle n'est qu'une des incarnations possibles d'une DAO philanthropique. Le rapport du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris note que les DAO peuvent être « caritatives ou humanitaires », et d'autres structures émergent. Par exemple, la Big Green DAO (voir supra), initiée par la Fondation Big Green, utilise la structure de gouvernance d'une DAO pour faciliter la gestion et l'allocation de subventions dans le domaine de la souveraineté alimentaire, ambitionnant de subvertir la relation traditionnelle entre donateurs et bénéficiaires en donnant un pouvoir de vote aux praticiens sur le terrain. Alors que NounsDAO représente un modèle de gouvernance directe lié à la possession d'un actif unique, d'autres DAO explorent des systèmes basés sur la pondération des votes par tokens fongibles ou encore sur la réputation, ouvrant un vaste champ d'expérimentation pour une philanthropie plus démocratique.

Des actifs numériques comme les NFT aux mondes virtuels immersifs, la transition est naturelle. Les jeux vidéo et les métavers, construits sur des logiques similaires de propriété numérique et d'interaction communautaire, constituent la prochaine frontière à explorer pour la philanthropie.

6.2 La philanthropie par l'interaction : Gaming, Trading et Métavers

Les mondes virtuels, le gaming et le trading caritatif constituent des approches novatrices pour engager et sensibiliser les nouvelles générations grâce à des expériences interactives et immersives favorisant un fort sentiment communautaire.

6.2.1 Le Play-to-Give et le Trade-to-Give

Le concept de « jouer pour donner », en anglais Play-to-give dans les jeux vidéo Web3, où le gameplay génère directement et automatiquement des fonds pour des causes caritatives, est encore émergent et rarement implémenté comme une mécanique de jeu passive. Ce modèle illustre toutefois l'une des manières dont la crypto philanthropie s'invite au cœur de communautés dont le public est très éloigné des méthodes traditionnelles d'appel à la générosité mais bien évidemment tout aussi réceptives aux crises humanitaires.

L'exemple le plus documenté de Play-to-give est la forte mobilisation d'une communauté de gamers au sein du jeu vidéo Web3 Axie Infinity, suite au passage du typhon Rai survenu aux Philippines en décembre 2021. Axie Infinity [273] est un jeu vidéo dont le concept s'apparente à celui de Pokémon. Les joueurs y collectionnent de petites créatures nommées Axies, les engagent dans des combats et peuvent les élever pour en générer de nouvelles. La distinction majeure réside dans le fait que chaque créature est un objet numérique unique et véritablement possédé par le joueur, comparable à une carte de collection, et qu'elle peut ainsi être achetée et vendue contre de l'argent réel auprès d'autres joueurs.

Plusieurs équipes, appelées guildes, rassemblant des joueurs individuels et des artistes NFT de l'écosystème, se sont mobilisées pour collecter des fonds destinés aux victimes du typhon [274] . La plus grande guilde de jeu, nommée la Yield Guild Games (YGG), a d'abord lancé une campagne de dons nommée « crypto-ayuda », aide crypto, avec un premier don de 2,5 ETH, d'une valeur de près de 500 000 pesos philippins à l'époque, pour financer une mission médicale sur l'île dévastée de Siargao. Puis un joueur Philipin influent, appelé Nix Eniego, a déclaré reversé l'intégralité de ses gains de jeu pour secourir les victimes. Des charity streams, diffusions en direct caritatives, ont été organisées, collectant plusieurs dizaines de milliers de pesos philippins transférés à la direction de la Yield Guild Games (YGG). Des artistes de la communauté ont vendu des œuvres NFT en s'engageant à reverser la totalité des bénéfices à des organisations sur le terrain. En parallèle, un tournoi caritatif majeur, le « United Gamers Guild (UGG) All-Stars Tournament », a été organisé et diffusé en direct pour amplifier la collecte. Grâce à la convergence de toutes ces initiatives - dons directs, streamings caritatifs, tournois et ventes de NFT, la communauté Axie Infinity a levé plus de 28,6 millions de pesos philippins, l'équivalent de 572 000 dollars américains à l'époque, pour venir en aide aux victimes du typhon.

Alors, certes, cet exemple demeure anecdotique mais le potentiel philanthropique des jeux vidéos web3 semble tout aussi important qu'incertain. Il est également freiné par les mêmes défis qui caractérisent l'adoption plus large du Web3. La complexité technique, l'incertitude réglementaire et la nécessité de créer des expériences utilisateurs fluides pour un public non initié.

Autre initiative à la croisée du trading et du streaming à des fins des collectes de fonds caritatives, le trading caritatif. Si le trading caritatif est un modèle de philanthropie largement déployé aux Etats-Unis, et consiste à dédier tout ou partie des profits générés par des activités de spéculation financière à une ou plusieurs œuvres de bienfaisance, le modèle a été développé dans l'univers des crypto-actifs. En juin 2021, une initiative pionnière en France, portée par Alexandre Chkirate, avec le soutien de Binance Charity [275] et Paymium [276] , a transposé le concept du trading caritatif dans l'univers du Web3. Le premier marathon de trading a été organisé par l'association Crypto4Good, en partenariat avec la plateforme Kryll.io [277] , au cours duquel, pendant 24 heures sans interruption, l'événement, retransmis en direct sur Twitch, a réuni 3 200 spectateurs, créant une version « crypto » des téléthons traditionnels ou du Z Event [278] . L'objectif était de mobiliser une communauté autour d'un streaming à la fois éducatif et solidaire, où plusieurs équipes de traders s'affrontaient pour générer un maximum de profits et dont l'intégralité des gains générés, ainsi que les dons récoltés auprès de l'audience durant l'événement, ont été distribués à des associations caritatives. C'est ainsi que les associations des Restos du Cœur ou Entraide et Partage ont pu se partager dans cinq villes de France à Paris, Lyon, Marseille, Lille et Bordeaux les 36 000 € récoltés. L'événement a non seulement permis une collecte de fonds innovante, mais a également joué un rôle de vulgarisation, en invitant des figures connues de la communauté crypto francophone comme Hasheur [279] , Sébastien Borget de The Sandbox ou encore Thibaut de Meria, pour commenter et analyser les stratégies des traders en temps réel [280] .

6.2.2 Les métavers

Un métavers désigne un espace virtuel persistant et partagé où les utilisateurs, via des avatars, peuvent interagir entre eux et avec des objets numériques [281] . Ces environnements immersifs en 3D visent à simuler ou à étendre des aspects du monde réel, offrant de nouveaux types d'interactions sociales, selon des registres variés, allant du divertissement à des applications professionnelles, éducatives ou encore commerciales. La persistance signifie que le métavers continue d'exister et d'évoluer même lorsque les utilisateurs ne sont pas connectés, conservant l'état des interactions et des objets. Le partage implique que de nombreux utilisateurs peuvent se connecter simultanément et interagir au sein du même espace. Les avatars sont les représentations numériques des utilisateurs, leur permettant de s'immerger et d'agir dans ce monde virtuel et dont les casques de réalité virtuelle sont les dispositifs fétiches. Au-delà des jeux vidéo qui en sont souvent les précurseurs, le concept de métavers englobe une vision plus large d'un internet incarné et décentralisé, où la propriété des actifs numériques et de nouvelles formes de gouvernance jouent un rôle croissant. La promesse des métavers est de proposer d'autres manières de travailler, d'apprendre, de socialiser et de consommer, en brouillant les frontières entre les mondes physique et numérique.

Pour le secteur philanthropique, il représente un nouveau canal où mener des campagnes de sensibilisation, organiser des événements de collecte et engager des communautés engagées sans les contraintes géographiques du monde physique. Voici quelques-unes des expérimentations testées par la Croix Rouge, la fondation RadicalxChange ou encore le WWF en Allemagne.

En décembre 2023, une agence de communication parisienne a approché la Croix-Rouge française et The SandBox pour explorer un cas d'usage original d'expérimentation de crypto-philanthropie via la gamification et les NFT au sein d'un métavers. Né en 2011, The Sandbox a d'abord été un jeu vidéo en 2D en ligne permettant de créer des cartes de type Pixel Art, puis un métavers fonctionnant sur la blockchain Ethereum, où les utilisateurs peuvent créer, personnaliser et échanger des éléments numériques comme des terrains, des objets et des avatars. Ce monde virtuel est une plateforme décentralisée et communautaire, permettant à chacun de concevoir ses propres expériences de jeu et contenus interactifs grâce à des outils. Dans The Sandbox, tout est tokenisé [282] , notamment les parcelles de terrain (appelées LAND), les ensembles de terrains (ESTATE), ainsi que d'autres objets numériques, qui sont des NFT, certifiant leur propriété et leur authenticité. La monnaie interne du métavers est le token SAND, un crypto-actif utilisé pour toutes les transactions dans The Sandbox, comme l'achat de terrains, objets ou services. Ce token peut aussi être gagné en jouant et en participant à des activités, ce qui fait de The Sandbox un jeu « play-to-earn », Jouer pour gagner. De plus, les détenteurs de SAND participent à la gouvernance du projet via une Organisation décentralisée, une DAO, permettant de voter sur les décisions et les évolutions du métavers.

L'objectif principal de cette incursion de la Croix-Rouge dans le métavers The Sandbox était de sensibiliser les jeunes générations, Gen Z et Gen Alpha, aux missions de la Croix-Rouge, en utilisant la mécanique du Play-to-Give. Car en effet, l'enjeu aujourd'hui est de « de savoir comment les associations peuvent attirer la nouvelle génération, comment capter leur attention, alors que les canaux de communication habituels comme les newsletters, le courrier postal, les sites web et les applications mobiles n'engagent plus vraiment. Les gens veulent aussi mieux comprendre quelle est la mission de l'association, comment l'argent va être dépensé et quel en sera l'impact. Et le jeu vidéo est un excellent support pour cela [283] » explique Sébastien Borget, fondateur de The Sandbox.

L'expérience était structurée autour d'une gamification du parcours des bénévoles. Le modèle opérationnel reposait sur l'achat par les joueurs d'actifs numériques sous forme de NFTs liés au projet au sein de l'environnement virtuel de The Sandbox. Pour maximiser l'effet multiplicateur du don crypto et inciter les joueurs à acheter des NFT, The Sandbox s'était engagé à doubler les fonds collectés par l'intermédiaire de cette initiative. Plus précisément, pour chaque token SAND dépensé par les joueurs pour l'acquisition de NFTs liés au projet, The Sandbox s'était engagé à verser un montant équivalent à la Croix-Rouge.

Dans le cadre de la mise en œuvre de nouveaux modèles de vote, de financement et de gouvernance propres au Web3, la fondation RadicalxChange, organisation américaine à but non lucratif, a initié une collaboration avec la plateforme The Sandbox. Ce projet pilote visait à collaborer avec la communauté crypto-native de joueurs sur le métavers The Sandbox et éprouver ces environnements virtuels comme vecteurs de sensibilisation aux Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies et également comme canaux de financement pour des organisations de la société civile du Sud Global. Pour The Sandbox, « il s'agissait d'accroître la visibilité des jeux à impact social, expérimenter un modèle de dons Web3 pour les ONG, et aligner The Sandbox avec des causes mondiales telles que l'éducation et la santé dans les régions défavorisées [284] ». Le projet s'est structuré en deux temps distincts : une première phase dédiée à la création par les développeurs, suivie d'une phase d'engagement caritatif dite de « play-to-give ». La phase initiale du programme a débuté en avril 2024 par un hackathon [285] virtuel, l’Impact Game Jam [286] dont l'objectif était de mobiliser la créativité des développeurs informatiques pour concevoir des expériences ludiques tout en intégrant les Objectifs de développement durable (ODD) dans leurs mécaniques de jeu. Cette initiative a rassemblé 425 participants provenant de 17 pays, aboutissant à la création de 36 jeux originaux et la nomination de 10 lauréats.

Un aspect innovant du projet réside dans le mode de sélection des lauréats. Conformément aux modèles promus et expérimentés par la Fondation RadicalxChange, la communauté n'a pas procédé à un vote majoritaire simple, mais a utilisé le Vote quadratique (à rapprocher du financement quadratique - voir 1.2). Un aspect innovant du projet réside dans le mode de sélection des lauréats de ce hackathon. Conformément aux modèles promus et expérimentés par la Fondation RadicalxChange, la communauté a utilisé le vote quadratique pour « élire » les expériences de jeux qui ont ensuite été déployées lors de la seconde phase.

Qu'est-ce que le vote quadratique (ou vote pluriel [287] ) ?

Qu'est-ce que le Vote Pluriel (VP) ? Le Vote Pluriel est un système de vote qui permet aux gens d'exprimer non seulement leurs choix, mais aussi l'intensité de leurs convictions. Chaque participant dispose d'un budget de « crédits de voix » à répartir entre différents enjeux. Cependant, concentrer ses votes sur un seul sujet devient rapidement coûteux ; les participants doivent donc trouver un équilibre entre l'intensité de leur soutien et la diversité des sujets.

Quel problème cela résout-il ? Le Vote Pluriel aide les groupes à définir leurs priorités de manière équitable. Contrairement aux votes par oui/non ou aux simples classements, il révèle la force des préférences. Contrairement aux sondages, il empêche les participants d'exagérer leurs opinions gratuitement, car obtenir une influence supplémentaire entraîne un coût plus élevé.

Comment cela fonctionne-t-il ? Les votants répartissent un budget de « crédits de voix » sur plusieurs sujets. L'attribution de plusieurs votes à un même sujet coûte des crédits selon un taux quadratique : 1 vote vaut 1 crédit, 2 votes valent 4 crédits, 3 votes valent 9 crédits, etc. Cela permet l'expression d'opinions tranchées tout en empêchant la domination du scrutin par quelques voix bruyantes.

La deuxième phase, financière et orientée « play-to-give », a débuté en juin 2025 en s'appuyant sur les trois jeux victorieux issus du vote de la première phase. L'Organisation Autonome Décentralisée (DAO) de The Sandbox a voté l'allocation de 30 000 tokens SAND, le crypto-actif natif de la plateforme, pour constituer le Fonds de récompense (prize pool). Une levée de fonds a été organisée auprès des joueurs du métavers, qui ont acheté des NFTs, acquérant des objets utilisables dans le jeu. Ils ont également eu l'opportunité d'effectuer directement un don aux associations. Les deux lauréats, et bénéficiaires de la campagne de dons, les associations Clinic+ [288] en Guinée et Puerta18 [289] en Argentine, ont fait l'objet d'un accompagnement spécifique, révélant au passage la nécessaire éducation des structures bénéficiaires à la gestion de trésorerie en crypto-actifs et notamment, la création de portefeuilles, leur sécurisation, et la conversion des crypto-actifs en monnaies locales. Cette initiative constitue moins une solution de financement massive immédiate qu'un laboratoire d'expérimentation pour de nouveaux modèles inédits de gouvernance et de distribution de valeur.

Dernier exemple, celui de la branche allemande du WWF, en partenariat avec l'organisation Savespecies et la plateforme métaverse Journee. Ensemble, ils ont lancé une exposition virtuelle immersive et primée nommée #OceanDetox [290] . Lancée à l'occasion de la Journée Mondiale du Nettoyage (World Cleanup Day), le 17 septembre 2022, cette expérience visait à sensibiliser le public, et en particulier les jeunes générations, à la pollution plastique des océans d'une manière innovante et engageante. Accessible gratuitement depuis n'importe quel navigateur, l'exposition transportait les utilisateurs dans un monde virtuel où ils pouvaient explorer un environnement marin numérique. La pièce maîtresse de cette expérience était une baleine animée, conçue de manière photoréaliste et constituée de 50 objets de déchets plastiques flottants. Cette représentation artistique forte, créée par l'artiste Etienne Kiefer de Savespecies, illustrait de manière saisissante l'ampleur de la crise.

L'initiative intégrait un mécanisme de « Play-to-Donate » (voir supra) à travers lequel les visiteurs avaient la possibilité d'acheter ces objets de déchets sous forme de Trash NFTs sur la blockchain Polygon, et dont chaque achat représentait un don direct. Les fonds collectés ont servi à financer des projets réels de retrait de plastique des océans, notamment sur l'île de Phu Quoc au Vietnam, une région particulièrement affectée par la pollution plastique liée au tourisme. Si l'opération a initialement communiqué sur un résultat de 2 453 kg de plastique retirés, des sources plus récentes font état d'un total bien plus important, atteignant plus de 8 200 kg de déchets collectés grâce à cette campagne. L'opération #OceanDetox peut être vu comme un exemple de la manière dont le métavers et les NFTs sont utilisés pour créer des expériences à impact réel, générant à la fois une prise de conscience et des fonds pour des actions de conservation.

Risques, Enjeux et perspectives d'avenir

L'adoption des Technologies de registre distribué (DLTs) dans le secteur de la solidarité, bien que prometteuse en termes d'efficacité et de transparence, est confrontée à des risques éthiques et à des défis réglementaires qui nécessitent une approche didactique et rigoureuse afin de garantir que l'innovation serve l'autonomie et la souveraineté des bénéficiaires.

L'introduction des Technologies de registre distribué (DLTs) dans le secteur de l'aide humanitaire agit comme un pharmakon, un remède et un poison potentiels, posant des risques éthiques majeurs, notamment pour les populations les plus vulnérables. Le risque de crypto-colonialisme repose sur la reproduction des dynamiques de pouvoir historiques, où des solutions technologiques sont imposées du haut vers le bas, notamment par des entreprises technologiques privées et des agences humanitaires du Nord global. Ce phénomène se manifeste par la financiarisation des données, de potentielles failles d'externalisation et des risques majeurs liés à l'usage des données biométriques des bénéficiaires.

L'adoption de ces technologies génère également des risques d'exclusion et de perte de souveraineté pour les bénéficiaires, notamment dû à la fracture numérique propres à ces nouvelles technologies, et des risques d'immuabilité et de stigmatisation dûs à la nature immuable de ces registres distribués, si l'identité de bénéficiaires était divulguée.

L'environnement réglementaire autour des crypto-actifs et des DLTs reste également incertain et en constante évolution, posant des défis majeurs pour les acteurs de la solidarité. Le statut des Organisations Autonomes Décentralisées (DAO), notamment caritatives ou humanitaires, est entouré d'incertitudes juridiques tenant à l'absence de personnalité morale. Le propre d'une DAO étant de ne pas avoir de personnalité morale au sens traditionnel du terme et puisqu'elles ne sont immatriculées dans aucun registre public, cela soulève des problèmes d'application de la loi, de régime fiscal et de capacité à contracter, à posséder un patrimoine et à agir en justice. De plus, l'absence de personnalité morale rend la détermination de la responsabilité civile, pénale ou réglementaire complexe, les poursuites pouvant se focaliser sur les personnes identifiables associées à la DAO, comme des dirigeants de fait, des fondateurs, des développeurs, ou même des détenteurs de tokens de gouvernance.

Les Organisations à but non lucratif doivent en outre naviguer dans un paysage réglementaire strict, notamment en Europe et en France. Les lois sur la Lutte contre le Blanchiment d'Argent et le Financement du Terrorisme (LCB/FT) exigent une vérification des donateurs (Know Your Customer, KYC), ce qui introduit une friction sur le parcours de don. Les ONG doivent éviter les dons anonymes et s'assurer des protocoles mis en place par leurs prestataires. La fourniture de services sur crypto-actifs nécessite en outre l'agrément de Prestataires de Services sur Actifs Numériques (PSAN) en France. La régulation MiCA (Marchés de Crypto-Actifs) introduit de nouvelles obligations concernant l'émission de tokens de monnaie électronique (EMT), comme les stablecoins. Enfin, la volatilité des crypto-actifs exige des politiques de trésorerie claires, tandis que les risques de failles des smart contracts ou de vol de clés privées nécessitent l'usage de portefeuilles multi-signatures et des audits externes.

Au-delà de ces limites inhérentes à un secteur encore largement immature, le rapport « Aides, Charité & Philanthropie 2025/2026 » publié par l'association Blockchain for Good révèle que l'impact des Technologies de registre distribué (DLTs) transcende la simple création d'un nouveau canal de collecte de fonds pour les Organisations à but non lucratif.

La « Crypto philanthropie » inaugure l'émergence de nouveaux « champs des possibles », visant à un nouveau type de transparence, à une efficacité accrue des transferts de fonds et à une redéfinition de la gouvernance de l'aide internationale. Cette transformation s'opère sur trois niveaux structurels, celui du donateur, celui des acteurs de la solidarité et, enfin, celui du bénéficiaire.

Du point de vue du donateur, la confiance, pilier de la philanthropie traditionnelle basée sur la réputation, est redéfinie par la crypto-philanthropie pour être fondée sur la preuve vérifiable. Les Technologies de registre distribué (DLTs) fournissent un registre immuable et publiquement vérifiable qui permet aux donateurs de suivre l'utilisation de leurs contributions « de bout en bout ». De plus, de nouvelles formes d'engagement émergent, portées par des communautés technologiquement averties et capables de mobilisations rapides et massives, comme l'a illustré la collecte de plus de 100 millions de dollars suite à l'invasion russe de 2022. Ces communautés initient des organisations autonomes décentralisées (DAO) qui parfois amplifient la voix du plus grand nombre. Par exemple, le mécanisme de Financement Quadratique, proposé par des plateformes comme Gitcoin, privilégie le signal envoyé par le nombre de donateurs plutôt que le montant des dons individuels, renforçant ainsi la démocratie dans l'allocation du mécénat.

Du point de vue des acteurs de la solidarité, les Technologies de registre distribué (DLTs) offrent de nouvelles infrastructures numériques permettant l'optimisation globale des opérations. En contournant les systèmes financiers traditionnels, les crypto-actifs permettent des transferts transfrontaliers plus rapides et moins coûteux. L'usage des smart contracts et des données externes (Oracles) permettent le déploiement de nouveaux types d'aides, anticipées ou conditionnelles.

Cette programmabilité peut déclencher automatiquement l'envoi de fonds dès qu'un seuil prédictif de catastrophe est atteint, réduisant drastiquement les délais de paiement. Les DAO philanthropiques, telles que la Big Green DAO, ont démontré la capacité de réduire les frais généraux (moins de 5 % contre environ 15 % pour une fondation traditionnelle) en transférant le pouvoir de décision aux parties prenantes directement sur le terrain.

Du Point de vue du bénéficiaire, les Technologies de registre distribué (DLTs) présentent un double potentiel, agissant comme un pharmakon. D'une part, elles sont un remède offrant une inclusion sans précédent aux populations non bancarisées ou ne disposant pas de preuve d'identité formelle, le seul prérequis étant l'accès à un portefeuille de crypto-actifs via un simple téléphone mobile. L'aide peut être transférée directement, renforçant l'autonomie et la sécurité du bénéficiaire. Par exemple, le partenariat entre le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD, via Tadamon) et la Fondation Cardano utilise les Attestations Vérifiables (Verifiable Credentials) pour octroyer une identité numérique aux Organisations de la Société Civile (OSC), ramenant la validation de ces dernières de plusieurs semaines à quelques minutes.

D'autre part, ces innovations introduisent le péril d'un crypto-colonialisme. Cette critique souligne le risque de reproduire des dynamiques de pouvoir historiques, notamment lorsque des entreprises technologiques privées et des agences humanitaires collaborent en utilisant la biométrie des réfugiés. L'intégration de systèmes d'identité biométrique soulève des controverses éthiques majeures, un risque de financiarisation des données personnelles des populations déplacées et le risque que l'absence de garde-fous réglementaires permette à des acteurs privés de tester de nouvelles technologies sans responsabilité directe.

La crypto-philanthropie est orientée vers une transformation profonde de la manière dont les résultats sociaux sont financés et mesurés. L'avenir réside probablement dans l'alignement des incitations économiques et des résultats sociaux mesurables. De nouvelles formes d'aides évoluent vers un financement à preuve d'impact (ex-post), un modèle qui récompense l'impact réel et déjà produit, par opposition au financement prospectif (ex-ante) qui repose sur des promesses de projets. Des protocoles comme les Hypercerts illustrent cette approche en permettant aux financeurs d'acheter des certificats numériques représentant des impacts avérés, garantissant ainsi que les fonds sont alloués uniquement aux résultats prouvés.

Le défi final qui se pose au secteur de la solidarité est donc double : technique et éthique. Il ne s'agit plus de savoir si la Technologie de registre distribué (DLT) persistera, mais si le secteur sera capable de l'intégrer de manière responsable, en veillant à ce que les innovations, potentiellement renforcées par l'Intelligence Artificielle (IA), servent l’efficacité opérationnelle, l’impact social et environnemental, ainsi que l'autonomie et la souveraineté des parties prenantes, y compris les bénéficiaires. Cela implique de privilégier les solutions open source et les mécanismes de gouvernance véritablement décentralisés, afin de garantir que l'efficacité technocratique ne prenne pas le pas sur la dignité humaine et la protection des populations les plus vulnérables.

notes & references

[2] OECD (2024), Development Co-operation Report 2024: Tackling Poverty and Inequalities through the Green Transition, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/357b63f7-en

[3] Suivi par l'Allemagne, 36,7 milliards, le Japon, 19,6 milliards, le Royaume-Uni, 19,1 milliards et la France, 15,4 milliards
(Source : Ibid.)

[4] Understanding development aid (an overview). Focus 2030, 14 May 2021 https://focus2030.org/Understanding-development-aid-an-overview

[5] OCDE (2025), Perspectives mondiales du financement du développement durable 2025 : Vers une architecture plus résiliente et inclusive, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/1af1c624-fr .

[6] OECD (2025), “Cuts in official development assistance: OECD projections for 2025 and the near term”, OECD Policy Briefs, No. 26, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/8c530629-en .

[7] Center for Global Development, "USAID Cuts: New Estimates at the Country Level", Justin Sandefur, Charles Kenny March 26, 2025 https://www.cgdev.org/blog/ usaid-cuts-new-estimates-country-level

[8] Entretien avec Guillaume Soto-Mayor et Inès Haultfoeuille. Egrogor x Blockchain for Good, novembre 2025.

[9] Ibid.

[11] In 2024, remittance flows to low- and middle-income countries are expected to reach $685 billion, larger than FDI and ODA combined Dilip RathaSonia PlazaEung Ju Kim December 18, 2024 https://blogs.worldbank.org/en/peoplemove/in-2024--remittance-flows-to-low--and-middle-income-countries-ar

[12] The Giving Institute. (2024). Giving USA 2024: The Annual Report on Philanthropy for the Year 2023. Giving USA Foundation. https://givingusa.org/

[14] France Générosités, & Fondation de France. (2024). Panorama national des générosités (3e éd.). France Générosités. https://www.francegenerosites.org/ressources/ panorama-national-des-generosites-2024-decembre-2024/

[15] Charities Aid Foundation. (2024). UK Giving Report 2024. CAF. https://www.cafonline.org/insights/research /uk-giving-report/

[16] Schuyt, T. N. M. (Ed.). (2022). Giving in the Netherlands 2022. Springer https://library.oapen.org/handle/20.500.12657/59146

[17] 2025 Annual Report On Crypto Philanthropy, https://thegivingblock.com/annual-report/

[18] Entretien avec Guillaume Soto-Mayor et Inès Haultfoeuille. Egrogor x Blockchain for Good, novembre 2025.

[20] 2025 Annual Report On Crypto Philanthropy, https://thegivingblock.com/annual-report/

[21] Voir meme coin dans le Glossaire.

[22] Ethereum co-founder Vitalik Buterin is liquidating millions of dollars worth of memecoins to fund his Kanro charity By Daniel Kuhn People • January 6, 2025, 10:58AM EST https://www.theblock.co/post/333229/ethereum-co-founder-vitalik-buterin-is-liquidating-millions-of-dollars-worth-of-memecoins-to-fund-his-kanro-charity

[24] Entretien entre la Fondation RadicalxChange et Blockchain for Good, Aouatef Khelloqi, novembre 2025.

[28] Voir infra

[29] Entretien entre la Foundation RadicalxChange et Blockchain for Good, Aouatef Khelloqi, novembre 2025.

[32] “We spoke to the vigilante hackers who stole $85 million in ether to save it”, Jack Morse, Mashable, Jul 26 2017, https://mashable.com/article/ethereum-stolen-white-hat-group-rescued#ZPTC98wSEPOp

[33] “Giveth”, LinkedIn, retrieved May 10 2022, https://www.linkedin.com/company/givethio/about/

[35] “Welcome to the GIVeconomy”, Lauren, Dec 24, 2021, https://medium.com/giveth/welcome-to-the-giveconomy-b3e372da63dd Retrieved May 23, 2022.

[36] Consensys, fondée par Joseph Lubin, l'un des co-fondateurs d'Ethereum, est une entreprise leader dans le domaine du développement logiciel et du Web3, principalement connue pour avoir créé des outils phare pour l'écosystème, notamment le portefeuille MetaMask. https://consensys.io/

[37] « Nous proposons un modèle de financement philanthropique ou public destiné à permettre une fourniture (quasi) optimale d’un écosystème décentralisé et auto-organisé de biens publics. Ce concept étend les idées issues du vote quadratique pour en faire un mécanisme de financement de la formation endogène des communautés. Les citoyens apportent des contributions à des projets de biens publics qui ont de la valeur à leurs yeux. Le montant reçu par chaque projet est proportionnel au carré de la somme des racines carrées des contributions reçues. Selon le « modèle standard », cela conduit à une fourniture optimale des biens publics. Des variantes du mécanisme peuvent en limiter le coût, protéger contre la collusion et faciliter la coordination. Nous discutons d’applications possibles dans le financement des campagnes, les écosystèmes de logiciels libres, le financement des médias et les projets publics urbains. Plus largement, nous situons notre mécanisme dans la théorie politique, en examinant comment cette solution au problème du financement des biens publics peut fournir des règles neutres et non autoritaires pour la société tout en soutenant l’organisation collective ».

Buterin, Vitalik and Hitzig, Zoë and Weyl, Eric Glen, Liberal Radicalism: A Flexible Design For Philanthropic Matching Funds (December 2018). http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.3243656

[38] Entretien entre la Foundation RadicalxChange et Blockchain for Good, Aouatef Khelloqi, novembre 2025.

[39] Pour plus d'information, https://www.wtfisqf.com/

[40] Gitcoin Grants est une plateforme de financement participatif (crowdfunding) reposant sur une allocation des fonds basé sur le financement quadratique. https://grants.gitcoin.co/

[41] Gitcoin <> UNICEF: A powerful Quadratic Funding collaboration pilot, November 21, 2022. https://www.gitcoin.co/blog/gitcoin-unicef-qf-collaboration-pilot

[42] The Oakland Fund for Public Innovation https://www.oaklandfund.org

[43] Plurality: Technology for Collaborative Diversity and Democracy Audrey Tang, E. Glen Weyl September 15, 2022 https://www.radicalxchange.org/updates/blog/plurality-technology-for-collaborative-diversity-and-democracy/#english

[44] « Downtown Stimulus Program », Katie Johnson, Aug 7, 2020. Review https://medium.com/@katiebrenjohnson/downtown-stimulus-program-review-e89f67e29f4f

[46] Novak, M. (2023). Crypto altruism: Applying blockchain to charitable and humanitarian activities. Chinese Public Administration Review, 15(1), 11-23. https://doi.org/10.1177/15396754231175173 (Original work published 2024)

[47] Redefining Charitable Giving in the Digital Age https://www.pwc.ch/en/insights/fs/crypto-contributions.html

[48] Ibid.

[49] Reimagined Philanthropy: A Roadmap to a More Just World, Rockfeller, Philanthropy Advisors https://www.rockpa.org/wp-content/uploads/2023/12/Volume-1-Reimagined-Philanthropy-A-Roadmap-to-a-More-Just-World-PDF.pdf

[50] Aping into Progress: A Report on Crypto Philanthropy Authors Bryan Lehrer, July 06 2022. https://otherinter.net/research/crypto-philanthropy/

[52] Pilot Insights | How Stablecoins Transformed Aid in Syria—96% Faster, 60% Cheaper Oct 16, 2025 https://www.mercycorpsventures.com/blog/pilot-insights-how-stablecoins-transformed-aid-in-syria96-faster-60-cheaper

[53] Ibid.

[54] Digital Humanitarian Payments to Vulnerable Afghans By Michael Callen (LSE), Miguel Fajardo-Steinhäuser (LSE), Michael Findley (UT Austin), Tarek Ghani (WUSTL) and Shahim Kabuli 1 https://www.povertyactionlab.org/sites/default/files/Callen%20et%20al.%202023_JPAL%20Policy%20Report.pdf

[55] Pilot Insights | How Stablecoins Transformed Aid in Syria—96% Faster, 60% Cheaper Oct 16, 2025 https://www.mercycorpsventures.com/blog/pilot-insights-how-stablecoins-transformed-aid-in-syria96-faster-60-cheaper

[56] « How HesabPay became the first and only interoperable digital payments platform in Afghanistan », Algorand Foundation, December 16, 2023. https://algorand.co/case-studies/how-hesabpay-became-the-first-and-only-interoperable-digital-payments-platform-in-afghanistan

[57] Le code USSD, pour Unstructured Supplementary Service Data est un protocole de communication téléphonique permettant d'interagir instantanément avec un service via des codes courts (du type 123#). Fonctionnant sans connexion internet et compatible avec les téléphones mobiles les plus basiques, il constitue la technologie standard pour accéder aux services essentiels, comme le mobile money, les crypto-actifs, ou la consultation de solde, dans les zones à faible couverture réseau.

[58] Selon Mercy Corps, « l’incapacité des réseaux mobiles locaux à envoyer les codes PIN s’est révélée être la “plus grande surprise”, nécessitant une solution de contournement qui a permis de transmettre les codes de vérification via WhatsApp. De plus, bien que tous les participants possédaient un smartphone, certains participants plus âgés ont trouvé l’apprentissage du portefeuille numérique difficile, ce qui a nécessité un soutien et une formation supplémentaires. Les problèmes de connectivité Internet ont été résolus grâce à des points d’accès mobiles installés dans les zones publiques centrales ».

Source : «Pilot Insights | How Stablecoins Transformed Aid in Syria—96% Faster, 60% Cheaper», Oct 16, 2025, https://www.mercycorpsventures.com/blog/pilot-insights-how-stablecoins-transformed-aid-in-syria96-faster-60-cheaper

[59] Chainalysis est une société américaine d'analyse de données issues des blockchains publiques et des crypto-actifs et développe des outils logiciels pour les gouvernements et les institutions financières afin de suivre et d'analyser les transactions, notamment à des fins de conformité réglementaire et d'enquête sur les crimes financiers. https://www.chainalysis.com/

[60] « How HesabPay became the first and only interoperable digital payments platform in Afghanistan », Algorand Foundation, December 16, 2023. https://algorand.co/case-studies/how-hesabpay-became-the-first-and-only-interoperable-digital-payments-platform-in-afghanistan

[62] Clark, A., Mihailov, A. & Zargham, M. Complex Systems Modeling of Community Inclusion Currencies. Comput Econ 64, 1259–1294 (2024). https://doi.org/10.1007/s10614-023-10445-9

[63] One Year of Impacts 2024 Thu 31 October 2024 By Njambi Njoroge https://www.grassrootseconomics.org/impacts-2024

[64] Clark, A., Mihailov, A. & Zargham, M. Complex Systems Modeling of Community Inclusion Currencies. Comput Econ 64, 1259–1294 (2024). https://doi.org/10.1007/s10614-023-10445-9

[65] Ibid.

[66] Ibid.

[67] Shift is a campaign accelerator designed by Save the Children that supports young activists (aged 15-25 years) to design and deliver public campaigns for social or environmental change. https://resourcecentre.savethechildren.net/document/shift-implementation-guide

[69] « How Stablecoins Can Accelerate Localisation », Kourtney Rusow, Andy Nilsen, Chrispine Botha, Rigsar Wangchuk, Coala Pay, Save the Children, Shift Power Organisation, September 2025.

[70] MetaMask est un portefeuille numérique de cryptomonnaie https://metamask.io

[71] Yellow Card, « The first licensed Stablecoin on/off-ramp in Africa ». https://linktr.ee/yellowcard_app

[72] « How Stablecoins Can Accelerate Localisation », Kourtney Rusow, Andy Nilsen, Chrispine Botha, Rigsar Wangchuk, Coala Pay, Save the Children, Shift Power Organisation, September 2025.

[73] Ibid.

[77] Crypto Donations: The State of Play, Opportunities, Regulations, and Tax Treatment in the EU and France July 10, 2025 https://www.morganlewis.com/pubs/2025/07/crypto-donations-the-state-of-play-opportunities-regulations-and-tax-treatment-in-the-eu-and-france

[78] ‘Our partnership with GIZ is vital for the people of Syria’, Daher Zedan, 11.02.2025 https://www.giz.de/en/newsroom/stories/our-partnership-giz-vital-people-syria

[79] ID ASSIST Regional Humanitarian Partnership Week, Bangkok Transforming Humanitarian Aid Delivery Through Blockchain https://www.icvanetwork.org/uploads/2025/01/Stellar-Aid-Assist-Transforming-Humanitarian-Aid-Delivery-Through-Blockchain.pdf

[81] How GIZ and UOSSM used Stellar to transform payroll delivery in a conflict zone https://stellar.org/case-studies/giz-uossm

[82] The Bitcoin NGO Guide, Leigh Cuen, Human Rights Foundation, Bitcoin Policy Institute, https://www.btcfornonprofits.org

[83] Grants | Big Green DAO, consulté le octobre 31, 2025, https://dao.biggreen.org/grants

[84] BIG GREEN DAO disrupting philanthropic hierarchies The first non-profit led philanthropic DAO https://www.theouterhaven.org/dao/

[85] « Nous avons passé les 12 dernières années à aider les gens à cultiver leur propre nourriture — avec une éducation basée sur le jardin, des produits et systèmes de jardin modulaires et évolutifs, ainsi qu'une communauté de soutien et de collaboration. Nous avons construit un réseau de plus de 700 jardins d'apprentissage vivants et comestibles dans les écoles à travers le pays et faisons maintenant progresser les jardins à domicile, scolaires et communautaires partout dans le pays ». https://biggreen.org/

[89] Big Green DAO: Home, consulté le octobre 31, 2025, https://dao.biggreen.org/home

[91] Ibid.

[92] Big Green DAO: Home, consulté le octobre 31, 2025, https://dao.biggreen.org/home

[93] Grantmaking - Big Green, consulté le octobre 31, 2025, https://biggreen.org/grantmaking/

[94] DAO Election - Big Green, consulté le octobre 31, 2025, https://biggreen.org/election/

[99] Ibid.

[100] Introducing Ethelo - How can we make better decisions in web3 ..., consulté le octobre 31, 2025, https://gov.gitcoin.co/t/introducing-ethelo-how-can-we-make-better-decisions-in-web3/11187

[102] Introducing Ethelo - How can we make better decisions in web3 ..., consulté le octobre 31, 2025, https://gov.gitcoin.co/t/introducing-ethelo-how-can-we-make-better-decisions-in-web3/11187

[103] Voir la section : 1.2. Des organisations et des applications décentralisées > 1.2.1 Portées par une communauté crypto

[104] Ibid.

[105] Grantmaking - Big Green, consulté le octobre 31, 2025, https://biggreen.org/grantmaking/

[106] Trusted Budget Expenditure Regime

[107] “A blockchain-based workflow tool for an efficient and transparent project management”, TruBudget, retrieved May 10 2022, https://openkfw.github.io/trubudget-website/

[109] Banque mondiale FundsChain Blockchain pour la traçabilité des décaissements Foire aux questions (FAQ), 30 septembre 2025 https://ebizprd.worldbank.org/assets/docs/FundsChain-FAQs-External-French.pdf

[110] Building Blocks Blockchain network for humanitarian assistance - https://innovation.wfp.org/project/building-blocks

[111] Building Blocks Blockchain network for humanitarian assistance - Graduated Project https://innovation.wfp.org/project/building-blocks

[112] Ibid.

[114] Ibid.

[115] « Governing Blocks: Building Interagency Consensus to Coordinate Humanitarian » Aid Farah Awan, Soheib Nunhuck, Journal of Science Policy & Governance, University College London Department of Science, Technology, Engineering and Public Policy, Vol. 16, Issue 2, May 2020, https://doi.org/10.38126/JSPG160201

[116] « Charitable Giving — Blockchain Case Studies », Denise Tambanis, Blockchain Philanthropy Foundation, https://medium.com/bpfoundation . February 3, 2019

[117] « Governing Blocks: Building Interagency Consensus to Coordinate Humanitarian » Aid Farah Awan, Soheib Nunhuck, Journal of Science Policy & Governance, University College London Department of Science, Technology, Engineering and Public Policy, Vol. 16, Issue 2, May 2020, https://doi.org/10.38126/JSPG160201

[118] Building Blocks Frequently Asked Questions (FAQs), wfp.orgv20230201

[119] The Next Generation Humanitarian Distributed Platform, Sofie Blakstad and Charlotte Melkun (hiveonline), Ric Shreves (Mercy Corps), Danish Red Cross, Mercy Corps and hiveonline, November 2020 https://www.researchgate.net/publication/352539202_The_Next_Generation_Humanitarian_Distributed_Platform_3

[120] Building Blocks Blockchain network for humanitarian assistance - https://innovation.wfp.org/project/building-blocks

[121] Martin Lemberg-Pedersen & Eman Haioty (2020) Re-assembling the surveillable refugee body in the era of data-craving, Citizenship Studies, 24:5, 607-624, DOI: 10.1080/13621025.2020.1784641

[122] Ibid.

[123] Ibid.

[126] The Engine Room. (2018). Biometrics in the humanitarian sector. Oxfam International. https://policy-practice.oxfam.org/resources/biometrics-in-the-humanitarian-sector-620454/

[127] International Committee of the Red Cross (ICRC), Sophisticated cyber-attack targets Red Cross Red Crescent data on 500,000 people, 19-01-2022. https://www.icrc.org/en/document/sophisticated-cyber-attack-targets-red-cross-red-crescent-data-500000-people

[128] Boiardi, P. et E. Stout (2021), « To what extent can blockchain help development co-operation actors meet the 2030 Agenda? », OECD Development Co-operation Working Papers, n° 95, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/11857cb5-en .

[129] “A blockchain-based workflow tool for an efficient and transparent project management”, TruBudget, retrieved May 10 2022, https://openkfw.github.io/trubudget-website/

[130] https://github.com/openkfw/TruBudget

[131] News from 2022-09-12 / KfW Development Bank Double upgrade for TruBudget software https://www.kfw-entwicklungsbank.de/About-us/News/News-Details_725696.html

[132] AGUA: Revolutionizing Global Collaboration for Funding Transparency (with Growth Graduate Atix Labs) https://www.unicefventurefund.org/story/agua-revolutionizing-global-collaboration-funding-transparency-growth-graduate-atix-labs

[133] Atix Labs utilise Rootstock qui permet de créer des smart contracts compatibles EVM sur le réseau Bitcoin. https://rootstock.io/

[134] https://statwig.com/ VaccineLedger is a blockchain-powered platform that tracks vaccines from manufacturing to delivery, ensuring transparency, reducing wastage, and improving efficiency.

[137] Bangladesh launches nationwide typhoid conjugate vaccine campaign to protect 50 million children, 12 October 2025 https://www.gavi.org/news/media-room/bangladesh-launches-nationwide-typhoid-conjugate-vaccine-campaign-protect-50

[138] Stiegler, B. (2010). Ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue : De la pharmacologie. Flammarion.

[139] How GIZ and UOSSM used Stellar to transform payroll delivery in a conflict zone https://stellar.org/case-studies/giz-uossm

[142] Selon la Banque Mondiale, 850 millions de personnes dans le monde n'ont pas de pièce d'identité officielle, Au moins 1,1 milliard de personnes n'ont pas d'enregistrement numérique de leur identité ; Au moins 1,25 milliard de personnes n'ont pas d'identité vérifiable numériquement ; et au moins 3,3 milliards de personnes n'ont pas accès à une identité numérique reconnue par un gouvernement pour effectuer des transactions en ligne de manière sécurisée. Source : Banque Mondiale (World Bank), Initiative ID4D : https://id4d.worldbank.org/global-dataset

[143] Voir Chapitre 5.1.2 Les attestations vérifiables et les identifiants décentralisés

[144] « Blockchain Island A critical discourse analysis of the colonial construction of a Puerto Rican crypto utopia », María De Los Milagros Colón Cruz, N°264 Media@LSE, London School of Economics and Political Science, 2022. https:// www.lse.ac.uk/media-and-communications/assets/documents/research/msc-dissertations/2021/Colo%CC%81n.pdf

[145] Toussaint Nothias, « An intellectual history of digital colonialism », Journal of Communication, 2025, https://doi.org/10.1093/joc/jqaf003

[146] Ibid.

[147] « Blockchain Island A critical discourse analysis of the colonial construction of a Puerto Rican crypto utopia », María De Los Milagros Colón Cruz, N°264 Media@LSE, London School of Economics and Political Science, 2022. https:// www.lse.ac.uk/media-and-communications/assets/documents/research/msc-dissertations/2021/Colo%CC%81n.pdf

[148] Ibid.

[149] Naomi Klein relate la lutte des Portoricains qui, au lendemain de l'ouragan Maria, opposent un modèle de reconstruction durable et communautaire aux intérêts privés, « les capitalistes du désastre », cherchant à profiter de la catastrophe pour privatiser les ressources de l'île. Elle décrit l'arrivée massive d'entrepreneurs des blockchains et d'investisseurs en cryptomonnaies, qu'elle surnomme les « Puertopians », qui débarquent sur l'île pour profiter de lois fiscales très avantageuses. Leur objectif est de transformer Porto Rico en une « Crypto Island » ou un paradis libertarien, profitant du vide laissé par la catastrophe pour imposer leur vision, ce que l'auteure qualifie de « crypto-colonialisme ». Klein, N. (2018). The battle for paradise: Puerto Rico takes on the disaster capitalists. Chicago, Illinois: Haymarket Books. https://catalog.freelibrary.org/Record/2419215

[150] « Blockchain Island A critical discourse analysis of the colonial construction of a Puerto Rican crypto utopia », María De Los Milagros Colón Cruz, N°264 Media@LSE, London School of Economics and Political Science, 2022. https:// www.lse.ac.uk/media-and-communications/assets/documents/research/msc-dissertations/2021/Colo%CC%81n.pdf

[151] Ibid.

[152] Lemberg-Pedersen, M., & Haioty, E. (2020). Re-assembling the surveillable refugee body in the era of data-craving. Citizenship Studies, 24(5), 607–624. https://doi.org/10.1080/13621025.2020.1784641

[153] Ibid.

[154] Ibid.

[155] Toussaint Nothias, « An intellectual history of digital colonialism », Journal of Communication, 2025, https://doi.org/10.1093/joc/jqaf003

[156] « Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il ne s'agit pas que d'une simple photo d'un iris, mais des deux iris et aussi des photos du visage complet, en 2D et 3D, à la lumière visible et sous deux types d'infra-rouge » in « Worldcoin (World ID) : Inutile, inefficace et dangereux », Frédéric Martin, 9 août 2023. https://www.linkedin.com/pulse/worldcoin-world-id- inutile-inefficace-et-dangereux-frédéric-martin/

[157] Worldcoin collecting biometric data, Parliamentary question - E-000961/2024 European Parliament https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-9-2024-000961_EN.html

[158] Cheesman, M. (2020). Self-Sovereignty for Refugees? The Contested Horizons of Digital Identity. Geopolitics, 27(1), 134-159. https://doi.org/10.1080/14650045.2020.1823836

[159] Ibid.

[160] Acclassato, D.-H. (2008). Les plafonnements de taux d'intérêt en microfinance servent-ils réellement les pauvres et petits opérateurs économiques ? Mondes en développement, 141(1), 93-109. https://doi.org/10.3917/med.141.0093 .

[161] « The Dark Side of Microfinance: An Industry Where the Poor Play ‘Cameo Roles’ », Knowledge at Wharton, University of Pennsylvania, July 18, 2012. https://knowledge.wharton.upenn.edu/podcast/knowledge-at-wharton-podcast/the-dark-side-of-microfinance-an-industry-where-the-poor-play-cameo-roles/

[162] Beck, Thorsten. 2015. Microfinance: A Critical Literature Survey. IEG working paper,2015/No.4;. © Independent Evaluation Group, World Bank Group. http://hdl.handle.net/10986/23546 License: CC BY 3.0 IGO

[163] Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL). 2023. "Microcredit: impacts and promising innovations." J-PAL Policy Insights. Last modified May 2023 https://www.povertyactionlab.org/policy-insight/microcredit-impacts-and-promising-innovations

[164] Entretien avec Guillaume Soto-Mayor et Inès Haultfoeuille. Egrogor x Blockchain for Good, novembre 2025.

[165] « Evidence on Microcredit: Rethinking Financial Tools for the Poor », Abhijit Banerjee Massachusetts Institute of Technology Dean Karlan Northwestern University Jonathan Zinman Dartmouth College, Innovations for Poverty Action (IPA), 2015. https://poverty-action.org/impact/evidence-microcredit-rethinking-financial-tools-poor

[166] Ibid.

[167] Banerjee, Abhijit, Esther Duflo, Rachel Glennerster, and Cynthia Kinnan. 2015. "The Miracle of Microfinance? Evidence from a Randomized Evaluation." American Economic Journal: Applied Economics 7 (1): 22–53. DOI: 10.1257/app.20130533

[168] Servet, J.-M. (2015). Chapitre 6. Pourquoi l’impact du microcrédit sur la réduction de la pauvreté en Afrique subsaharienne est-il limité ?. In B. Paranque & R. Pérez (éds.), La finance autrement ? (1‑). Presses universitaires du Septentrion. https://doi.org/10.4000/books.septentrion.8287

[169] Hébergé au sein de la Banque mondiale, le CGAP est un partenariat mondial réunissant plus de 35 organisations de développement de premier plan, qui œuvre à l'amélioration des conditions de vie des personnes vivant dans la pauvreté, en particulier les femmes, grâce à l'inclusion financière. Voir notamment : Fragility and inclusive finance https://www.cgap.org/topics/collections/fragility-and-inclusive-finance

[170] Duvendack, Maren & Palmer-Jones, Richard & Copestake, James & Hooper, Lee & Loke, Yoon & Rao, Nitya. (2011). What is the Evidence of the Impact of Microfinance on the Well-Being of Poor People? EPPI-Centre.

[171] Pilot Insights | Unlocking DeFi-powered Credit for Microentrepreneurs in Colombia, October 8, 2025. https://www.mercycorpsventures.com/blog/pilot-insights-unlocking-defi-powered-credit-for-microentrepreneurs-in-colombia

[172] Alcaldía de Medellín Secretaría de Desarrollo Económico, Banco Distrital de Medellín, https://www.medellin.gov.co/es/secretaria-desarrollo-economico/banco-distrital-medellin/

[175] L'« instant de raison » est une fiction juridique (un très court laps de temps) accordé entre le moment où le crypto-actif est transféré par le donateur et le moment où il est converti en monnaie fiduciaire (euros, dollars, etc.) par le prestataire spécialisé. Cette fiction permet de faire comme si le bénéficiaire, l'association à but non lucratif, n'avait jamais détenu la cryptomonnaie dans son propre portefeuille.

[177] BTCPay Server est un logiciel open-source et auto-hébergé qui permet aux commerçants et particuliers d'accepter des paiements en Bitcoin sans passer par un intermédiaire ni payer de frais autres que ceux du réseau Bitcoin. Il offre une solution sécurisée, privée, et gratuite pour gérer les paiements en Bitcoin directement vers son propre portefeuille, que ce soit en ligne ou en boutique. Cela en fait une alternative démocratique et contrôlée par l'utilisateur à des processeurs de paiement centralisés. https://btcpayserver.org/

[178] « Le Fonds de Développement Bitcoin (Bitcoin Development Fund - BDF) se consacre au soutien des individus et des projets qui font de Bitcoin et des technologies de liberté associées des outils plus puissants pour les défenseurs des droits humains opérant dans des environnements politiques difficiles ». https://hrf.org/program/financial-freedom/bitcoin-development-fund/

[179] Né dans la Californie contestataire des années 1990, le mouvement Cypherpunk est une fusion des termes « cipher » (chiffre) et « cyberpunk ». Il rassemble des cryptographes, des programmeurs et des activistes unis par une conviction fondamentale : la cryptographie est un outil politique de libération. Leur pensée est cristallisée dans l'œuvre séminale d'Eric Hughes, « A Cypherpunk's Manifesto », publiée en 1993. Ce texte énonce des principes qui résonnent encore aujourd'hui au cœur de l'écosystème décentralisé. Le manifeste affirme que « la vie privée est nécessaire pour une société ouverte à l'ère électronique ». Dans un monde où les communications et les transactions deviennent numériques, la capacité des individus à protéger leurs informations personnelles contre la surveillance des gouvernements et des entreprises devient un enjeu de liberté fondamental. Les Cypherpunks ne se contentent pas de plaider pour la vie privée ; ils agissent. Une phrase clé du manifeste souligne cette orientation pragmatique : « Les Cypherpunks écrivent du code ». Ils ne font pas confiance aux institutions pour leur accorder la vie privée par bienveillance, mais construisent les systèmes qui la garantissent par la force des mathématiques. Cette approche proactive, qui consiste à bâtir des outils pour changer la société, est l'ADN même du développement Web3.

[181] « Lido est une suite de logiciels open-source qui fonctionnent sur la blockchain Ethereum. Grâce à ce protocole, les utilisateurs peuvent créer des jetons utilitaires transférables. Ces jetons génèrent des récompenses issues de la validation des transactions sur la blockchain, et peuvent en parallèle être utilisés dans d'autres applications de l'écosystème ». La valeur totale bloquée dans le protocole Lido, en novembre 2025, s'élève à 33 milliards de dollars. Source : https://lido.fi/faq

[183] MSF lance "Stake2Care" pour permettre aux utilisateurs de cryptomonnaies de soutenir l'action humanitaire 26/09/2024. https://www.msf.ch/nos-actualites/communiques-presse/msf-lance-stake2care-permettre-aux-utilisateurs-cryptomonnaies

[191] Ibid.

[192] Brale conserve l'intégralité des rendements générés sur les deux premiers millions de dollars. Avec un taux d'intérêt moyen des Bons du Trésor américain (US Treasuries) à court terme ou des équivalents de trésorerie à 4,5 %, cela représente 90 K$ par an. La capitalisation de Glo Dollar oscillant entre 3,5 et 3,1 millions de dollars depuis mai 2023 (Source : https://coinmarketcap.com/currencies/glo-dollar/ ), la part des revenus de trésorerie perçus par la Fondation Glo qu'elle reverse ensuite intégralement oscille entre 3 et 4 K$ par mois s'élever à 49 K$ par an, ce qui représente 35 % des revenus totaux. La Fondation Glo reverse l'intégralité de ses revenus à des projets dont la liste est consultable ici : https://www.glodollar.org/articles/donations . Pour atteindre un partage à 50/50 entre Brale et la Fondation Glo, il faudrait que le Glo Dollar atteigne une capitalisation de 4 millions de dollars. A 50 millions de dollars de capitalisation, si la part des revenus de Brale n'évolue pas, 96 % des revenus sont redistribués.

[204] Endaoment and Gitcoin Unveil New Universal Impact Pool to Kindle Philanthropic Giving, June 29th, 2023. https://endaoment.mirror.xyz/EXi2QTH98aZldEHD9HDBiqR4trGi4HxYJu0U_beT9NI

[205] Voir 1.2. Des organisations et des applications décentralisées > 1.2.1 Portées par une communauté crypto https://docs.google.com/document/d/1DYgZ_p1AzcaGFb97ZCIWtR8HaNmZqMMsckvFK_XzKE0/edit?tab=t.d79ur2kxbven#heading=h.nn9dm12gkys0

[209] « L'avenir de l'aide humanitaire : l'Action Anticipatoire, la Blockchain et l'IA », Podcast, Crypto Altruists Episode 192, Drew Simon, 18 février 2025, https://www.cryptoaltruists.com/blog/crypto-altruists-episode-192-mercy-corps-ventures-how-web3-ai-are-transforming-humanitarian-aid-with-anticipatory-action

[211] Benson (Njuguna) Mbuthia, Chief Product Manager

[212] « Blockchain-Powered Anticipatory Cash Transfers for Climate Shocks, ft. Shamba Network, Fortune Credit, and DIVA Donate », Podcast, Crypto Altruists Episode 177, Drew Simon, 22 octobre 2024, https://www.cryptoaltruists.com/blog/crypto-altruists-episode-177-blockchain-powered-anticipatory-cash-transfers-for-climate-shocks-ft-shamba-network-fortune-credit-and-diva-donate

[213] Ibid.

[214] Ripple Impact Pilot: RLUSD for Drought Relief in Kenya, April 4, 2025 https://ripple.com/insights/ripple-impact-pilot-rlusd-for-drought-relief-in-kenya

[215] Fortune Credit Limited est une institution de microfinance au Kenya, qui fournit du crédit, des assurances et d'autres services non financiers à plus de 50 000 clients dans le pays. Les clients de Fortune Credit vont des petits exploitants agricoles et éleveurs aux micro-détaillantes et aux jeunes du secteur de la mobilité. https://www.mercycorps.org/blog/anticipatory- cash-transfers-in-kenya

[216] Il s'avère que la couverture nuageuse a créé des valeurs aberrantes, outliers, dans les données, ce qui a faussé la moyenne de l'indice de végétation et a conduit à un déclenchement de paiement qui « n'aurait probablement pas dû se produire » selon les instigateurs du projet. De plus, la majorité des fonds n'a pas été utilisée pour acheter du fourrage, mais pour acheter plus d'animaux, les éleveurs ayant perçu cet argent comme un investissement pour reconstituer leur troupeau plutôt que pour préserver celui existant.

[217] Ibid.

[218] Voir notamment « Les enfants invisibles », Dossier pédagogique Éducation à la citoyenneté, à la solidarité et aux droits de l’enfant Niveaux collège / lycée Octobre 2009 Avec le parrainage du ministère de l’Education nationale https://www.unicef.fr/sites/default/files/userfiles/les_enfants_invisibles.pdf

[219] 1 milliard de personnes ne peuvent pas prouver leur identité dans le monde.

[220] UNITED NATIONS, Goal 10: Reduce inequality within and among countries, 10.C Target, https://www.un.org/sustainabledevelopment/inequality/

[224] « Investigating safe data sharing and systems interoperability in humanitarian cash assistance », Bryan Pon, Alphoncina Lyamuya, Emrys Schoemaker, and Horacio Nunez - Caribou Digital, Dignified Identities in Cash Assistance consortium (DIGID), the Norwegian Refugee Council, the Norwegian Red Cross and Save the Children Norway, https://www.calpnetwork.org/publication/investigating-safe-data-sharing-and-systems-interoperability-in-humanitarian-cash-assistance/

[226] L'Organisation de la Coopération Islamique (OCI), qui possède une délégation permanente au sein de l'Organisation des Nations unies, est une organisation intergouvernementale créée le 25 septembre 1969 à Rabat et dont le siège se situe à Djeddah en Arabie saoudite, et dont la vocation est vocation est de promouvoir la coopération dans les domaines économiques, sociaux, culturels et scientifiques.

[227] La Banque islamique de développement ou BID, créée en 1973 en Arabie saoudite, a pour objectif d'être une banque mondiale pour les pays de confession musulmane.

[228] Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), situé à New York, aux États-Unis, fait partie des programmes et fonds de l'ONU dont le rôle est d'apporter une aide aux pays du Sud Global.

[229] Tadamon Accelerator - Food Security https://tadamon.community/accelerator

[230] Voir Graphique « L'identité décentralisée et les attestations vérifiables » au Chapitre 5.1.2 Les attestations vérifiables et les identifiants décentralisés.

[232] « Veridian: A Next-Generation Digital Identity Platform », Thomas A. Mayfield, April 2, 2025 https://cardanofoundation.org/blog/veridian-digital-identity-platform

[234] L'« Outcomes-based financing (OBF) est défini par l'OCDE comme des approches qui lient le financement à l'atteinte d'objectifs prédéfinis » et reposent sur trois caractéristiques essentielles. (1) Les résultats sont définis collectivement en amont. (2) Les paiements sont liés à l'atteinte de ces résultats, de manière partielle ou totale. (3) Les résultats sont vérifiés de manière indépendante. Source : Guerrero-Ruiz, A. (2025). Outcomes-Based Financing in the New Financing for Development Architecture: Lessons and opportunities for governments, development partners, and multilateral organisations. OECD Development Co-operation Working Papers, DCD(2025)9. Paris. June 2025, https://one.oecd.org/document/DCD(2025)9/en/pdf

[235] « Impact tokens: A blockchain-based solution for impact investing », David Uzsoki, Patrick Guerdat, International Institute for Sustainable Development, IISD, April 2019. https://altiorem.org/research/impact-tokens-a-blockchain-based-solution-for-impact-investing/

[237] The Internet of Impact Dr Shaun Conway 1 , Dr Michael Zargham 2 , Dr Tat Lam 3 and Joe Andrieu 4 1 ixo Foundation , 2 BlockScience , 3 Shanzhai City , 4 Legendary Requirements May 2021 https://fr.scribd.com/document/706400810/Ixo- Internet-of-Impact-White-Paper-Working-Draft-May-2021

[240] « Impact tokens: A blockchain-based solution for impact investing », David Uzsoki, Patrick Guerdat, International Institute for Sustainable Development, IISD, April 2019. https://altiorem.org/research/impact-tokens-a-blockchain-based-solution-for-impact-investing/

[242] ixo Foundation: A Blockchain-Based Response to the UN’s Call for a Data Revolution Rebecca Campbell By Rebecca Campbell December 1, 2017 https://bitcoinmagazine.com/culture/ixo-foundation-blockchain-based-response-un-call-data-revolution

[243] Blockchain for education in South Africa: Q&A with Joyce Zhang from ixo and Amply, Aaron Fernando|May 15, 2018 https://www.shareable.net/blockchain-for-education-in-south-africa-qa-with-joyce-zhang-from-ixo-and-amply/

[244] Charities Rewarding Donors with Proof of Donation NFTs https://www.nft.kred/charities-donation#how

[245] NFT, Jacques-André Fines Schlumberger- N°57-58 Printemps – été 2021. https://la-rem.eu/2021/07/nft/

[247] Yearly NFT Market Report 2021 HOW NFTS AFFECT THE WORLD, 2022 NonFungible Corporation, https://nonfungible. com/static/market-reports/2021-yearly-nft-market-report.pdf

[249] « Twitter CEO Jack Dorsey’s first tweet NFT sells for $2.9 million », Todd Haselton, Mar 22, 2021. https://www.cnbc.com/2021/03/22/twitter-ceo-jack-dorseys-first-tweet-nft-sells-for-2point9-million.html

[250] Art Blocks artist donates $3.5m in Eth to Médecins Sans Frontières via Australian branch Coinhead 12 Oct 2021 Derek Rose https://stockhead.com.au/cryptocurrency/art-blocks- artist-donates-3-5m-in-eth-to-medecins-sans-frontieres-via-australian-branch/

[253] World Day for Glaciers & World Water Day Celebration https://www.un.org/en/observances/water-day

[258] Leap of Faith: Auction to Benefit Children's Cancer Research Attracts Major Crypto Artists, Erika Lee Dec 6, 2024 https://decrypt.co/295302/leap-art-basel-auction-childrens-cancer-research

[259] « In Conversation With Leap », Megan DeMatteo, July 28, 2025. https://opensea.io/blog/articles/in-conversation-with-leap

[260] Ibid.

[262] Javogues, J. (n.d.). La révolution silencieuse : Comment les crypto monnaies pourraient transformer l'aide humanitaire. France générosités.

[263] Boss Beauties, A collection inspired by the women & girls of MySocialCanvas, https://dappradar.com/dapp/boss-beauties/nfts?range-nc=all

[264] « The Diversity, Equity And Inclusion Potential Of NFTs », Rebekah Bastian, Oct 24, 2021. https://www.forbes.com/sites/rebekahbastian/2021/10/24/the-diversity-equity-and-inclusion-potential-of-nfts/

[265] « United Nations to Go NFT on International Women’s Day », Bob Mason, February 9, 2022. https://finance.yahoo.com/news/united-nations-nft-international-women-034549872.html

[266] in « La réception des organisations autonomes décentralisées (ou « DAO ») en droit français », Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris, Groupe de travail présidé par Hubert de Vauplane, 31 mai 2024.

[267] Empowering pastoralists in Kenya - The 6th DIVA Donate campaign, Wladimir Weinbender at September 30, 2025 https://www.divadonate.xyz/posts/diva-conditional-donations-pastoralists-6

[270] 100 Eth for Emergency Humanitarian Assistance in Ukraine with UNICEF Proposed by max-power.eth Delegated Nouns: max-power.eth https://nouns.wtf/vote/42

[272] Compound est un protocole de finance décentralisée (DeFi) qui permet de prêter des cryptomonnaies pour générer des intérêts ou d'en emprunter en déposant d'autres actifs en garantie. https://compound.finance/

[274] List of PH Axie Infinity, Crypto, and Crypto Art Community Donation Drives Typhoon Odette Victims By BitPinas 2021-12-19 https://bitpinas.com/feature/list-axie-infinity- crypto-art-community-donation-typhoon-odette/

[275] Binance Charity est la branche philanthropique de la plus grande plateforme au monde d'échange de crypto-actifs. https://www.binance.charity/

[276] Créée en 2011, Paymium est l'une des premières plateformes françaises d'échange de crypto-actifs. https://www.paymium.com/

[277] Fondé en France en 2018, Kryll est un logiciel de suivi et de gestion de portefeuille de crypto-actifs web3 https://kryll.io/

[278] ZEvent est un marathon caritatif de streaming organisé sur la plateforme Twitch dont la 9e édition en 2025 a récolté 16 millions d'euros partagé par 5 associations.

[281] « Métavers », Jacques-André Fines Schlumberger- N°59 Automne 2021 https://la-rem.eu/2021/11/metavers/

[282] Voir Tokenisation dans le Glossaire

[283] Cannes, Ethereum

[285] Le terme est un mot-valise formé de « hack », dans le sens de bricolage créatif ou de programmation exploratoire et de « marathon », pour l'endurance. Un hackathon est un événement, souvent compétitif, où des groupes de personnes - développeurs, designers, chefs de projet, experts métier, etc., se réunissent pour travailler de manière intensive sur des projets informatiques ou numériques pendant une période limitée.

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Altcoin

Un Altcoin désigne toutes les crypto-actifs alternatifs au bitcoin. Depuis la création du premier bitcoin en 2009, le site coinmarketcap.com en dénombrait 2 360 au 22 juillet 2019, 10 429 au 15 juin 2021 et 20 246 en juillet 2022.

Application décentralisée, Decentralized Application - dApps

Pour Andreas Antonopoulos (Auteur du livre de référence « Mastering Bitcoin 2nd Edition: Programming the Open Blockchain », 2017, O'Reilly, ISBN 978-1491954386), une application décentralisée inclut « un ou plusieurs smart contract déployé(s) sur une ou plusieurs blockchain, une interface utilisateur transparente, un modèle distribué de stockage de données, un protocole de communication de messages de pair à pair et un système décentralisé de résolution de noms » (« Mastering Bitcoin - Second Edition », Andreas M. Antonopoulos, Creative Commons, retrieved Jun 15 2022, https://github.com/bitcoinbook/bitcoinbook). Une fois déployée sur une blockchain publique comme Ethereum, le code informatique d'une application décentralisée (dApp) ne peut ni être supprimé ni être arrêté afin que quiconque puisse en utiliser les fonctionnalités. Cela veut dire que même si la personne ou le groupe de personne à l’origine de l’application disparaît, l’application décentralisée, quant à elle, continuera de fonctionner.

Arbre de Merkle (ou Arbre de hachage)

En informatique et en cryptographie, un arbre de Merkel est une structure de données contenant un résumé d'information d'un grand volume de données. Le principe d'un arbre de hachage est de pouvoir vérifier l'intégrité d'un ensemble de données sans les avoir nécessairement toutes au moment de la vérification. Pour ce faire, au sein d’une série de données, l’une d’entre elles est hashée. Ce hash sera accolé à un hash d’une deuxième donnée issue de la même série. Cette concaténation va permettre de créer un hash parent. Le processus se répète avec les hash parents jusqu’à arriver à un hash unique, appelé le hash sommet. Ainsi, pour vérifier l’intégrité d’une donnée, il suffit de connaître le hash des données qui lui sont reliées.

Atomic Swap

En finance, le swap, de l'anglais to swap – échanger, désigne un contrat d'échange financier. Dans le domaine des crypto-actifs, un Atomic Swap désigne une méthode d’échange de token en pair-à-pair. Cette méthode repose sur un smart contract* spécifique appelé « contrats à empreinte numérique verrouillés dans le temps » (hashed TimeLocked Contracts (HTLCs). Le principe repose sur la garantie que les deux personnes qui échangent des tokens le feront réellement. Le smart contract requiert que le destinataire d’un paiement accuse réception du paiement dans un temps imparti, en générant un récépissé cryptographique. Si ce n’est pas le cas, le destinataire perd le droit d'accéder aux fonds qui sont alors retournés à l’expéditeur.

Attestations vérifiables, Verifiable Credential - VC

Preuves numériques délivrées par un tiers (appelé issuer) à un utilisateur (holder) prouvant une caractéristique de son identité (son âge, son lieu de naissance, …). Ainsi, en présentant ces attestations vérifiables à un vérificateur (verifier), l’utilisateur peut transmettre les informations strictement nécessaires pour accéder à un service tout en restant maître de ses données personnelles.

Crypto-actif stable (ou Stablecoin), Stable coin

Crypto-actif collatéralisée par une monnaie fiduciaire ou sur un autre crypto-actif, respectant une parité fixe vis-à-vis de celle-ci ou celui-ci. Par exemple, le crypto-actif stable Dai de MakerDAO respecte une parité fixe vis-à-vis du dollar américain : 1 Dai = 1 USD. Il existe trois types de crypto-actifs stables, correspondant à trois moyens de respecter cette parité. D’une part, les crypto-actifs stables centralisés sont créés à partir de réserves en monnaie fiduciaire (par exemple, le dollar américain) déposées par les utilisateurs dans l’application et conservées en banque par les opérateurs du service. De fait, la quantité de crypto-actifs mise en circulation correspond exactement aux réserves de monnaie fiduciaire. D’autre part, les crypto-actifs stables décentralisés sont créés à partir de réserves dans d’autres crypto-actifs. Ainsi, les crypto-actifs stables sont créés en fonction de la valeur, en dollar, des autres crypto-actifs détenus en réserve. Le Dai de MakerDAO, précédemment mentionné, est un crypto-actif stable décentralisé. Enfin, il existe des crypto-actifs stables décentralisés algorithmiques, qui sont créés en fonction des variations d’une autre crypto-actif créée par le même opérateur de service. Cet autre crypto-actif sera émis et racheté de sorte à faire fluctuer le cours par rapport au dollar américain. Sa valeur en dollar permettra de créer des crypto-actifs stables. Ce processus a été très décrié notamment lors de l’effondrement du stablecoin algorithmique Luna/Terra.

Explorateur de blockchain, Block Explorer

Toute blockchain publique dispose d'une interface de ligne de commande (Command line interface - CLI) pour afficher l'historique des transactions sur le réseau. Afin de permettre à quiconque d’accéder à l’historique de ces transactions, la plupart des blockchains publiques proposent également un « explorateur » accessible via un navigateur web afin d’afficher de manière conviviale les informations recherchées. Voir par exemple https://www.blockchain.com/explorer.

Finance Décentralisée, Decentralized Finance - DeFi

La DeFi est un écosystème d’applications reproduisant des services financiers sur une blockchain. Elles permettent à quiconque en a les moyens et indépendamment du pays où il se trouve ou de sa nationalité, d’emprunter, prêter et investir, assurer et échanger des crypto-actifs sans passer par un intermédiaire, les transactions étant sécurisées via l’usage d’une blockchain et de smart contracts.

Financement quadratique, Quadratic funding

Il s'agit d'un mécanisme de financement participatif qui vise à optimiser le financement des biens publics. Dans le financement quadratique, la contribution d'un individu à un projet est élevée à la puissance de deux, puis ajoutée aux contributions des autres individus. La somme totale est ensuite utilisée pour déterminer la part de financement du projet dans le pool de financement total. Ce mécanisme favorise un plus grand nombre de contributeurs et réduit l'influence des gros donateurs.

Finance Traditionnelle, TradFi

La finance traditionnelle désigne le système financier actuel, fondé sur les monnaies nationales, les banques centrales, les banques commerciales et d'autres institutions financières, et qui permet d’accéder à des services comme les paiements, l’épargne, le crédit ou encore l’investissement.

Github

Plateforme collaborative en ligne utilisant le système de gestion de versions Git. GitHub permet aux développeurs informatiques de stocker, partager et collaborer sur le code informatique de logiciel open source. Dans l’écosystème blockchain, GitHub est essentiel pour la publication et le partage du code open source des protocoles, des smart contracts, et de l'ensemble des logiciels open source utilisés par l'écosystème. L'un des modes de financement des logiciels open source de l'écosystème Ethereum est Gitcoin.

Hachage (fonction de), Hash

Fonction mathématique qui transforme n’importe quel contenu sous la forme d’un nombre hexadécimal. À la moindre modification du contenu, le nombre haché devient totalement différent. L’intérêt d’une fonction de hachage est qu’elle ne s’applique que dans un sens : le hachage obtenu ne permet pas de remonter au contenu d’origine, en revanche il suffit de hacher à nouveau ce contenu pour vérifier que le hachage en résultant est identique, preuve qu’aucune modification n’est intervenue. Les blocs de transaction d’une blockchain sont ainsi hachés au fur et à mesure et permettent d’avoir la garantie qu’ils n’ont jamais été modifiés depuis la première transaction.

Identification par Radiofréquence, Radio Frequency identification - RFID

Désigne une méthode d’identification de données à distance, incorporées, sous la forme de tag, dans des objets ou des produits et comprenant une antenne associée à une puce électronique.

interface de programmation applicative, Application Programming Interface - API

En informatique, une interface de programmation applicative (en anglais Application Programming Interface) est un ensemble normalisé de classes, de méthodes ou de fonctions qui sert defaçade par laquelle une blockchain va offrir des services à d’autres logiciels. Une API blockchain spécifie comment des programmes informatiques pourront se servir des fonctionnalités et des données distribuées accessibles dans le registre d’une blockchain.

Jeton non fongible, Non-Fungible Token - NFT

A contrario de deux pièces de monnaies fongibles, c’est-à-dire qui ne peuvent être différenciées (une pièce de un euro ressemble en tous points à une autre pièce un euro), un NFT est un token unique, cette unicité lui faisant perdre son caractère fongible. Un NFT exécute du code informatique stocké dans des smart contracts* conformes à des normes différentes telles que ERC-721 sur Ethereum.

Jeton (ou Tokenisation), Token

Un token, jeton en français, est une unité (un actif) numérique échangé sur une blockchain. Le bitcoin est le jeton de la blockchain Bitcoin. L’Ether est le jeton de la blockchain Ethereum. Par extension, l’expression « tokenisation » désigne l’idée qu’un actif, quel qu’il soit, puisse être représenté numériquement et échangé via une blockchain.

Kit de développement logiciel, Software Development Kit - SDK

Ensemble d'outils d'aide à la programmation pour la conception et le développement de logiciels ou d'applications.

Machine Virtuelle Ethereum (ou EVM), Ethereum Virtual Machine

Entité virtuelle unique permettant l’exécution de tous les smart contracts* de toutes les applications décentralisées (dApps) et de toutes les Organisations autonomes décentralisées (DAO en anglais) développées sur la blockchain publique sans permission Ethereum. En effet, Ethereum peut être comparé à un automate fini distribué. Un automate fini distribué est une construction mathématique pouvant changer d’état. Ethereum possède deux états : un état lui permettant de gérer tous les comptes et les soldes des paiements effectués avec son crypto-actif natif, l’Ether ; et un état appelé “état machine”. Cet “état machine” change de bloc en bloc, de sorte à exécuter les smart contracts* qui s’y trouvent. Les changements de l’état machine s’effectuent selon un ensemble de règles. Ces règles spécifiques de changement d'état de bloc à bloc sont définies par l'Ethereum Virtual Machine (https://ethereum.org).

Mainnet / Testnet

Le terme mainnet est utilisé pour décrire le moment où un protocole blockchain est entièrement développé et déployé, et que les transactions en crypto-actifs sont diffusées, vérifiées et enregistrées sur la blockchain. Le terme testnet décrit l’environnement de développement et de tests avant le lancement du mainnet.

Mème coin, Meme coin

Un meme coin, memecoin ou meme token est un crypto-actif basé sur un mème Internet, ou qui a pour origine une caractéristique humoristique, ironique, une blague ou image virale sur internet. Ces actifs numériques sont considérés comme particulièrement volatils et spéculatifs.

Mineur

Validateur de transactions sur une blockchain. Le mineur est rémunéré dans le crypto-actif natif de la blockchain au sein de laquelle il valide les transactions.

Monnaie fiduciaire, fiat money

Monnaie sous la forme de pièces et de billets, dont la valeur nominale est supérieure à la valeur intrinsèque . La confiance (fiducia en latin) que lui accorde l'utilisateur comme valeur d'échange, moyen de paiement, et donc comme monnaie repose sur le cours légal attribué par l’Etat.

Monnaie télécom, Mobile Money

Le "mobile money" est un service qui permet d’utiliser son téléphone portable pour envoyer ou recevoir de l’argent, payer des factures, acheter des biens ou recharger du crédit. L’argent est stocké dans un portefeuille électronique lié au numéro de téléphone. Ce portefeuille, géré par l'opérateur de télécommunication comme Orange, MTN ou Airtel…), fournit la plateforme technique et travaille avec des agents agréés pour les dépôts et retraits d’argent en espèces. Dans de nombreux pays, ce service est encadré par la banque centrale ou par un organisme de régulation, afin de garantir la sécurité du service.

Offre initiale de token, Initial Coin Offering - ICO

Émission de tokens échangeables contre des crypto-actifs pour lever des fonds auprès d’une communauté. Contrairement à une IPO (Initial Public Offering) qui permet la cotation des actions d’une société sur un marché boursier, une ICO n’est pas encadrée par un régulateur financier.

On Chain/Off Chain

Quand une transaction s’effectue on-chain, cela veut dire qu’elle est inscrite dans un bloc de transaction enregistré dans une blockchain. En revanche, une transaction off-chain se déroule en dehors de ladite blockchain. Par exemple, les transactions sur le Lightning Network (voir supra) sont effectuées en dehors de la blockchain de Bitcoin et sont dites off-chain.

on/off-ramp, on/off-ramp

La conversion entre actifs numériques et monnaies fiat, autrement dit, les on-ramps (passerelles d’entrée) et off-ramps (sorties vers le système traditionnel)

Oracle, Oracle

Dans le domaine des blockchains, un Oracle est une source d’information provenant du monde physique sur laquelle est connecté un ou plusieurs smart contracts et dont les parties s’entendent sur la fiabilité des données. On peut prendre comme exemple l’IATA pour les données liées aux vols aériens ou encore Météo France pour les données liées à la météorologie (précipitation, gel, neige etc.). Utilisées dans le cadre d’applications décentralisées, les données d’un oracle permettent d’enclencher les termes d’un smart contract. Par exemple, une assurance paramétrique remboursera automatiquement un agriculteur en cas de perturbation météorologique dont les données sont certifiées par un oracle.

Organisation Autonome Décentralisée, Decentralized Autonomous Organization - DAO

Une DAO est une organisation de personnes fonctionnant grâce à un programme informatique qui fournit des règles de gouvernance à la communauté sans direction centralisée. Ces règles sont transparentes et immuables parce que codées dans un protocole blockchain.

Phrase mnémotechnique, Seed Phrase

Suite de mots (généralement 12 ou 24) permettant la récupération d’un portefeuille de crypto-monnaies depuis n’importe quel appareil.

Plateforme d'échanges centralisés, Centralized Exchange - CEX

Voir DEX.

Plateforme d'échanges décentralisés, Decentralized Exchange - DEX

Une plateforme d'échanges décentralisés (DEX) est un type d’échange de crypto-actifs qui fonctionne en pair-à-pair et sans intermédiaire. Contrairement aux plateformes d’échanges centralisées (CEX, Centralized Exchange), comme Binance ou Kraken, les échanges s’opèrent directement entre les utilisateurs, réduisant ainsi le risque de vol causé par le piratage des échanges, la manipulation des prix et garantissant un meilleur anonymat.

Pool de minage

Association de mineurs coopérant pour la réalisation du travail de validation des transactions au sein d’une blockchain. Les gains effectués par les machines acquises en commun sont partagés entre les membres du pool de minage.

Portefeuille de crypto-actifs (ou Portefeuille crypto), Wallet

en matière de crypto-actif, un portefeuille est un dispositif qui peut prendre la forme d'un support physique, d'un programme informatique ou encore d'un service, et dont l'objet est de stocker les clés publiques et/ou privées de crypto-actifs. Ce procédé de stockage de la clé privée, connue du seul propriétaire du portefeuille, permet à son détenteur de signer des transactions et de prouver à l'ensemble des pairs du réseau blockchain qu’il est bien le propriétaire des crypto-actifs utilisés.

Portefeuille d’identité, Identity Wallet

Portefeuille composé d’attestations vérifiables. Voir Attestation vérifiable

Preuve à divulgation nulle de connaissance, Zero Knowledge Proof - ZKP

Une preuve à divulgation nulle de connaissance est une méthode de chiffrement qui permet à une personne (le prouveur) de prouver à une autre personne (le vérificateur) qu'elle est en possession de certaines informations sans les révéler au vérificateur. En d'autres termes, la preuve à divulgation nulle de connaissance permet de présenter des preuves de faits portant sur des données personnelles sans pour autant révéler ces données personnelles. Les preuves à connaissance nulle ont été conçues pour la première fois en 1985 par Shafi Goldwasser, Silvio Micali et Charles Rackoff dans leur article « The Knowledge Complexity of Interactive Proof-Systems ».

Preuve d’autorité, Proof of Authority - PaO

La preuve d’autorité est un algorithme de consensus qui désigne un nombre restreint et identifié d’acteurs au sein d’un réseau blockchain ayant le pouvoir de valider les transactions et de mettre à jour le registre. Cet algorithme de consensus est souvent mis en œuvre sur des blockchains privées ou de consortium. L’intérêt pour ces acteurs, souvent bancaires, étant de gagner en auditabilité et ainsi de réduire et d’optimiser les coûts liés à leur coordination.

Preuve d’enjeu déléguée, Delegated Proof of Stake

Mécanisme de consensus réduisant le nombre de noeuds d’une blockchain et reposant sur l’élection de mineurs (les validateurs de blocs de transactions sur une blockchain) qui ont immobilisé des fonds (stake) en crypto-actifs dans une blockchain au prorata de ce que chacun possède.

Preuve d’enjeu (ou Preuve de participation), Proof-of-stake - PoS

Méthode pour valider les blocs de transactions d’une blockchain imaginée par Scott Nadal et Sunny King en 2012. Cette méthode demande à l’utilisateur de prouver la possession d’une certaine quantité de crypto-actif pour prétendre pouvoir valider des blocs supplémentaires dans ladite blockchain et pouvoir percevoir la récompense à l’addition de ces blocs. Ce mécanisme de consensus consiste à résoudre un défi informatique appelé minting (monnayage), opéré par des « forgeurs ». Il ne nécessite pas de matériel informatique puissant, consomme peu d’électricité et tient sur un nano ordinateur comme le Rasperry Pi. Pour valider un bloc de transactions, le forgeur met en dépôt une certaine quantité de crypto-actifs et reçoit une récompense lorsqu’il valide un bloc pour le blocage de ce capital. Si le forgeur procède à une attaque informatique en insérant de faux blocs de transactions dans la blockchain, la communauté, à partir du moment où elle s’en rend compte, pourrait procéder à un hard fork*, ce qui entraînerait la perte des dépôts de l’attaquant. Vitalik Buterin, cofondateur d’Ethereum explique : « la philosophie de la preuve d’enjeu résumée en une phrase n’est donc pas “la sécurité vient de l’énergie dépensée”, mais plutôt “la sécurité vient des pertes économiques engendrées par une attaque” ».

Réseau Lightning, Lightning Network

Protocole de paiement de pair-à-pair construit comme une application de deuxième couche sur la blockchain Bitcoin qui permet d’opérer des transactions en bitcoin extrêmement rapides, de l’ordre d’un million par seconde, quasiment sans frais et sans dépense énergétique, puisque la validation des transactions ne nécessite pas de minage par la preuve de travail. Depuis 2015, des acteurs de la communauté Bitcoin, dont notamment Lightning Labs, Blockstream et ACINQ, travaillent sur ce protocole qui apporte l’une des réponses au problème de changement d'ordre de grandeur(scalabilité) de Bitcoin qui, pour rappel, ne peut traiter que 7 à 10 transactions par seconde. Le réseau Lightning fonctionne depuis mai 2018.

Satoshi

Un Satoshi est la plus petite unité divisible d’un Bitcoin, soit le 8e chiffre après la virgule. Un satoshi est donc égal à 0,00000001 bitcoin. Le nom s’inspire du nom de la personne ou du groupe de personnes ayant publiés le livre blanc fondateur de Bitcoin en 2008,

Scission, Fork (hard / soft)

En langage informatique, un fork consiste à créer un nouveau logiciel à partir du code source d’un logiciel existant. Un soft fork apporte des modifications à la blockchain concernée qui vont s’appliquer uniquement dans le futur, alors que les modifications introduites par un hard fork valent également pour le passé. Un hard fork consiste donc à réécrire le code source d’un protocole blockchain après son lancement.

Sidechain

Une Sidechain est une blockchain secondaire ou parallèle conçue pour fonctionner à côté d’une blockchain primaire, publique, afin d’en accroître les capacités et remédier à leurs limites inhérentes, notamment de mise à l’échelle (scalabilité). Le recours à une Sidechain permet de traiter des opérations sans solliciter la blockchain primaire afin, par exemple, de réaliser des calculs spécifiques, ou encore de traiter des smarts contracts dans un environnement privé avant que les données soient enregistrées dans une blockchain primaire, comme Bitcoin ou Ethereum.

Smart Contract

Selon le site Ethereum.org, les contrats intelligents sont « des applications qui s’exécutent exactement telles que programmées, sans possibilité de les arrêter, non censurables, sans fraude possible et sans interférence de tierce partie ». L’intérêt de ces contrats est qu’ils sont autonomes, automatiques et répliqués dans tous les nœuds d’une blockchain, et que leur exécution ne passe pas par un tiers de confiance pour en garantir la validité. Plusieurs blockchains publiques permettent de mettre en œuvre des smart contracts, dont notamment Ethereum, Polkadot, Tezos, Stellar ou encore Solana.

Staking

Le staking consiste, pour un utilisateur, à immobiliser et verrouiller des tokens dans un smart contract. Le protocole attribue de façon aléatoire à l’un des participants le droit de valider un bloc de transactions et recevoir une récompense en token. Le mécanisme de la “preuve de détention”, proof of stake incite les utilisateurs à immobiliser leur token, la probabilité d’être choisi pour valider un bloc de transaction étant proportionnelle au nombre de tokens verrouillés. Plus l’utilisateur a de tokens verrouillés, plus la probabilité d’être choisi pour valider la transaction est grande. Si un utilisateur tente d’écrire de fausses transactions dans un bloc, il perd ses tokens immobilisés et se fait bannir du réseau.

Système de fichier inter-planétaire, InterPlanetary File System - IPFS

Un système distribué de fichiers pair à pair dont l’objectif est de stocker des informations et des données de manière décentralisée, sécurisée et confidentielle, permettant ainsi de se prémunir contre toute forme de censure. Aujourd’hui, une recherche d’information sur le web consiste à demander à un moteur de recherche “où se trouve le contenu” afin d’identifier l’URL du serveur où il se trouve ; une recherche dans l’IPFS consiste à demander au système “le contenu que l’on recherche”, identifié par un hash cryptographique unique et permanent. Créé en 2014 par Juan Benet, IPFS est un protocole open source qui pourrait se développer à côté du protocole HTTP inventé par Tim Berners-Lee en 1991.

Technologie de registre distribué (ou DLTs), Distributed Ledger Technology - DLT

Un DLT est un système numérique permettant de stocker et partager des données de manière distribuée entre plusieurs participants, sans dépendre d'une autorité centrale. Comme une blockchain ou un Graphe orienté Acyclique (DLT)

Téléphone basique, Feature phone

Téléphone mobile possédant les caractéristiques techniques basiques d’un smartphone.

Teneur de Marché Automatisé, Automated Market Maker - AMM

Protocole permettant de calculer le taux de change entre deux crypto-actifs de manière automatique. Le teneur de marché automatisé est à la base de tous les DEX (Decentralised Exchange), et permettent à ses usagers d’échanger des crypto-actifs entre eux en pair-à-pair, sans passer par un tiers. La première plateforme à utiliser ce principe se nomme Uniswap.

Tolérance aux pannes byzantines asynchrones, asynchronous Byzantine Fault Tolerance - aBFT

La tolérance aux pannes byzantines asynchrones est une manière alternative de répondre au problème des généraux byzantins (voir supra). Plutôt que de faire en sorte que les trois généraux soient coordonnés en permanence, il s’agit de confier la direction des trois armées aux généraux bienveillants, tout en excluant le général malveillant du contrôle de son armée. Du point de vue d’un réseau informatique, un réseau tolérant aux pannes byzantines asynchrones authentifie les membres bienveillants de ce dernier pour leur confier la responsabilité de le faire fonctionner.

Tolérance aux pannes byzantines, Byzantine Fault Tolerance - BFT

La tolérance aux pannes byzantines est une solution au problème logique des généraux Byzantins. Ce problème logique, élaboré en 1982, consiste à expliquer les difficultés de coordination simultanée des actions de trois armées commandées par trois généraux alliés. En effet, ces derniers doivent attaquer ou battre en retraite en même temps. Or, un général ne peut connaître les actions des autres que par l’intermédiaire d’émissaires. Par conséquent, un général malveillant envoyant une information erronée aux deux autres brouillera les actions des alliés. En appliquant cette situation aux réseaux informatiques, on peut en déduire que seulement un tiers des membres d’un réseau est capable de nuire à l’entièreté de ce dernier. La tolérance aux pannes byzantines est la capacité d’une technologie donnée de se prémunir contre ce type de comportement. Les mécanismes de consensus par la preuve de travail et par la preuve d’enjeu sont des exemples de solutions rendant les blockchains tolérantes aux pannes byzantines.

IAgraphie

Dans le cadre de la publication du présent rapport, nous avons utilisé les outils d’intelligence artificielle (IA) NotebookLM et Gemini de Google. NotebookLM est une application web de recherche et de prise de notes développée par Google Labs. Elle utilise l’intelligence artificielle (IA), en particulier Google Gemini, pour aider à interagir avec une sélection de documents. NotebookLM peut générer des résumés, des explications et des réponses en fonction des contenus téléchargés par l’utilisateur. Dans le cadre de la publication du rapport, NotebookLM et Gemini ont été utilisés de la manière suivante

*Mixte désigne un processus hybride impliquant des interactions plus ou moins nombreuses entre l’outil d’intelligence artificielle (IA) et les auteurs, et dont la version finale a systématiquement été éditée, revue et validée par ces derniers. 

Une version publique du NotebookLM « Aides, Charite & Philanthropies », basée sur les source indiquées en bibliographie, est accessible sur ce lien.

Cette mention d’une IAgraphie est inspirée de « Comment indiquer l’usage de l’IA dans une publication scientifique ? Guide « Citer l’IA » (Version 1, octobre 2024) Document de travail préparé par Ioana Galleron dans le cadre des travaux de l’Axe n°3 du Consortium-HN ARIANE »

AUTEURS

Dr. Jacques-André Fines Schlumberger

Chercheur indépendant et enseignant, responsable des opérations, Blockchain for Good

CONTRIBUTEURS

Alexandra Day

Chargée de mission, Blockchain for Good

Aouatef Khelloqi

Web 3 for Impact Lab Lead, Fondation RadicalxChange

Benjamin Grauer

Directeur innovation, Vadato (crypto natif)

Emilie-Alice Fabrizi

Présidente, The Good Token Society

Frédéric Martin

CEO, Cybersecurity expert, myDid

Guillaume Sotto-Mayor

President, Egregor

Inès d’Haultfoeuille

Directrice du Développement, Egregor

Malik Lakoubay

Director of Policy and Outreach, Fondation RadicalxChange

Sirine El Hadj

Doctorante en business computing, Institut Supérieur de Gestion de Tunis, Tunisie

Relecteurs

Alexandre Chkirate

Head of Web3 Partnership, CoalaPay

Anne-Cécile Ragot

Responsable du développement, ONG de solidarité internationale

Dr. Louis Bertucci

Head of Center for Digital and Decentralized Finance (C2DF), Institut Louis Bachelier

Emilien Ercolani

Conseiller en transitions numériques et sociétales, Web3 (Indépendant)

Mario Stephan

Responsable diversification et impact au sein de l'unité philanthropie, Médecins Sans Frontières Suisse

Noémie Dié

Senior Strategic Planning Specialist, Dassault Systèmes

Pierre Champsavoir

Head of Strategy & Impacts, Happy Smala

Pierre Fini

Doctorant en droit privé, Université Paris-Saclay, France

Pierre Noro

Advisor, SciencesPo PSIA Tech & Global Affairs Innovation Hub

Zakaryae Boudi

Co-founder & CEO, FeverTokens, Tokenized Economies Institute

Licence

Les contenus de ce rapport sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons : Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International. Vous êtes autorisés à : Partager — copier, distribuer et communiquer le rapport par tous moyens et sous tous formats. Adapter — remixer, transformer et créer à partir du rapport selon les conditions suivantes : Attribution — Vous devez créditer le rapport, intégrer un lien vers la licence et indiquer si des modifications au rapport ont été effectuées. Vous devez indiquer ces informations par tous les moyens raisonnables, sans toutefois suggérer que l’Offrant vous soutient ou soutient la façon dont vous avez utilisé son rapport. Pas d’Utilisation Commerciale — Vous n’êtes pas autorisés à faire un usage commercial de ce rapport, tout ou partie du matériel le composant. Partage dans les Mêmes Conditions — Dans le cas où vous effectuez un remix, que vous transformez, ou créez à partir du matériel composant le rapport original, vous devez diffuser le rapport modifié dans les même conditions, c’est à dire avec la même licence avec laquelle le rapport original a été diffusé. V.1.1. Pour citer ce rapport : « Rapport Blockchain et développement durable – Aides, Charité & Philanthropie 2025-2026 », Jacques-André Fines Schlumberger, Association The Blockchain for Good – France, décembre 2025.

Disclaimer

The Blockchain for Good Association publishes independent analyses and the opinions expressed in this report are solely those of the authors and do not commit the individuals or organizations consulted, nor our partners, the Insitut Louis Bachelier, the Blockchain@X chair at École Polytechnique, created with the support of Capgemini, NomadicLabs and the Caisse des dépôts et des Consignations, the Caisse des dépôts Group, the Banque Publique d’Investissement, PositiveBlockchain.io and the Elyx Foundation.

Ce rapport constitue une sous-section thématique d’un livret complet consacré à la recherche sur le thème « Blockchain et développement durable ».

Nous vous recommandons vivement de lire au préalable l’introduction commune à tous les rapports.

Lisez-moi

Ce rapport est une sous-partie thématique d’un cahier complet dont l’objet est la recherche sur le sujet «Blockchain et développement durable»La lecture de l’introduction commune à tous les rapports est largement recommandée. Cliquez sur ce bouton pour la charger. 

Tips

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